Pamela Anderson et le Helmand, la province la plus dangereuse, la plus conservatrice d’Afghanistan, n’ont à première vue pas grand-chose en commun. Mais, quand on entre dans cette boutique bondée de Lashkar Gah, la capitale de la province, la bimbo de Hollywood est bien là : boucles blondes, grands yeux maquillés de noir et lèvres roses, souriant au-dessus d’un grand miroir. Ce poster mal plastifié n’est pas la seule surprise dans cette pièce bourrée de laque à cheveux, de faux cils et de rouges à lèvres.
L’influence des talibans grandit çà et là, l’obscurantisme perdure.
Quelques poches de liberté subsistent pourtant, comme le raconte The Independent.
Nous sommes ici dans un salon de beauté, au cœur de ce pays où les femmes ne se montrent en public que couvertes de la tête aux pieds par une burqa qui leur masque même les yeux. Blotties dans une résidence privée au fond d’une impasse poussiéreuse, ces dames s’amusent à s’habiller dans cette province où la lutte contre les talibans fait rage et où plus de 90 soldats britanniques ont perdu la vie depuis le début de la guerre, en 2001.
C’est la veille du mariage de Roya : une robe blanche est accrochée au mur et Roya se détend. Trois autres femmes drapées d’une étoffe légère parsemée de paillettes gloussent dans un coin, dans un tourbillon de rouge, de violet, de bleu et de doré. Malika, l’esthéticienne, étend d’une main experte des traits d’ombre à paupière d’un bleu tapageur sur les paupières de Roya avant de tartiner ses lèvres ouvertes d’un rouge somptueux.
Les femmes n’ont pas le droit de tenir boutique dans le bazar, ni de serrer la main aux hommes. Elles sortent rarement de chez elles. “On aimerait bien mais on n’a pas le droit de tenir ce salon à l’extérieur”, explique Malika. “Ce ne serait pas sûr et de toute façon notre famille ne nous le permettrait pas. Mais on aime porter des vêtements colorés et on aime les couleurs. On aimerait avoir plus de maquillage et plus de couleur.”
Les plus âgées se souviennent de l’époque où elles n’étaient pas obligées de porter la burqa en dehors de la maison. Les jeunes femmes, elles, n’ont jamais connu ça. Elles n’imaginent même pas déambuler dans les rues de la ville habillées comme elles le sont dans le salon, et le poster de Pamela Anderson ne risque pas de quitter sa place au-dessus du miroir.
Les rares femmes qu’on voit dans le centre-ville marchent tellement vite que leur burqa bleue flotte dans le vent : des nuages de forme humaine. Le tissu ample tourbillonne autour d’elles quand elles tendent le coup pour voir à travers la gaze qui leur couvre les yeux.
“Je n’aime pas ça. On a du mal à voir et ça me serre tellement la tête que j’en ai des migraines. J’ai parfois du mal à marcher droit”, confie Nawida, qui vient au salon une fois par semaine pour se faire épiler les sourcils. On rêve de pouvoir se promener comme on est là. Si la situation était meilleure, j’arrêterais de porter la burqa mais, si tout le monde la porte, je suis obligée d’en faire autant. »
Les talibans avaient interdit aux femmes de travailler en dehors de la maison, de rire et de porter des talons hauts ; ils fouettaient celles qui ne se couvraient pas les chevilles et coupaient les ongles vernis. Ils ne dirigent plus Lashkar Gah mais la vie des femmes demeure très limitée.
Par exemple, les femmes du Helmand n’appellent pas lors des émissions de radio présentées par des hommes, les journalistes de sexe masculin ne peuvent interviewer des femmes et certains pensent même que les femmes ne devraient pas écouter de voix masculines à la radio.
Mirwais Patsoon, un entrepreneur local qui dirige l’une des trois stations de radio du Helmand, vient de lancer la première radio de femmes de la province. Dirigée par six jeunes femmes, Miskab (« sourire” en pachto) diffuse les questions des auditrices sur des sujets tabous – la grossesse, par exemple –, des émissions de cuisine ou des concerts en direct.
“Je suis heureuse de faire ce travail car il est important”, confie Roma Mahammedi, 19 ans, les cheveux couverts d’un foulard à pois roses, assise devant le micro dans une petite cabine éclairée par une ampoule rouge, où elle anime un talk-show. “On se fiche des talibans et ils n’ont rien contre nous parce que cette station n’est pas pour ou contre qui que ce soit. Cette radio est simplement bonne pour les femmes et elles l’adorent.”
Le succès de la station a surpris tout le monde. “Avant, je ne pensais pas qu’une femme pouvait animer une station de radio, être journaliste et maîtriser toute cette technologie, mais elles se débrouillent bien pour le moment”, reconnaît M. Patsoon.
La coalition internationale fait tout pour que les filles aillent à l’école : 2 millions d’entre elles sont scolarisées aujourd’hui, ce qui leur était interdit sous les talibans. Le ministère du Développement international britannique déclare en outre avoir aidé 280 000 femmes pauvres à accroître leurs revenus. Le président Hamid Karzai a adopté au début de l’année une loi qui légalise le viol conjugal chez les chiites.
Les femmes du Helmand se plaignent de subir des violences de la part de leur mari et d’être obligées de vendre leurs filles. Cette province de 1,44 million d’habitants ne compte que trois femmes ayant fait des études universitaires. Certains se demandent tout haut quels effets auront vraiment la présence des troupes internationales, les combats et l’afflux de devises étrangères.
Les photos qui illustrent cette note sont signées Lana Slezic, photographe canadienne
Ses très belles séries sur les femmes afghanes ont fait l’objet de deux livres, en anglais, Forsaken Afghan women et, en allemand, Verleugnet, Frauen in Afghanistan
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