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La Vie des Autres, film allemand de Florian Henckel von Donnersmarck, a été l’un des premiers à aborder près de vingt ans après la réunification de l’Allemagne, l’une des pratiques les plus effrayantes de la police politique dans le régime communiste de la RDA : les écoutes… Mais que cherchait-on à travers cet instrument de recherche de l’information et que dit-il de la société totalitaire de RDA qui se rêvait « idéale »? On écoutait tout le monde pour toutes sortes de raisons pas forcément politiques : cela révélait-il le besoin d’un pouvoir sans limite?
Le film de Florian Henckel von Donnersmarck, « La vie des autres », paru en 2006, jette un regard clinique sur la vie effrayante de l’ancienne RDA, avant la chute du mur de Berlin, qui peut aussi éclairer le présent et l’avenir. À travers l’histoire d’un couple d’artistes, l’une actrice et l’autre dramaturge, c’est sans doute un type de société totalitaire qui est décrit, mais ses méthodes peuvent aujourd’hui mettre en garde une démocratie dont le pouvoir serait tenté par nature, selon Montesquieu, de s’étendre aussi loin qu’il ne rencontre pas d’obstacle. La recherche de l’information est l’instrument privilégié de cette extension au point de voir en tout innocent un coupable qui se dissimule. Et, à cette fin, tous les moyens sont bons pour le démasquer.
La STASI, police politique de la RDA, est ici montrée dans ses basses œuvres quotidiennes, sa traque de la seule information fiable qui vaille, l’information extorquée, obtenue à l’insu et/ou contre le gré des « coupables présumés ». Ses victimes sont, en effet, considérées comme « coupables avant tout examen », contrairement au principe démocratique qui présume l’innocence de chacun avant preuve du contraire. Les médias qui parlent systématiquement de « voleur, violeur ou de meurtrier présumé » seraient bien inspirés de voir où mène cette erreur.
L’information extorquée obtenue par la violence
Le capitaine Gerd Wiesler, remarquablement joué par Ulrich Mühe décédé depuis, est un expert en matière d’information extorquée. Il donne des cours d’interrogatoire nourris de sa propre pratique.
– Il conseille par exemple un type de torture physique et morale par privation de sommeil et reprise incessante des mêmes questions. Il permet d’arracher des aveux sans laisser de trace. Selon lui, la répétition par l’accusé des mêmes réponses signe sa culpabilité puisqu’elle témoignerait de l’apprentissage par cœur d’un rôle.
– Une autre de ses spécialités est la pratique du chantage tant pour imposer le silence que pour extorquer des aveux. L’actrice Christa Maria Sieland, compagne du dramaturge Georg Dreyman, est ainsi sommée de choisir entre collaborer avec la STASI ou renoncer à sa carrière pour toujours. Elle craque et finit donc par révéler la cachette de la petite machine à écrire non répertoriée par la police dont s’est servi son compagnon pour écrire un article sur le suicide en RDA, paru dans l’hebdomadaire ouest-allemand Der Spiegel.
Inversement le chantage permet d’imposer le silence à la voisine de palier qui a vu Wiesler et ses hommes s’introduire dans l’appartement du couple en son absence : soit elle se tait, soit dans les 24 heures sa fille étudiante en médecine sera chassée de la faculté.
– L’autre spécialité de Wiesler est, en effet, la mise sur écoute clandestine des innocents tenus pour des coupables dissimulateurs : épiant quotidiennement les faits et gestes du couple d’artistes, il guette des actions ou des paroles déviantes qui tôt ou tard, selon lui, justifieront leur arrestation. Des micros sont posés dans l’appartement et un studio d’écoutes est installé sous les combles de l’immeuble où Wiesler et un de ses subordonnés se relaient 24 h sur 24 pour consigner par écrit minute par minute le déroulement de « la vie des autres. »
Des leurres rendus inopérants par… la bienveillance imprévisible d’un agent de la STASI
Mais cette surveillance de tous les instants n’est peut-être pas ce que ce régime a produit de pire. Les normes de vie sociale, en effet, sont à ce point perverties, c’est-à-dire étymologiquement « inversées totalement », que même des actes de bienveillance envers les innocents suspectés peuvent leur nuire tragiquement.
Révolté par le suicide de son ami metteur en scène, interdit depuis longtemps d’exercer, G. Dreyman, qui, lui, est un dramaturge encore bien en cour, envisage de publier dans Der Spiegel un article sur le suicide en RDA. Mais il veut auparavant s’assurer que son appartement n’est pas mis sur écoutes. Avec ses amis, lors de la visite de l’un d’eux qui vit à Berlin-Ouest, il monte dans son appartement une expérience qui doit le démontrer par information extorquée donc de manière plus fiable que par information donnée. Ils se mettent à parler ouvertement des détails d’une évasion imaginaire qu’ils organisent le jour même dans le coffre de la voiture de leur visiteur de l’Ouest ; l’heure et le poste frontière sont précisés. De deux choses l’une : ou la voiture de leur ami de Berlin Ouest sera contrôlée à son passage et la mise sur écoute de l’appartement sera démontrée, ou la voiture ne le sera pas et la mise sur écoute de l’appartement sera démentie.
– Un premier leurre d’information donnée déguisée ne information extorquée
On reconnaît l’usage du leurre de l’information donnée déguisée en information extorquée à l’intention d’un agent d’écoutes supposé.
– L’information donnée est le mode d’emploi précis d’une évasion par des amis assez certains de ne pas être écoutés pour en livrer tous les détails dans leurs conversations.
– Elle devient une information extorquée pour Wiesler qui les écoute à leur insu et contre leur gré, mais ignore qu’il s’agit d’un bobard. Il appelle donc le poste frontière concerné pour l’avertir de l’évasion projetée. Or, une fois son interlocuteur en ligne, il se tait et interrompt la communication.
– Un second leurre d’information donnée déguisée en information extorquée
Du coup, son passage sans problème qu’un peu plus tard, l’ami de Berlin Ouest confirme par téléphone se retourne, malgré lui et Wiesler, en nouveau leurre d’ information donnée déguisée en information extorquéecontre Dreyman et ses amis.
– L’information donnée livrée malgré lui par Wiesler est la suivante : le passage sans contrôle de l’ami de l’Ouest signifie que l’appartement n’est pas écouté.
– Elle devient information extorquée pour Dreyman et ses amis par suite du raisonnement personnel sur lequel reposait leur expérience : un contrôle signifiait une écoute, son absence équivaut à une absence d’écoutes.
Une mise hors-contexte par une bienveillance imprévisible qui devient fatale
Leur erreur vient de la mise hors-contexte où ils sont plongés. Ils ne peuvent qu’ignorer ce qui est proprement inimaginable sous ce régime, la désobéissance d’un agent de la STASI. Or, cela vient de se produire à leur insu : Wiesler n’a pas transmis l’information au poste frontière par pure bienveillance à leur égard. Car il traverse une crise de défiance profonde envers le régime de la RDA qu’il sert, depuis qu’il a vu que le ministre de la culture, à l’origine de la mise sur écoute du couple d’artistes, n’agit que pour assouvir sa pulsion bestiale envers Christa Maria Sieland qu’il a violée dans sa limousine en la sommant par chantage de choisir entre sa carrière d’actrice et le viol.
Une même mise hors-contexte amène l’actrice à commettre une autre erreur qui lui est fatale. Soumise à un autre chantage par Wiesler qui la contraint cette fois de choisir entre l’information recherchée et sa carrière, elle finit par révéler la cachette de la machine à écrire de son compagnon sous des lattes de plancher de leur appartement. Rentrée chez elle, elle se croit perdue aux yeux de son compagnon quand débarque une équipe de la STASI pour saisir la machine à écrire. Elle ne sait pas, en effet, que Wiesler est venu auparavant la récupérer en leur absence dans le seul but de les protéger, elle et son compagnon. Elle s’enfuit alors désespérée de l’appartement et se jette sous un camion ! Wiesler paiera d’une rétrogradation professionnelle l’échec de la perquisition qui lui est imputé sans qu’aucune preuve puisse en être apporté.
Tout en sachant raison et proportions garder, on ne peut s’empêcher de penser à ce type de régime épiant « la vie des autres » quand on apprend que trois employés qui avaient critiqué leur hiérarchie surFacebook, ont été licenciés pour « incitation à la rebellion » sur dénonciation de l’un de leurs « amis » de ce réseau social (1) et que surtout le tribunal des prud’hommes a jugé le licenciement légal. De même, la recherche récente des sources de journalistes par des agents de renseignement qui obtiennent d’opérateurs leurs factures téléphoniques détaillées, en contournant la loi, ne peut qu’inquiéter. La condamnation des auteurs des écoutes téléphoniques de l’Élysée sous le président Mitterrand en septembre 2008 n’a pas suffi. Il faut croire que « la vie des autres » obsède tout pouvoir qui cherche à s’étendre au-delà des limites imposées par le régime démocratique.
Paul Villach
(1) Le Monde.fr, « Un licenciement pour des propos tenus sur Facebook jugé légal », 19 novembre 2010.
l’ancienne rda a beaucoup changé et je m’amuse de voir les changements actuelles et chaque lander a ces beautés