The Handmaid’s Tale décrit une société totalitaire dont la mission principale est de protéger les femmes. Dans un futur non daté, des extrémistes se faisant appeler les « Fils de Jacob » ont instauré une théocratie là où se trouvait auparavant les USA (ils ont dans un premier temps fermés les comptes bancaires des femmes, puis dans un second temps, ils ont interdit le travail des femmes). Cette théocratie a pour nom « la République de Gilead », elle est principalement dirigée par des hommes qui ont instauré un système de classes parmi les femmes. Les femmes se divisent comme ceci:
– les mariées, habillées en bleu. Elles font parties de l’élite puisqu’elles ont généralement épousé des commandants ou de hauts fonctionnaires.
– Les filles, habillées en blanc jusqu’à leur mariage. Ce sont généralement des enfants que la secte a adoptés.
– Les tantes, habillées en marron, ont pour mission de préparer et de surveiller les concubines.
– Les concubines, habillées en rouge. Ce sont en général des femmes déjà mères dans l’époque qui précède l’instauration de la République. Elles sont au centre de l’échelle sociale: en attendant de donner naissance à un enfant, elles sont soumises au commandant et à sa femme. La consécration ultime ne peut être atteinte que dans la maternité. Mères, elles peuvent enfin s’accomplir comme femmes et espérer progresser dans l’échelle sociale. Elles n’ont d’autres tâches que de donner naissance à des enfants à la place des mariées. Les naissances sont peu nombreuses et souvent les bébés naissent avec des difformités. La reproduction est donc un élément majeur de cette République et le sexe n’a d’utilité que dans ce cadre. La reproduction est contrôlée, elle est un privilège accordée à certaines femmes.
– Les Marthes, habillées en vert. Ce sont des femmes vieilles et stériles. Elles sont utilisées comme servantes.
– Les Econo-mariées (Econowives). Il s’agit de femmes mariées à des hommes d’un rang inférieur. Elles sont habillées en rouge, en bleu et en vert pour montrer leur différents rôles (mère, mariée,
servante).
Il faut rajouter à ces six classes les non femmes (femmes stériles, veuves, féministes, lesbiennes, dissidentes, etc) et les Jezebels (les prostituées).
Les hommes sont eux-aussi classés:
– Les commandants de la foi: la classe dirigeante. Chaque commandant a une femme et peut avoir plusieurs concubines, avec lesquelles il aura des enfants.
– L’Oeil, le service de surveillance de la République.
– Les Anges, soldats de la République, qui sont engagés dans des guerres à l’extérieur de Gilead.
– Les Gardiens de la foi, qui protègent les femmes. En uniforme vert, ils peuvent s’ils sont doués devenir des Anges ou rejoindre l’Oeil.
– Les Traître à leur sexe (?, le terme anglais est Gender Traitor): homosexuels promis à une mort longue et atroce.
Les bébés sont en aussi classés en deux catégories: les non-bébés (bébés nés avec des difformités) et les Gardiens (Keepers), bébés nés sans difformité.
Le livre se présente comme un journal intime d’une concubine, qui se prénomme comme toutes les concubines, Offred. On suppose que son vrai nom est June. Dans son journal intime, June mélange des épisodes de sa vie avant son arrestation (on apprend qu’elle était mariée avec Luke, et qu’elle avait une petite fille. Elle a été arrêtée alors qu’elle tentait de s’enfuir au Canada avec sa famille) et des descriptions de sa vie en tant que concubine. Un dernier chapitre relate une conférence ayant eu lieu en 2195 où des universitaires étudient un certain nombre de journaux intimes (dont celui de June) pour tenter de comprendre ce qu’ils appellent la « Période de Gilead ».
Atwood présente son roman comme une fiction spéculative (et non comme un roman de science-fiction). Elle oppose les romans de science-fiction (avec vaisseaux spaciaux et extraterrestres) à ces
fictions spéculatives qui d’après elle décrivent une réalité possible, un futur envisagé. Je ne suis pas sur d’être en accord avec elle sur sa définition de ce qu’est la science-fiction (en gros
elle décrit cela comme du Stars Wars). Elle en a une vision un peu simpliste à mon avis.
La société pré-Gilead est décrite comme une société de violences envers les femmes. La pornographie, la sexualité libérée sont vues comme des éléments de violence et de dégradation de la femme.
L’égalité n’est pas effective et malgré l’accès des femmes aux études, leur place dans les postes à responsabilité sont modiques.
Atwood veut montrer que les féministes de même que les traditionalistes peuvent conduire aux mêmes extrémités et à la même violence envers les femmes. Les traditionalistes en voulant faire des
femmes de mères au foyer, les féministes en dénonçant la pornographie à outrance ce qui peut les rapprocher de certains discours puritains. Atwood critique aussi le renouveau religieux: toutes
les hiérarchies de la République de Gilead sont justifiées par des passages de la Bible.
Voilà pour la présentation du livre. Maintenant ce que j’en pense. J’ai bien aimé le début du roman avec la découverte de cette République et de ses hiérarchies. Les quelques éléments sur la société d’avant montrent comment les « Fils de Jacob » ont pu imposer leur idéologie en s’appuyant sur les discours féministes. Tout cela est effrayant à lire car souvent très juste.
La suite est moins réjouissante. Une fois le décor planté, le roman semble s’enliser dans une routine pas franchement désagréable mais assez peu intéressante. Quant à la fin, avec cette conférence d’universitaire, j’avoue avoir trouvé le procédé plutôt ridicule.
Comme pour Oryx and Crake, Atwood brasse beaucoup de thèmes contemporains, en donne une vision plutôt intéressante, mais ne va pas plus loin dans l’analyse. Comment Luke réagit à l’éviction de sa femme de la société, comment June se complaît dans sa relation avec Nick, comment elle envisage à un moment de se soumettre complètement à la secte pour mieux en profiter. Tout cela est évoqué, mais si Atwood écrit des tonnes de pages pour décrire la hiérarchisation des femmes dans cette République, elle ne s’attarde que très peu sur les aspects cités ci-dessus. quant au parallèle entre le discours féministe et le discours traditionaliste, elle l’évoque en quelques lignes, mais n’expose pas véritablement son analyse. Comme si elle lançait des idées, mais
n’allait pas jusqu’à la justification ou l’argumentation.
Pour finir, je crois que ce qui me pose le plus de problème avec les romans d’Atwood tient à leur manque de réflexion/ d’apport artistique. Ces romans sont bien construits, bien pensés et plutôt bien écrits, mais il n’y a pas pour moi d’intérêt littéraire. On peut gloser sans fin sur les femmes après avoir lu ce livre, par contre j’ai peu de choses à dire sur la construction littéraire du livre (et éventuellement sur la place de la littérature selon Atwood dans ce débat sur les femmes). De plus, il semble qu’Atwood se soit inspiré des Canterbury Tales de Geoffrey Chaucer, un classique anglais du Moyen Age. Or, si c’est exact, il n’y a pourtant pas de dialogue entre les deux oeuvres. De même, on ne voit pas bien ce qu’elle propose. Elle expose des faits, envisage un futur possible et puis fin. Alors ça fait de bon sujets de film (comme Oryx and Crake prochainement, The Handmaid’s Tale a été adapté au cinéma), mais pas de grands chefs d’oeuvre littéraire.