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Mon rapport à la photo : Pourquoi la photo, pourquoi les mots ?

photo d'un homme et des ombres

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Les photos et les mots sont le fruit d’un regard. La photographie peut être un mode de communication très riche de sens.


L’idée de l’expo, « Disparaître pour voir », je la dois à l’équipe de Mondiaphoto qui me suit sur ce blog depuis la première exposition « Femmes je vous aime » de janvier 2012. Grâce aux nouvelles technologies, il est facile aujourd’hui de communiquer en direct, et de choisir images et textes.  Mondiaphoto a une approche que je trouve très intéressante, celle de faire cohabiter musique, images, mots et chant. Une idée qui « m’enchante » justement. Un spectacle complet dont les répétitions à Calais s’enchaînent depuis quelques semaines déjà.

A cette expo, on croisera Gabriel Fauré, André Caplet, Debussy sur lesquels danseront les mots de Camus, Gide, Verlaine, Supervielle,  poète obsédé par « l’absence ».  Cette expo est aussi l’occasion de rencontrer de très jeunes artistes au talent époustouflant. Anne Lombard au piano, Sybille Meriaux au violon, Eric Meriaux à la flûte, et la voix émouvante de Marie Lombard.

hommes a chefchaouen 1


Je ne suis pas partie tout à fait par hasard à Chefchaouen,  petite ville du Rif marocain, dont je n’avais jamais entendu parler. Sur Facebook, j’avais remarqué quelques photos de ces bleus que je croyais uniques et dévolus uniquement à  Jodhpur, la ville bleue du Rajasthan. Mais les burnous et les chapeaux rifains avaient remplacé les saris et les voiles. Alors j’ai vite pris un billet d’avion pour Tanger et en trois heures de voiture taxi j’étais à Chefchaouen. Si loin, si près.

chefchaouen

Mon rapport à la photo a commencé avec un défi : « Tu ne sauras jamais te servir d’un appareil ». Ça remonte à loin, mais il faut se méfier des défis, parfois ils peuvent être dangereux, dans le genre des « t’es pas cap » de l’enfance, ou alors ils sont incitateurs, comme ce fut le cas pour celui-ci.

La photo, ce n’est pas que la captation et la fixation d’instants, c’est la traduction de ma propre perception de ces instants, scènes et évènements que je « mets en scène » dans un  cadre donné, en jouant avec la lumière et en utilisant des focales et des ouvertures différentes pour oblitérer ou mettre en avant tel personnage ou décor. Henri Cartier Bresson disait : « Il faut choisir : ou témoigner ou mettre en scène », disons que dans mon cas, c’est un peu les deux, je sélectionne une scène ou des personnages… tout en laissant une marge à l’inattendu. Des hasards qui ne se révèlent parfois qu’au moment du visionnage sur écran.

Pour Chefchaouen, j’ai choisi mes cadres, mes décors et tenté de me fondre dans le bleu de la ville en laissant les scènes de la vie se dérouler. On était en pleine période de Ramadan et il était quasiment impossible de photographier les habitants de cette petite ville. Ici, pas de complicité comme en Asie, pas de sourires échangés, avec mon appareil photo autour du cou, je suis considérée comme une voleuse. Une certaine violence n’était jamais loin, du moins tout au début, lorsque j’étais encore en mode « Asie ». Et puis je me suis fait toute petite au point de quasiment disparaître. J’ai photographié les gens à leur insu. Seuls les chats ont été mes complices. Ce fut une toute autre façon de photographier. Un challenge intéressant.

ruelle et escalier a chefchaouen

Mon appareil photo est le prolongement de mon regard et le compagnon de mes mots, car images et mots se mêlent, se croisent et cohabitent en bonne intelligence. Je leur accorde autant de soin.  Que ce soit dans la syntaxe pour les textes, aussi bien que dans l’observation de certaines règles concernant la photo. Mais bon, j’ai un compas dans l’œil qui analyse tout de suite l’image et cadre selon la fameuse loi des 3  tiers. Règle d’or indispensable. Un peu comme la grammaire en français.

Ma «  caméra » me donne de l’énergie, m’insuffle une bonne dose d’insouciance par rapport à certains dangers, imaginaires (comme le vertige par exemple) ou réels, comme pendant les manifestations des « Rouges » à Bangkok en 2010, manifestations qui se terminèrent dans un bain de sang. (Lire mon roman « Là où s’arrêtent les frontières »). Elle est mon « troisième œil » comme l’écrivait le moine Lobsang Rampa. Il lui arrive de sentir les choses avant moi. Parfois elle met à distance, parfois, au contraire, elle rapproche ou apprivoise. Un jour, un homme âgé dans les montagnes thaïlandaises m’a demandé de lui envoyer sa photo en prévision de sa crémation. Presque chaque image a son anecdote. Ou en tout cas, celle-ci s’inscrit dans le cadre d’une histoire plus importante qui est celle de mon voyage.

chat dans une ruelle de chefchaouen

Mes projets ? je rêve de passer quelques jours dans le désert, à la porte de l’Arabie, pour un court séjour dans les dunes, pour y rencontrer ces hommes en tenue immaculée que j’imagine, faucon au poing, ces hommes altiers que je croise parfois dans les avions de la compagnie Etihad avec laquelle je voyage sur la route qui m’amène en Thaïlande où je réside une grande partie de l’année, compagnie qui fait un stop-over à Abu Dhabi.

Mondiaphoto à Calais, rue du Vauxhall. Janvier 2013  » Disparaître pour voir »

Combattre l’invisibilité (ou dites aux femmes qu’elles sont belles)

Paris n’était pas triste hier, un soleil hardi avait enfin chassé les nuages et c’était un dimanche de flâneurs… Accompagnée de mon meilleur ami (je ne serai jamais seule avec lui), je photographiais sur mon chemin, un peu au hasard, sans vraiment utiliser mon viseur, ni aucune autre des ses autres fonctions d’ailleurs… c’était plutôt lui qui décidait….il est comme ça, il a ses humeurs et a parfois du flair…

Lorsque je décide, moi,  d’une photo, je choisis le cadre, la lumière, en tachant d’observer un maximum la règle d’or des « tiers » qui donne de la dynamique à une photo et attire le regard sans qu’on sache bien pourquoi, les peintres de la Renaissance l’utilisaient déjà et les photographes ont suivi. D’autres éléments entrent en jeu lorsqu’on photographie, l’émotion n’étant que la touche finale et indispensable.

Donc, hier, dimanche ensoleillé, je photographiais sans émotion particulière, une foule curieuse et avide de soleil et de spectacle. Mon Canon me montrait du doigt, ou plutôt de l’objectif, (grand angle en l’occurrence), de façon quasi systématique, la solitude. Un sentiment pathétique que je découvrais un peu plus tard en mettant mes cliches sur mon écran ordinateur. Il existe donc une osmose entre mon appareil et moi !

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dans une rue à paris
photo d'un homme et des ombres

Pour rester dans le registre de la photo…. Je croisais hier, dans ma coffee-shop habituelle,  une « dame », bien que le terme de « lady » lui convienne mieux… Je l’avais rencontrée il y a plus de trois ans : une femme magnifique, teint laiteux de slave, traits dessinés avec une douce précision et une couronne de cheveux blancs-blonds tressés a la façon des princesses vietnamiennes d’une autre époque. Je ne pouvais retenir mon admiration et je lui disais « pardonnez-moi de vous accoster de cette façon, mais je vous trouve si belle, que je ne peux m’empêcher de vous le dire. Voilà ».Elle avait souri. Nous nous croisions de temps en temps et échangions des propos légers, empreints de distance respectueuse.

Après quelques mois d’absence je croisais a nouveau Joyce Carpati dans ma coffee-shop. Joyce fut directrice artistique du magazine « Cosmopolitan » américain. Aujourd’hui, elle partage sa vie entre New-York et Paris où elle m’avait invitée il y a déjà 2 ans. (J’y allais un peu plus tard mais pour rencontrer U Agga Nya Na, le moine birman ayant participé a la révolution safran de 2007 en Birmanie et refugie a Brooklyn)

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Je n’avais pas revu Joyce depuis un an et demi. Visage virginal de madone ukrainienne, pas une ride de plus et toujours cette posture de femme elegantissime mais sans ostentation (sinon c’est l’horreur bling bling)

« J’ai quelque chose à vous montrer » me dit-elle. Et voilà, ce matin, elle m’explique qu’à New York l’année dernière, un photographe d’une grande agence l’a arrêtée pour lui demander de poser pour lui. Enfin pour un livre de Ari Seth Cohen : « Advanced Style »… comprenez par la : des portraits de femmes élégantes d’un âge certain. Joyce a 80 ans ! « Ce photographe m’a donnée une deuxième jeunesse «  me dit-elle en feuilletant le livre et les magazines qui l’ont depuis interviewée, avec  son sourire de petite fille et un regard malicieux…. Et intelligent.

Alors n’hésitez pas a dire aux femmes qu’elles sont belles, moi je le dis même aux hommes (privilège de l’âge !) Je le dis aussi à mon « chéri », mais lui c’est diffèrent, c’est parce que je  l’aime.

Dans Google, tapez “Advanced Style”….,« I started the blog in order to change people’s perception of aging and show that there is much fun to be had once you reach 80, 90 and 100 years old. Women often tell me that after 40 they have started to feel invisible”. Le photographe qui a photographié ces femmes  pour combattre «  l’invisibilité » que ressentent beaucoup de femmes après 40 ans !!

Une vision unique… sur un monde multiple

Une photo ça ne parle pas mais ça dit beaucoup.
Je ne me déplace quasiment jamais sans ma caméra (oui je continue de dire caméra et non appareil photo, car pour moi cette amie est féminine !) J’ai flirté avec toutes les marques depuis mon premier Nikon jusqu’à ce dernier Canon Eos 5 Mark II, en passant par Hasselblad, et les mythiques Leïca.


Pres de Hanshui (Guizhou) avec une femme de l'ethnie Buyi
Pres de Hanshui (Guizhou) avec une femme de l’ethnie Buyi

Apprendre la technique est un minimum sauf si on photographie avec un portable ou un IPad, mais là, la moindre des choses est quand même d’avoir un « œil ». Le meilleur appareil, le plus cher, le plus sophistiqué, ou le plus brillant technicien… ne feront rien de « captivant » sans une vision, un point de vue, un regard pour « capter » le monde. Et toujours se demander : « qu’est-ce que je veux montrer » avant de shooter au pif.

J’aime les gens que je photographie et un évènement (je suis bientôt invitée à un mariage Karen), ou un paysage à « capter »,  m’excitent autant qu’un shoot d’adrénaline. Pire (ou mieux), je deviens intrépide, je perds la conscience du danger (pourtant j’ai peur de la montagne, j’ai le vertige, je tremble en avion). Lors d’un voyage en Chine, je venais d’avoir un accident serieux de moto et je ne pouvais quasiment pas marcher, je décidais quand même de partir.


Petit frere Chen le voyou tibetain
Petit frere Chen le voyou tibetain


petit frère miao
Petit frere Miao, le timide

Dans les montagnes du Guizhou, mon guide, Xiao Miao, (« petit frère Miao »), me prit souvent la main. « Je peux t’appeler « maman Jullian »  – « Jullian Mum » –  me demanda-t-il de façon touchante. Lorsque pour la première fois, il saisit ma main sur des sentiers pentus et glissants, il me dit en rougissant : « Jullian mum, c’est la première fois que je prends la main d’une femme dans la mienne, excepté celle de ma mère ». Il était jeune, il avait aussi une copine dans le Sichuan, et de timide il se fit de plus en plus audacieux au fur et à mesure du voyage et surtout en la compagnie du chauffeur, un jeune tibétain (« Xiao Chen », « petit frère Chen ») qui lui, sifflait hardiment toutes les jolies filles depuis notre voiture 4x4x.

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escaliers du ciel
Les « escaliers du ciel »

Avec mes deux petits frères, nous nous sommes baladés dans les hautes montagnes du Guizhou. Grâce à eux, j’ai appris à avoir moins froid dans les hôtels de béton glacé : Faire chauffer de l’eau dans une théière mise à disposition dans tous les hôtels chinois, la verser ensuite dans une bouteille plastique transformée ainsi en bouillote.  J’ai appris à écouter de la musique pop tibétaine à fond la caisse  des heures durant, à chanter avec eux jusqu’à l’étourdissement, surtout dans les lacets dangereux de la route et même à fumer comme un pompier dans la voiture… (et pourtant je ne suis pas fumeuse…)


petite fille ethnie miao longue corne hmong
petite fille ethnie « Miao longue corne » (Hmong)

J’aime le monde parce qu’il est different (pour combien de temps encore dans une époque d’uniformisation, non seulement de la pensée, mais de la « bouffe », de la culture ?) et je me dépêche de photographier tout ce qui est en train de disparaître.

Alors bien sûr il y a des photos, des clichés… mais il y a surtout les souvenirs qui se rattachent à chacun de ces instants uniques. On me demande parfois « où je peux faire la même photo ? » Que répondre ?  

Chaque rencontre est unique. Chaque photographe est unique et sa façon de « capter » le monde est aussi unique.

C’est forcément émouvant de voir ses propres photos défiler dans une sorte de slide-show géant sur un mur de trois mètres sur deux, émotion accentuée par la lecture de textes choisis et de poésies, par des moments musicaux et par une petite Marie de quatorze ans au timbre de voix tel un diamant pur et fort. J’en reparlerai la semaine prochaine car ce spectacle vivant proposé par des passionnés de photos et de musique à Mondiaphoto *  mérite qu’on signale et l’évènement et l’enthousiasme des organisateurs.

femme en train de coudre
La ville de Calais est plutôt tristement célèbre avec l’affaire Seafrance dont on parle beaucoup sans rien comprendre réellement sur le fond, excepté que des centaines de personnes vont se trouver au chômage dans une ville déjà pas mal sinistrée.

Donc Mondiaphoto… des animateurs passionnés et mes photos dans cet écrin de talents musicaux et vocaux.

Exposition
Exposition BAC HA42

Le choix des images avait été fait avec Eric il y a quelques semaines, avec une accroche évidente, celle du choix du titre de l’expo et le clin d’œil à Julien Clerc : « Femmes je vous aime ».

Elles étaient là… partout présentes ces femmes aux visages de montagnardes des frontières-limites entre Birmanie, Chine et Vietnam. Des femmes fortes, solides et belles dans leur douceur directe. A chaque cliché, un souvenir, une anecdote, une rencontre, une complicité, un échange… mais pas seulement. Je trouve plutôt vain de « voyager » (je n’ai pas dit « partir en vacances ») sans tenter de comprendre, ne serait-ce qu’un minimum, l’histoire de ces peuples que mon objectif viole avec douceur et amour. Des femmes qui brandissent leur appartenance, leur identité, avec chaque point de broderie de leur costume porté avec fierté… jusqu’à ce que des gouvernements les parquent un jour dans des camps. (c’est déjà le cas dans le Yunnan en Chine et en Thaïlande).


Padaung, Akka, Hmong… des femmes quasiment prisonnières de villages-musées avec entrée payante, traversés par des voyageurs pressés qui en font le tour après quelques clics clacs. A l’inverse de leurs consœurs de la montagne, elles sont « offertes » à la curiosité des touristes qui ont l’illusion d’entrer dans l’univers mystérieux d’ethnies vivant côte-à-côte, ce qui est rarement le cas dans la rude réalité de la jungle ou de la montagne.

femme hmong femme en train de coudre
Hmong à fleurs, Hmongs noirs ou blancs, Miao à longues cornes… peuples venus de si loin, de Sibérie, de Mongolie ou du désert de Gobi, subissant les poussées répétées des Han de Chine et éparpillés dans les montagnes de Birmanie, du Laos, du Vietnam, de Thaïlande. Vivant sur les sommets pentus de montagnes parfois difficilement accessibles. Haini, Buyi, Tzao gravissant les « escaliers du ciel » taillés de leurs propres mains pour y faire pousser le riz, paniers et enfants sur le dos.

paysages à la frontière entre la thailande et la birmanie
D’un côté, la Thaïlande et le Vietnam s’approprient ces ethnies qui font entrer des devises étrangères, de l’autre, la Birmanie  les rejette, pire, les opprime et tente même de les supprimer depuis des décennies, pour  piller leurs riches territoires, mais surtout pour gommer leur identité, leurs particularités, leurs coutumes, leur langue, leur culture.

Ces femmes aux mollets robustes, solides comme les rochers de l’Himalaya, c’est pas du gnagna pour touristes pressés, elles sont mères, femmes, filles, servantes et lorsqu’elles ont accompli les mêmes tâches que celles de leur mari de leur père ou de leur frère, lorsqu’elles ont mis leurs enfants au monde, lorsqu’elles ont préparé les repas pour tous et que la nuit est tombée – avant de s’abrutir dans le sommeil – elles  brodent encore et toujours, leur histoire sur des morceaux de tissu qu’elles revêtent comme des étendards.

femmes thalandaises en trai de travailler sur un ouvrage de couture
On peut bien chanter qu’on est citoyen du monde de ce côté-ci  de la planète, pas elles, elles ne se sentent pas citoyennes de « notre » monde, comment le pourraient-elles ? Elles sont Hmongs et fières de l’être… comme on disait il y a quelques temps « chti et fier de l’être ». Comment, dans ces conditions,  pourrais-je ne pas clamer :« Femmes je vous aime » ?

*Mondiaphoto 27/29 rue du Vauxhall, Calais. Dimanche 15 janvier. Entrée gratuite.

Lire  le livre de May Kham « Journal d’une enfant survivante »

Exposition SAPA210
Michèle Jullian

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