Pourquoi les thaïlandais en général ne réagissent-ils pas davantage à cet article 112 « crime de lèse-majesté » ? Un professeur d’université à Chiang Mai – qui a étudié aux Etats-Unis – me disait : « Le système politique thaïlandais n’a jamais été transformé au travers des révolutions post coloniales, comme dans d’autres pays. Ce sont toujours les mêmes bastions qui « tiennent » le pouvoir : une classe dominante puissante, une administration centralisée et une bureaucratie dominée par les « ammart », les aristocrates. »
Les problèmes se sont accumulés, exacerbés par un développement économique déséquilibré (Bangkok/provinces). Durant la période du conflit au Vietnam, l’aide américaine a boosté l’économie thaïlandaise (infrastructures, routes… mais aussi enrichi et renforcé le système militaire en place). L’économie a fait un bond mais le développement culturel et l’éveil à la politique qui accompagnent en général le développement économique d’un pays, n’ont pas suivi.
« Les thaïs, habitués à ce système du « double standard », habitués aux privilèges, souhaitent toujours un gouvernement qui les rendent heureux. Ils veulent un gouvernement qu’ils peuvent aimer ».
Lorsque je demandais à mes amis de la région Isan : pourquoi n’élisez-vous pas un des vôtres ? « Que pourrait faire pour nous quelqu’un d’intelligent et de bien intentionné mais pauvre ? Seuls les riches peuvent faire quelque chose pour nous »
Durant les revoltes de 2010 a Bangkok
« Les problèmes à l’échelon régional ne sont pas réglés parce que les institutions provinciales sont très faibles ». (Le problème de la pollution à Chiang Mai devient de plus en plus insupportable d’année en année, mais qu’importe on continue de construire des immeubles sans s’occuper des infrastructures, de la circulation et du problème de transport. Et je ne parle pas de la pollution sonore chaque nuit jusqu’à 2 heures du matin dans le quartier de Nimmanheimin : de plus en plus de pubs, de boites, de karaokés).
« Le système éducatif est géré par les aristocrates. Les étudiants n’ont pas de connaissance en politique. Pire ils sont éduqués pour être « apolitiques ». La Thaïlande a de bons techniciens, bien formés, qui se font beaucoup d’argent… mais…- je vous jure que mon interlocuteur a dit ces mots : « they are political buffalos » (buffalo : « khwaï » en thaï est une véritable insulte, mais ce n’est pas franchement ce qu’il voulait dire je crois, car c’était sans mépris.) « Ils sont ignorants politiquement ».
Les premiers vrais réveils à une conscience politique c’est Thaksin qui les a fait germer dans la tête des pauvres, des laissés-pour-compte du nord et surtout du nord-est (Isan). Il a été le seul Premier ministre thaïlandais qui leur a fait prendre conscience du mot démocratie. A l’intérieur du mouvement des « rouges » il y a eu des petites graines de prise de conscience.
En photo et portee par des « rouges » la photo de Thaksin et de ses enfants
« Quand les militaires ont viré Thaksin (bon ou mauvais premier ministre n’est pas le propos ici), ils ont eu l’intelligence d’éviter le mot « coup d’état » Pourtant les thaïlandais y sont habitués. Ils ont appelé ce limogeage (téléguidé par qui ?) « Réformes politiques pour le bien du pays » !
Et depuis, dispersés, groupés, connectés, silencieux ou pas… ces groupes existent toujours. Il y en a en Isan, dans le nord où j’habite. Et de petites graines continuent de germer et de se poser des questions en silence.
Et c’est bien – avoué ou pas – ce qui fait peur à la classe dominante, aux « ammart »
Je lis à l’ instant dans « the Nation », journal thaïlandais de langue anglaise que Yongyuth, vice premier ministre et ministre de l’intérieur de Yingluck Shinawattra a déclaré : « je parle au nom du party (« Pheua thaï » qui veut dire « pour les thaïlandais »), évidemment je ne peux parler au nom du peuple, et je peuxs vous assurer que nous n’avons pas l’intention d’amender l’article 112. Ce projet n’a jamais été dans nos esprits, nous n’y avons jamais pensé ». Encore un ammart qui parle au nom du peuple ?
- Bangkok, plus qu’une ville, un symbole à préserver - Oct 27, 2021
- Désert berbère au Maroc : un appel irrésistible - Jan 14, 2020
- Etre femme nomade au Maroc berbère : hymne à la liberté, « mes »nomades - Oct 26, 2019