Jusqu’au 13 avril 2013, découvrez au Neues Museum de Berlin l’exposition Dans les lumières d’Amarna, qui célèbre le centenaire de la reine d’Egypte Nefertiti, dont le buste est arrivé à Berlin en 1913. Un rendez-vous à ne pas manquer dans l’Agenda Berlin 2013 pour tous les amateurs d’art égyptien et d’égyptologie de passage à Berlin…
La Belle-est-venue est aussi la plus jolie des reines de l’humanité. L’Allemagne fête le centenaire de l’épouse du pharaon Akhenaton, Nofretete pour les Allemands.
Non, mon titre est abusif, Néfertiti n’a pas 100 ans car elle est née il y a environ 3382 années. Mais c’est sa plus belle représentation, un buste réalisé par le sculpteur Thoutmosis (nom à ne pas confondre avec celui d’un pharaon ni d‘un vizir), qui a été découvert à Amarna il y a juste un siècle, le 6 décembre 1912. Enfin, aurait été découvert. Par l’archéologue allemand Ludwig Borchardt (1863-1938).
Lumières d’Amarna ; exposition du centenaire du buste de Nefertiti
Le buste est visible au Neues Museum de Berlin, qui a rouvert ses portes le 17 octobre 2009 dans la collection permanente. Le but de ce musée était de réunifier toutes les collections égyptiennes des deux Allemagne, une fois ce musée restauré à cause de sa destruction en 1945.
Mais le buste sera aussi la pièce maîtresse d’une exposition temporaire (« Dans les lumières d’Amarna ») spécialement conçue à l’occasion de ce centenaire qui se tiendra du 7 décembre 2012 au 13 avril 2013 (dans le même musée berlinois) et où seront exposés près de six cents objets relatifs à Néfertiti et à cette période amarnienne : « L’exposition va montrer des objets jamais présentés auparavant des collections du Musée de Berlin, complétés par des prêts d’autres musées étrangers, notamment le Metropolitan Museum of Art de New York, le Louvre à Paris et le British Museum de Londres. » explique le communiqué du musée (fin août 2012).
Le buste de Nefertiti ; un objet magnifique, une beauté incomparable
Si le buste de Nefertiti est aujourd’hui à Berlin, c’est parce que les recherches et les fouilles furent menées, il y a plus d’un siècle, par des archéologues allemands. Dirigés par Ludwig Borchardt et financés par la Deutsche Orient-Gesellschaft, ces archéologues fouillèrent le site archéologique d’Amarna dans la ville d’Akhetaton entre 1911 et 1914, en particulier dans les maisons particulières où ils retrouvèrent beaucoup d’objets qui ont montré une rupture esthétique dans l’art égyptien. Entre sept mille et dix mille objets furent ainsi exhumés dont cinq mille sont désormais à Berlin.
L’art amarnien se caractérise notamment par son naturalisme : il a représenté beaucoup d’animaux et de plantes. Il est visible notamment à Karnak où Akhenaton avait complété le temple par des statues géantes qui le représentent avec des lèvres développées et un bide (gros ventre) peu gracieux mais probablement plus proche de la réalité que les représentations classiques plus idéalisées.
La découverte à Amarna de nombreux objets dans l’atelier de Thoutmosis fut une chance exceptionnelle de connaître la cour royale. Thoutmosis fut le sculpteur officiel d’Akhenaton. Parmi les trésors ensevelis, quelques statuettes de Néfertiti (comme celle sur la photo). On a aussi retrouvé de nombreux moules en plâtre représentant la famille royale. Le 6 décembre 1912, un ouvrier travaillant pour Ludwig Borchardt a découvert le buste de Néfertiti d’une exceptionnelle beauté. Borchardt a noté sur son journal : « Soudain, nous avions entre les mains l’oeuvre d’art égyptienne la plus vivante qui soit. C’est impossible de l’exprimer avec des mots. Il faut le voir… Il est quasiment complet, seules les oreilles ont été ébréchées, et il manque l’insert dans l’orbite gauche. ».
L’archéologue a réussi à l’apporter à Berlin en masquant son importance le 20 janvier 1913 au Conseil suprême des antiquités égyptiennes présidé par le Français Gaston Maspero. Borchardt a ensuite confié le buste à Henri James Simon, un des fondateurs de la Deutsche Orient-Gesellschaft. Cet objet devint même l’une des fiertés de la nation allemande.
L’objet ne fut révélé au public qu’en 1923 et exposé en 1924 à Berlin. Il aurait été réalisé en 1345 av. JC pour servir de modèle à d’autres œuvres. Haut d’environ un demi mètre, le buste brille de très belles couleurs. Six pigments furent utilisés : noir, blanc, vert, bleu, rouge et jaune. Il lui manque l’œil gauche qui serait tombé avec le reste des ruines de l’atelier (du quartz).
Authenticité contestée mais finalement prouvée
Cependant, au-delà de la revendication de l’Égypte à rapatrier ce bijou de l’art égyptien (formulée officiellement par Zahi Hawass en 2005), une polémique est déclenchée par l’historien de l’art suisse Henri Stierlin le 12 mars 2009 (il a 84 ans maintenant) bien qu’il n’eût apporté aucune preuve tangible à ses affirmations.
Dans son livre « Le buste de Néfertiti, une imposture de l’égyptologie ? », il a remis en cause l’authenticité du buste. Son côté « art nouveau » très à la mode au début du XXe siècle, le fait que les épaules fussent coupées verticalement et pas horizontalement habituellement, quelques autres indices comme l’absence de rapport de fouilles immédiat et les conditions de son acheminement vers l’Allemagne ont incité l’auteur à mener douze ans d’enquête.
Selon lui, ce buste serait un plâtre expérimental réalisé avec les nombreux pigments retrouvés dans les ruines de l’atelier : « Au départ, à mon avis, il n’y a pas eu malhonnêteté. Borchardt a exhumé d’admirables têtes de Néfertiti. Mais tous restaient lacunaires. Le chercheur a donc demandé au sculpteur restaurateur de sa mission archéologique, qui s’appelle Mark ou Marx, de lui en fabriquer une, en s’appuyant, pour compléter les manques, sur des bas-reliefs existants. ».
C’est alors que le prince Johann Georg de Prusse et d’autres princesses de la Saxe vinrent visiter les fouilles, et ils admirèrent le buste. La mission ne pouvait plus les détromper. Borchardt n’aurait pas osé décevoir le prince et lui aurait assuré de son authenticité : « C’est sous la pression des amateurs d’art que Borchardt bâcle, en 1923 seulement, un vague rapport sur sa pseudo-découverte. ». Le buste aurait dû être restitué à l’Égypte en 1933 (à l’initiative de Göring qui voulait acheter une alliance avec le roi Farouk Ier) mais Hitler refusa : « Hitler adorait hélas le buste. Il croyait que Néfertiti était une princesse hittite et par conséquent, aryenne. ».
Si le Neues Museum de Berlin a reconnu qu’il y a eu d’importantes retouches sur le buste, notamment sur le nez et les joues (creusées à la Marlene Dietrich), ce qui rendait la reine conforme aux canons de la beauté féminine du début du XXe siècle, son caractère faux a été fermement nié.
Et pour cela, les experts se basent sur des mesures extrêmement fines des matériaux utilisés dans la confection du buste. Les pigments proviennent bien de l’époque d’Amarna. De plus, une série de mesures de tomographie réalisées par le radiologue Alexander Huppertz en 2006 sont venus confirmer l’authenticité du buste, composé de plâtre sur une esquisse en pierre. Pour Dietrich Wildung, le conservateur de l’Ägyptisches Museum de Berlin, il n’y a aucun doute à avoir. Mieux : les analyses au scanner ont décelé des fissures internes qui fragilisent la pièce et rendent son transport impossible. Donc, impossible de restituer le buste à l’Égypte !
Nefertiti, la Joconde de Berlin
Jusqu’au 13 avril 2013, 600 pièces de l’art amarnien à observer
Cet objet, considéré comme la Joconde de Berlin, est actuellement estimé à 300 millions d’euros. Les personnes qui se trouveraient à Berlin seraient donc bien mal inspirées si elles ne s’arrêtaient pas au Neues Museum pour visiter cette reine mystérieuse mais si sublime et rayonnante.
Le Neues Museum (Bodestraße 1-3, 10178 Berlin) est ouvert tous les jours de 10h00 à 18h00 sauf le mardi jusqu’à 20h00. Il est très bien desservi par les transports en commun (métro, tramway, bus).
Sylvain Rakotoarison
http://www.rakotoarison.eu
« Seul est éternel le devoir envers l’être humain comme tel. »
Citation de la philosophe Simone Weil tirée de son livre « L’Enracinement » (éd. Gallimard) publié en 1949 après sa mort.