Dans une Vie chinoise, Li Kunwu et P. Otié dépeignent les souvenirs d’enfance du dessinateur Li Kunwu, qui a grandi dans la Chine de Mao, entre un père, membre du parti et une mère dévouée au grand timonier. Li propose avec Le temps du père le premier tome d’une série de bande dessinée chinoise, ou plutôt d’un roman graphique qui nous plonge dans la fameuse Révolution Culturelle chinoise et les évolutions qui façonnèrent la société chinoise.
On peut parler de roman graphique plus que d’une bande dessinée. Sur certains points, le travail de Li Kunwu m’a rappelé celui de Will Eisner, notamment dans son roman graphique To the Heat of the Storm. Eisner y décrivait comment il était devenu dessinateur de bande dessinée pendant la Seconde Guerre mondiale en illustrant un journal pour les soldats. Li devient dessinateur lorsqu’il s’engage dans l’armée chinoise, son travail est de dessiner le Président Mao dans des journaux de propagande. Depuis il est membre du Parti communiste chinois et
administrateur de l’Association des artistes du Yunnan. Dans cet ouvrage, il revient sur son enfance, entre un père membre du Parti et une mère entièrement dévouée au Grand Timonier. A travers son parcourt, il évoque le Grand Bond en avant de 1958, qui prend en fin en 1962, avec la pire famine qui connut la Chine (certains historiens parlent de 8 à 10 millions de morts). Suit le culte
du soldat Lei Feng, sort de stakhanovisme chinois qui, selon les dires de Mao, a consacré sa vie au service du Peuple. Au printemps 1966, les Chinois reçoivent le Petit livre rouge, compilations de citation de Mao, qu’ils apprennent par coeur (des concours de connaissance de citation de Mao était organisée dans les écoles). Puis vient à l’été 1966, la Révolution Culturelle. Le jeune Li va adhérer à toutes les phases de l’endoctrinement chinois, allant même avec des camarades terroriser des artisans de la ville parce qu’ils sont trop bourgeois, trop « féodaux ». Jusqu’au jour où Révolution Culturelle oblige, son père est arrêté, sa soeur est envoyée à la campagne. Li rejoint l’armée, s’est découvert une passion pour le dessin, vénère toujours autant le Grand Mao, mais désespère de revoir un jour son père et sa soeur.
Le tome 2 de ce roman graphique a reçu le Prix de la Bande dessinée historique à Blois en 2010 (d’où mon achat). Malgré mes réticences quant au passif de l’écrivain (il appartient encore au Parti) j’ai trouvé la lecture de cet ouvrage particulièrement intéressante. L’auteur montre avec neutralité (peut-être avec une certaine lucidité) son endoctrinement et son aveuglement.
J’envisage très rapidement d’acheter la suite.