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Rien n’est plus cruel pour les médias officiels que de les relire ou revoir plusieurs années après. Le 20èmeanniversaire de la prétendue « révolution roumaine », en décembre 1989 est pour eux à cet égard particulièrement douloureux :ils ont donné alors la mesure de leur talent et de leur connaissance de « la relation d’information ».
« Révolution roumaine » et « charnier de Timisoara » ; histoire d’une manipulation
M. Joffrin, directeur de Libération, vient de rappeler cette expertise fort opportunément pour vilipender Internet, vendredi 18 décembre 2009, sur France 2 dans l’émission de F.-O. Giesbert, « Vous aurez le dernier mot » : « Il y a un effet pervers sur Internet, a-t-il déploré. On met sur le même plan des informations ou des éléments de savoir qui sont produits avec des règles, et d’autres qui sont produits de manière sauvage sans aucune règle (…) Un témoignage, une image qui a été volée comme ça par un téléphone portable, ça n’est pas la même chose qu’un reportage qui a été fait par quelqu’un de compétent, qui sait mettre en contexte et qui sait vérifier… » Cet éloge des médias officiels ne peut pas mieux tomber en ce 20ème anniversaire de « la révolution roumaine » qui, en effet, illustre à l’envi leur expertise acquise après, tout de même, plus d’un siècle et demi de pratique.
La révolution de palais qui a chassé du pouvoir le dictateur Ceaucescu, a donné lieu à une campagne d’influence que les médias ont relayée les yeux fermés : elle était organisée par les « insurgés » pour justifier la chute du dictateur. Les médias ont mordu à pleines dents aux leurres qui leur étaient tendus avec une gourmandise qui fait encore plaisir à voir aujourd’hui. Deux événements ressortent particulièrement de cette campagne d’influence : « le direct permanent » de la télévision des « insurgés », Televiziunea Romana Libera qui a montré le procès expéditif du couple Ceaucescu suivi de leur exécution immédiate, et le leurre du charnier de Timisoara.
Révolution roumaine : Le leurre du « direct »
Dans la foulée de la chute du mur de Berlin, annonciatrice de celle des régimes communistes de l’Est, les médias occidentaux, et en particulier français, se sont rués vers Bucarest, dès les premières manifestations des 17 et 18 décembre 1989 qui ont commencé à secouer le régime dictatorial roumain. Le 22 décembre, la chaîne des « insurgés », Televiziunea Romana Libera, a commencé à émettre grâce à sa jonction avec l’UER, la coopérative d’informations des télévisions européennes et Intervision, celle des pays de l’Est.
Les télévisions françaises n’ont rien trouvé de mieux que de se brancher « en direct » sur cette chaîne qui diffusait en continu une sorte de « happening » révolutionnaire où semblaient apparaître les prochains maîtres de la Roumanie. « La 5 », avec un Guillaume Durand tout émoustillé, s’est particulièrement distinguée en se faisant le relais pur et simple de cette source d’informations partiale. Les anciens de cette « 5 » disparue qui depuis se sont dispersés dans les autres chaînes, n’ont pas trouvé mieux, a-t-on appris, que de choisir ces jours anniversaires pour se réunir, fiers sans doute de leur travail passé.
Dans ces fameurs « directs », aucun recul ne pouvait évidemment être pris : forcément, les journalistes découvraient les images « en direct » en même temps que les téléspectateurs. « L’endroit du traitement de l’information » qu’aiment tant mettre en avant les médias, à savoir la vérification et le recoupement des « faits », en a pris un sérieux coup. Puisqu’il s’agissait d’insurgés qui combattaient la dictature, toutes les informations qu’ils diffusaient, étaient d’emblée considérées comme fiables. Ce ne sera que bien plus tard que l’on apprendra que cette « révolution démocratique » n’en avait que le nom et n’était qu’une opération dirigée par un clan de dignitaires du régime contre celui qui avait été leur monarque adulé. Quand on parcourt Le Monde de l’époque, on reste sans voix : « À la télévision, LA RÉVOLUTION EN DIRECT » lit-on le 24/25 décembre 1989, ou encore « La couverture télévisée des événements, L’HISTOIRE EN DIRECT », le 28 décembre 1989.
Les prodiges de la technologie permettent, c’est vrai, d’abolir temps et espace : ébloui, on peut finir par croire à une saisie « im-médiate » de la réalité, sans même passer par les prismes déformants des médias. Hélas, l’ivresse technologique rend les leurres encore plus dangereux puisqu’elle les fait mieux oublier. Les performances des médias électroniques permettent apparemment de livrer des représentations si confondantes de la réalité qu’on peut les confondre avec la réalité : on en vient à prendre « la carte » qui le représente pour « le terrain » lui-même. Or, « qui voit le ciel dans l’eau, voit des poissons dans les arbres » : le ciel que reflète l’eau n’est pas le ciel mais seulement son image ; ne pas faire cette distinction expose aux hallucinations.
Une course folle à l’information la plus officielle sur la révolution roumaine
Les événements de Roumanie ont donné lieu, en outre, à une consternante concurrence sauvage entre chaînes publiques et chaînes privées. Antenne 2 et FR3 (anciennes France 2 et France 3) ont acheminé une station satellite de télédiffusion avec la complicité du déjà célèbre Bernard Kouchner qui avait affrété un avion d’aide humanitaire, comme à son habitude. L’antenne parabolique a été installée dans l’ambassade de France à Bucarest, lieu institutionnel on ne peut plus indiqué pour diffuser l’information donnée correspondant fort légitimement aux intérêts du gouvernement français. Ces deux chaînes ne pouvaient mieux faire pour être confondues avec des télévisons officielles gouvernementales et être, selon le mot du président Pompidou, « la voix de la France ».
Le comique dans l’affaire est que, loin de dénoncer cette collusion dommageable pour le crédit de la profession journalistique, les télévisions privées comme La 5 et TF1 se sont plaintes amèrement d’avoir été écartées du voyage ministériel ! Un échange aigre-doux entre public et privé s’en est suivi qui aujourd’hui afflige : « Je constate que A2 et FR3 ont disposé en exclusivité du soutien de l’État Français », aurait protesté Gérard Carreyrou, directeur-adjoint de la rédaction de TF1. Pas du tout, aurait répliqué Antenne 2, « nous n’avons jamais négocié avec le cabinet de M. Kouchner mais avec la sécurité civile de Roissy (…) Il faut dans ce métier connaître les combines » (sic !). On ignorait que la sécurité civile de Roissy avait le pouvoir d’ouvrir les portes d’une ambassade française à des équipes de télévision (1).
Des journalistes de La 5, selon Le Monde du 29 décembre 1989, ont même dénoncé « une véritable censure d’une information à caractère dramatique et universel qui n’est pas à l’honneur de celui qui a pris une telle décision. » Le PDG d’A2 et et FR3, de son côté, a répliqué qu’ « il était un peu fort que des adeptes forcenés de la loi du marché viennent maintenant se plaindre de la concurrence » (2). C’est ainsi que les Français ont pu être gavés d’informations données et indifférentes diffusées sous le contrôle du gouvernement français.
Un leurre d’appel humanitaire grandiose : le charnier de Timisoara
L’exemple emblématique de ces deux variétés d’informations si peu fiables reste et restera le leurre du charnier de Timisoara. Pour accréditer la sauvagerie de la dictature renversée, qui n’avait peut-être pas besoin qu’on rajoute à ses crimes, les « insurgés » ont appâté les médias par un leurre d’appel humanitaire dans les règles de l’art. Un prétendu charnier réunissant plus de 4.600 victimes de la Securitate, la police politique du régime déchu, a été présenté aux médias : quelques dizaines de cadavres seulement, souvent mutilés, avaient toutefois été exhumés pour la prise d’images qui ont fait le tour du monde.
L’exhibition du malheur d’autrui, ou de son simulacre capte, en effet, l’attention aussi puissamment que celle de son plaisir. Elle déclenche, on le sait, le réflexe inné de voyeurisme, bientôt suivi par le réflexe de compassion quand les victimes sont présentées comme innocentes. Et de fait, parmi les photos les plus diffusées, on voyait le petit cadavre d’un nouveau-né – le plus innocent des petits innocents – gisant sur le ventre gonflé d’une femme en putréfaction (voir photo ci-contre). L’usage de l’enfant martyr est un classique du leurre d’appel humanitaire (5).
Symétriquement, il s’ensuit un réflexe de révolte et de condamnation des bourreaux. « L’image du nazisme » titre alors le Midi Libre du 26 décembre 1989 avant de citer une dirigeante du « comité démocratique » qui a pris le pouvoir à Timisoara : « Ce sont des sadiques, s’emporte-t-elle, des fanatiques des unités spéciales de la Securitate, qui vivent dans un monde complètement en dehors de la réalité, qui ont commis ces mutilations insensées. » « On les compare aux nazis, poursuit « le journal d’information ». Une équipe de Médecins du Monde et de la Croix Rouge témoignait dimanche : « Nous constatons sur place que les hôpitaux sont systématiquement ciblés, que les réserves d’eaux sont empoisonnées en un certain nombre de points, que les populations sans armes ont été massacrées. » (3) « Dracula était communiste », trompette, de son côté, l’hebdomadaire L’Événement du jeudi du 28 décembre 1989.
Les médias ont bonne mine quand, à la fin de janvier 1990, trois médecins de Timisoara déclarent à la chaîne de télévision RTL Plus que les corps provenaient tous de l’institut médico-légal de la ville. Les cadavres étaient ceux de personnes mortes « naturellement ». Il ne s’agissait que d’une mise en scène pour apitoyer et révolter le monde. La femme qui portait sur le ventre un bébé dont elle n’était pas la mère, était, en fait, décédée d’une intoxication alcoolique. Quant aux cicatrices remarquées sur certains cadavres, elles provenaient des autopsies usuelles pratiquées après la mort des patients (4).
Quelles leçons tirées de la manipulation autour de la révolution roumaine?
Grande a été l’émotion dans les médias officiels, évidemment. Ce n’était plus seulement « l’envers du traitement de l’information » qui était pris chez eux en défaut, c’est-à-dire les critères selon lesquels on décide de diffuser ou non une information vérifiée, mais aussi « l’endroit du traitement de l’information » tant vanté par les journalistes comme étant le coeur de leur métier, soit la vérification et le recoupement de l’information. Preuve était apportée que les médias officiels, sidérés par une représentation fantasmée de la réalité correspondant à leur cadre de référence, comme celle qu’ils avaient eue de la Roumanie, pouvaient diffuser des leurres et tromper les citoyens.
Des journalistes ont essayé de faire acte de repentance pour recouvrer une crédibilité. M. Elkabach a confessé dans France-Soir, le 11 février 1990, que « la façon dont (ils s’étaient) fait manipuler, (devait) servir de leçon ». C’était se disculper à bon compte, car « les manipulés » s’étaient prêtés tout de même avec beaucoup de complaisance ou de bêtise à la manipulation des grossiers manipulateurs. La leçon n’a d’ailleurs pas porté.
La fascination des médias officiels pour les leurres ?
– Quelques mois plus tard seulement, les médias ont repris en chœur, sans plus de précautions, la nouvelle de la mort atroce des prématurés arrachés à leurs couveuses par la soldatesque irakienne dans un l’hôpital de Koweït City : or, c’était une histoire fictive qui faisait partie d’une campagne d’influence organisée aux USA pour intéresser les Américains au sort du Koweït envahi par l’Irak (5).
– En janvier 1990, lors de la première guerre du Golfe, les correspondants de guerre ont été parqués dans des « pools » étroitement contrôlés par les services d’information des armées alliées qui les ont fourni généreusement en informations données et indifférentes pour égarer l’ennemi et protéger fort légitimement le secret de leur stratégie. L’armée irakienne était présentée comme une des plus puissantes du monde : or, son compte à été réglé en un mois.
– Le 16 décembre 1991, PPDA a travesti une conférence de presse publique de Fidel Castro en entretien exclusif.
– Devenu, lui-même, président de France Télévisions, M. Elkabach ne trouvera rien à redire à un projet d’émission intitulée bien imprudemment et en toute ignorance du leurre de l’image « La preuve par l’image », en septembre 1995, avant un premier numéro calamiteux victime lui-même du leurre… de l’image qui conduira à sa suppression immédiate.
Comme dit Laurent Joffrin : mettre « sur le même plan des informations ou des éléments de savoir qui sont produits avec des règles et d’autres qui sont produits de manière sauvage sans aucune règle. Ça, c’est dangereux. Et c’est pas du tout la même chose. (…) Un témoignage, une image qui a été volée comme ça par un téléphone portable, ça n’est pas la même chose qu’un reportage qui a été fait par quelqu’un de compétent, qui sait mettre en contexte et qui sait vérifier. » On le vérifie, en effet, tous les jours, comme on l’a vérifié, il y a 20 ans devant le leurre du charnier de Timisoara. Et là, Internet n’y était pour rien ! Paul Villach
(1) Le Monde, « La couverture télévisée des événements ; L’HISTOIRE EN DIRECT », 28 décembre, 1989.
(2) Le Monde, « La couverture télévisée des événements. Polémique entre la Cinq et les chaînes publiques », 29 décembre 1989.
(3) Le Midi Libre, « L’image du Nazisme », 26 décembre 1989.
(4) Le Monde, « Le charnier de Timisoara n’en était pas un », 27 janvier 1990.
L’Humanité, « Les charniers contestés de Timisoara. Confusion ou mise en scène ? » 24 janvier 1990.
(5) Paul Villach, « Cette « pitié dangereuse » que savent si bien exploiter les cyniques ? », AgoraVox, 14 décembre 2009.
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