L’écrivain japonais à cheval sur deux siècles, le 19ème et le 20ème, écrit à 43 ans de courts récits pour un journal. Nous sommes en 1909 et le Japon s’est modernisé, tout en restant largement traditionnel dans sa vie quotidienne. L’auteur enseigne la littérature, il fait un séjour à Londres, de retour à Tokyo il tient salon pour ses amis et la jeunesse. Ce sont tous ces instants qu’il décrit, « sujets ténus » comme il le dit, qui n’intéresseraient personne s’il n’avait le talent d’en faire des leçons de chose.
Car c’est de sagesse qu’il s’agit : justesse des impressions, humour des situations, sentiments envers la nature et les éléments.
Comment mieux dire la pluie du Japon ? Quiconque y est allé, a marché dans la campagne sous cette pluie persistante, obstinée, « qui fait pousser le riz » comme le disent les Japonais, saisira combien aiguë est la description de Sôseki : « Le regard ne distingue rien d’autre que la pluie. (…) Le ciel est austère, fermé comme le couvercle d’une jarre de thé. De cette surface hermétiquement close tombe la pluie, interminablement. Quand on se tient debout, le bruit est assourdissant. Crépitement des gouttes qui rebondissent sur le chapeau et le manteau de paille. Ruissellement de l’eau qui tombe des nuages aux quatre coins de la rizière. S’y mêle aussi, semble-t-il, le lointain retentissement de la pluie sur la forêt entourant le sanctuaire… » p.13.
Mais l’oncle pêche un serpent qui crie (le crie-t-il vraiment ?) « on se reverra ! ». Une petite fille offre un kaki au garçon populaire qui la toise – mais le fruit est immangeable. Le chat ne dit plus rien, ne joue plus, le chat est délaissé ; pauvre chat qui va mourir – et toute la famille de le regretter, une fois mort, alors qu’elle l’avait laissé tomber encore vivant ! Comment intéresser un vieil écrivain connu, lorsqu’on est jeune, campagnard et peu lettré ? Par le don d’un faisan, si bon mijoté.
Il y a ainsi 25 histoires qui sont du vécu repensé. Des expériences et des portraits. Que dire de cette Anglaise, tenancière d’une pension de Londres ? « Toutes les faiblesses humaines, aigreur, envie, entêtement, rigidité, doute… devaient avoir pris plaisir à se jouer de ce visage pour lui donner son aspect disgracieux… » p.37.
Malgré le temps qui a passé et la distance qui sépare l’Europe des antipodes, le lecteur s’y croirait. Qui sait encore décrire ces petites choses simples, vite enfuies, mais porteuses de toute la philosophie ?
Sôseki, Petits contes de printemps, 1909, Picquier poche 2003, 139 pages, €5.32
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