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Visiter la Silicon Valley ; facettes insolites de la Californie

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Quand on fait du tourisme en Californie, on pense spontanément à Los Angeles et notamment son quartier d’Hollywood, les parcs comme le parc Disneyland et le parc d’attraction marin de SeaWorld à San Diego, des paysages de déserts qui contrastent avec les plages bondées de surfers sur l’océan Pacifique … On évoque moins la Silicon Valley. Pourtant, parcourir et visiter la Silicon Valley, réputée pour ses nombreuses start-up et entreprises liées à la technologie et au numérique, c’est l’occasion de faire une foule de découvertes parfois insolites.

Visiter la Silicon Valley ou la Précarité du sage

Au bord du complexe de Google, Mountain View. Nous partons visiter la Silicon Valley.

Le président François Hollande est de passage dans la Silicon Valley, cela remue en moi de beaux souvenirs personnels. Tous les médias parlent de Google, de Microsoft, des nombreuses Startups qui font fortune en une nuit, mais pour moi, cette région est avant tout une matière, un climat, des rencontres, des saveurs.

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Je me suis réveillé dans la Silicon Valley un peu par hasard. Je n’avais pas prévu de m’y rendre, mais comme j’étais en Californie, j’ai contacté mes amis américains, et des amis européens exilés en Amérique. A ma surprise, je connaissais pas mal de monde sur la côte ouest des Etats-Unis, et en particulier autour de la Baie de San Francisco.

Mes amis M. et L. élèvent leur petite fille dans une grande maison de la fameuse vallée. Californie. Soleil. Chaleur clémente. Universités. Fruits et légumes goûteux. La Californie est à bien des égards l’un des endroits les plus appréciables du monde. C’est une géographie bénie des Dieux. C’est pourquoi les Indiens Ohlone, notamment, y ont vécu heureux pendant des millénaires, et pourquoi nous, Européens, leur avons pris la place.

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La Silicon Valley n’est pas une « vallée de silicone », et encore moins une vallée pleine de femmes siliconées. Dès qu’on fait ses premiers pas pour visiter la Silicon Valley, on s’aperçoit que cela ne ressemble sûrement pas à ce que la majorité des gens imaginent à l’évocation de ce nom. D’abord ce n’est pas vraiment une vallée, mais une bande de terre séparée de la mer par une chaîne basse de montagnes, qui s’étend au sud de la baie de San Francisco, depuis Palo Alto jusqu’à, disons, Edenvale et Los Gatos. Une cinquantaine de kilomètres, le long desquels se concentrent les fameuses entreprises dont tout le monde parle.

Mes amis partaient à New York pour une semaine. Ils m’ont donc, sur un ton naturel, prêté leur maison, et m’ont laissé les clés d’une voiture et donné l’occasion de visiter la Silicon Valley. En échange de cette générosité, je les ai conduits à l’aéroport et ai effectué quelques menus travaux dans leur jardin.

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La palissade en bois qui délimitait la propriété était en mauvais état. Je me suis échiné à la nettoyer, la récupérer et l’enduire d’une teinture protectrice. Tous les matins, je me mettais torse nu et je bossais vaillamment au soleil levant de la Californie. Ces séances de travail manuel me faisaient du bien. Elles me remettaient les idées en place, car la vie de voyageur peut s’avérer anxiogène quand elle ne peut s’adosser à une routine structurée.

J’avais la sensation de payer mes amis par les muscles, par des litres d’huile de coude. La transpiration me faisait du bien, elle calmait mes angoisses et donnait un sens à mes journée.

Puis je passais le reste de mes journées à explorer les environs. J’allais visiter le campus de Google, dans la commune de Mountain View ; admirer les premières églises des missionnaires, à Santa Clara ; les petits musées qui mélangeaient art contemporain et histoire de la Californie. Je ne manquais pas de passer du temps dans les bibliothèques publiques. Je conduisais lentement sur la crête de la montagne qui borde la Silicon Valley, avec vue sur les vignes. Car pour moi, cette région est avant tout un lieu agricole, plus qu’une pépinière d’entreprises innovantes.

Parfois je garais la voiture et m’aventurais quelques heures, à pied, sur les chemins qui se perdaient sur les monts privilégiés de Saratoga.

Le souvenir que je retire de mon séjour à la Silicon Valley est très mystérieux. Je n’arrive pas à faire la synthèse des images qui me viennent à l’esprit.

Visiter la Silicon Valley avec mon amie chinoise de Los Gatos

Il m’est arrivé d’avoir une petite amie chinoise, je le confesse, et je l’ai revue récemment à Los Gatos, dans la Silicon Valley. Quand je l’ai rencontrée pour la première fois, dans la province du Jiangsu, elle avait 21 ans. Elle doit en avoir 30 aujourd’hui. Nous n’avons jamais rompu, donc techniquement, j’allais voir une amoureuse.

Malheureusement, elle est mariée avec un ingénieur d’origine iranienne, et elle dit être enceinte. Mon voyage fut l’occasion de lui rendre visite. En un sens, on peut dire que son mariage avec cet ingénieur était une tromperie à mon endroit. Le sage précaire venait récupérer son bien, pour ainsi dire. Débonnaire, mais le couteau entre les dents.

A la décharge de mon amie, nous n’avions jamais formé un couple très officiel. Notre histoire avait plutôt consisté en une série de rencontres, de voyages, de petits séjours. De découvertes et de retrouvailles. Nous n’avions donc pas de raison fondamentale de rompre formellement.

Elle m’a donné rendez-vous à la bibliothèque publique de Los Gatos pour visiter la Silicon Valley à ses côtés. Octobre, lumière estivale, conduite modérée. Un beau corps m’attendait, parfaitement proportionné et habillé avec beaucoup de sobriété, une tête étonnamment ronde et les pieds dans des bottes fourrées. Moi, j’avais mis un costume noir rayé et une chemise blanche.

Nous nous prenons dans les bras, heureux de nous retrouver. Nous avons vieilli, surtout moi. Elle n’a pas beaucoup changé, mais son visage est moins rayonnant, et sa tête a comme enflé. Ayant, de plus, opté pour une coupe de cheveux volumineuse, elle présente le spectacle d’une montgolfière sur un corps de poupée.

Dans ses courriers, le long de ces années, elle s’était plaint du climat de la Silicon Valley. Elle disait que sa peau n’était pas adaptée à ce soleil et à cette sècheresse. Elle disait qu’elle s’ennuyait en Amérique, que la nourriture n’était pas bonne, qu’elle n’arrivait pas à se faire d’amis, et qu’elle traversait de nombreuses crises avec son mari. Ses mails ne rendaient compte d’aucune satisfaction. Pourtant, elle avait réussi ce qu’elle désirait le plus : trouver un homme stable pour former un foyer stable. Le mot de stabilité revenait constamment dans sa conversation.

Pour moi, sa réussite est ailleurs : s’être débrouillé pour s’installer durablement en Californie. Elle ne se rend pas compte qu’elle vit dans l’endroit le plus désirable du monde.

Nous nous promenons dans la bibliothèque, à ma demande. J’imaginais qu’elle chérissait ce lieu, qu’elle y venait pour lire, faire des rencontres, participer à des groupes de lecture ; ce sont des choses que les Américains font volontiers. Pas mon amie, qui n’aime pas trop cet établissement. Elle m’a donné rendez-vous ici à cause des places de parking gratuit.

Nous remontons la rue principale de Los Gatos. Ville toute neuve, construite depuis le développement des entreprises de hautes technologies, dans les années 90, une ville d’ingénieurs et d’informaticiens, ville de gens aisés, mais sans luxe apparent. Ville propre pour de jeunes familles, ville sans culture urbaine.

Nous prenons ma voiture pour aller dans un restaurant chinois dans un autre quartier, ou une autre ville. Je ne comprends pas tout ce que me dit mon amie. Elle-même n’est pas certaine de savoir si les noms qu’elle emploie désignent une commune, un quartier ou un centre commercial.

Le plus étonnant chez elle est son anglais. Je m’attendais à ce qu’elle devienne une anglophone accomplie, avec un accent américain. En Chine, au temps de notre aventure, nous communiquions exclusivement en anglais et j’aimais sa prononciation, sa précision dans les termes. Elle avait un bon niveau et, vu son âge et son environnement, après quatre ans passés en Californie, elle aurait dû, pensais-je, progresser immensément. Or, son anglais s’était détérioré. Elle avait gardé son accent chinois et elle avait perdu du vocabulaire.

C’est alors que j’ai compris qu’elle était tout simplement malheureuse. Elle ne lisait plus en anglais et ne regardait même pas la télévision américaine. A tout hasard, j’ai demandé en quelle langue elle parlait avec son mari, mais c’était absurde de ma part. Ils ne communiquaient plus du tout.

Regarder la Télévision en voyageant aux Etats-Unis

Discours de Stephen Colbert à la Maison blanche, 2006

Lors du dîner présidentiel entre Obama et Hollande, il y  a quelques jours, c’est l’humoriste et animateur Stephen Colbert qui fut invité et assis auprès de Michèle Obama. Dans son show télévisé, le lendemain, il en profita pour se déclarer « First lady of France ».

Cela s’est passé à Washington, sur la côte est, et pourtant cela m’a rappelé mon voyage en Californie. Plus précisément, cela m’a renvoyé à mon séjour dans la Silicon Valley.

Dans la superbe maison de mes amis, partis à New York, je passais des heures à regarder la télévision.

Les intellectuels français aiment détester la télévision, mais c’est parce que la télé française est de qualité médiocre, et essaie vainement de copier les programmes américains. Quand on regarde les originaux, on reçoit une sorte de coup de poing salutaire.

Je découvrais des émissions d’une drôlerie incomparable. Stephen Colbert fut une révélation. Le Colbert Report est un faux journal qui base ses blagues sur l’actualité réelle. Le présentateur joue le rôle d’un ultra conservateur. Tant d’humour, d’ironie, d’intelligence et de culture dans une petite demi-heure de nouvelles satiriques, c’était inouï pour moi. A côté de cela, son imitation française, le Petit Journal de Yann Barthes, est une petite chose fade, et même un peu merdeuse.

Outre le talent et l’humour, ce qui sépare les humoristes américains et les animateurs français, c’est leur rapport à la politique. Des gens comme Stephen Colbert et John Stewart ont une réelle culture politique et ne craignent pas d’aller sur ce terrain, alors que Yann Barthes se limite à des critiques de surface sans intérêt.

Pour exemple, le discours que Colbert a délivré à la Maison blanche en 2006, en présence du président, George W. Bush. Jamais un président n’a été critiqué à ce point sur le fond de sa politique et de ses préjugés.

Regarder la télévision en voyageant, tout en profitant des paysages et des personnalités rencontrées, c’est l’équation impossible du voyageur précaire. Et je l’ai fait.

Silicon Valley : Travailler chez Google, jour et nuit

Campus de Google, Mountain View

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Je ne pensais pas qu’un jour je visiterais des entreprises. Pourtant, les lieux de travail et de production sont aussi intéressants à visiter que n’importe quoi d’autre. Paysages, musées, monuments, toutes ces choses touristiques, sont passionnantes, mais pas plus que les usines, les bureaux, les écoles, les prisons ou les administrations.

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Les employés s’amusent sur leur lieux de travail.

Nos ancêtres voyageurs ne s’y trompaient pas. Alexis de Tocqueville, dans son récit de voyage en Amérique, ne manquait jamais de rendre compte de toutes les dimensions de la vie américaine.

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Dans la Silicon Valley, on m’a soufflé à l’oreille que le complexe de Google était intéressant à visiter. Que c’était un campus non surveillé, non gardé, où l’on pouvait entrer comme dans un moulin et y garer sa voiture sans que personne ne vous demande rien.

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Sur ledit campus, des bicyclettes aux couleurs de la célèbre marque sont disposés un peu partout. Ils sont collectifs et jamais attachés. Mieux que des vélib’ parisiens, ils sont gratuits et à usage universel. J’en ai enfourché quelques uns le long de ma promenade pour profiter du campus.

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Pour les amoureux de l’ordinateur, Google est l’entreprise ultime, le nirvana professionnel. Tous rêveraient d’y travailler. Plus encore que chez Apple, paraît-il, car Apple est la création d’un génie monomaniaque et autoritaire, alors que Google est le paradis des employés, qui gèrent leur missions sans hiérarchie.

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Tout y est aménagé pour le bien-être des employés. On y mange gratuitement dans des cantines où l’on sert de la bouffe bio. Même les gens de passage comme moi peuvent en profiter. On s’y repose, on y fait du sport, on s’y douche, on y drague. Idéalement, on rencontre la femme ou l’homme avec qui on fera des enfants.

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D’ailleurs, quand on a la chance de travailler chez Google, on n’a pas envie de coucher avec des gens qui travaillent ailleurs, car travailler ailleurs, c’est être un loser.

Les critiques disent que c’est un système horrible, qui amène les gens à n’avoir aucune vie hors de son boulot. Que Google est le modèle de l’entreprise cannibale qui dévore littéralement ses employés, et les surveille d’autant mieux que ces derniers passent tout leur temps sur leur lieu de travail.

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Mais moi, je ne me range ni du côté des critiques, ni du côté des laudateurs. A mes yeux, le complexe de Google n’est qu’une reprise de l’antique jardin d’Epicure, ou du monastère cisterciens. Des amis, unis par une communauté d’intérêts, de croyance et de valeurs, s’unissent dans un même lieu, et organisent leur vie autour de ce qui les rassemble.

Le sage précaire aimerait passer quelques années sur un tel campus, au soleil de la Californie, et passer ses journées à faire ce qui lui plaît le plus, avec l’opportunité de se reposer, de s’amuser et de faire des rencontres.

Il l’a réalisé, ce rêve, plusieurs fois dans sa vie. C’était l’université.

Les précaires et les damnés de la Silicon Valley

Drapeau composé de détritus textiles, Musée de Santa Clara

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Quand les médias parlent de la Silicon Valley, c’est pour nous vanter les succès foudroyants de petites entreprises qui ont commencé par des bricolages entre potes, dans des garages et des appartements de colocation.

Les reportages se suivent et se ressemblent. Des success stories qui se succèdent et des génies désargentés qui deviennent richissimes. Invariablement, aussi, des Français qui se sont expatriés là-bas pour échapper à l’enfer bureaucratique de leur pays d’origine, et qui goûtent enfin à la douce liberté d’entreprendre dans la paradis des investisseurs.  Lorsqu’on commence à visiter la Silicon Valley, les impressions changent.

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L’image que je me suis faite de la Silicon Valley est tout autre. Je n’en ai vu aucun, de ces génies devenus richissimes. J’ai rencontré quelques entrepreneurs, mais leur histoire ne m’a pas paru entrer dans les cases de ces reportages formatés. J’ai vu des gens qui luttaient durement pour s’en sortir, des cadres qui cherchaient du boulot, des artisans qui sous-louaient leur maison pour arrondir les fins de mois, des communicants qui multipliaient les opérations bénévoles, des entrepreneurs qui se vantaient d’avoir un chiffre d’affaire qui stagnait.

La Silicon Valley est un territoire d’une dureté extrême. Des gens réussissent, mais il y a un succès pour mille échecs. Comme à Hollywood pour les acteurs, la plupart des entrepreneurs qui s’installent dans la Silicon Valley doivent en repartir au bout d’un an ou deux car ils s’y cassent les dents.

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Or, on ne parle pas des échecs. Par culture et par pragmatisme, les Américains cultivent le goût et le vocabulaire de la réussite. Or, ce que j’ai vu dans la Silicon Valley, c’est une armée de précaires qui s’endettent pour tenir leur rang et qui se paient de mots pour garder la face.

Xavier est un brillant ingénieur qui cherche aujourd’hui du travail. Il vient de quitter l’entreprise dont il était un important manager. Cette entreprise l’avait fait vivre en France, en Asie et en Amérique. Il en est parti par la grande porte, en empochant un beau pactole.

Depuis un an, il vit sur ce capital et ne trouve pas d’emploi à sa mesure. Trop diplômé, il vient d’un trop haut niveau, il serait ingérable par un nouvel employeur. Selon lui, la Silicon Valley peut sourire à des jeunes informaticiens, prêts à passer leurs jours et leurs nuits à farfouiller sur des ordinateurs. Mais pour des hommes d’âge moyen, ultra-compétents et en position de diriger des équipes, le marché du travail est dur comme la pierre.

Pour réussir à décrocher un emploi dans une grande entreprise, il faut passer par de multiples étapes, et de multiples entretiens qui sont autant de pièges qui testent la maîtrise des codes particuliers des entreprises californiennes. Je vois sur la table du salon un livre intitulé Are You Smart Enough to Work at Google? qui aide à répondre aux multiples questions bizarres qui sont posées lors des entretiens préparatoires aux entretiens d’embauche.

Si j’étais Xavier, j’empocherais le pactole qu’il a obtenu en quittant sa boîte et je quitterais le monde marchand. Je mettrais ma maison en location et j’irai vivre pauvrement dans une cabane au bord de l’océan, jusqu’à ce que la mort me sépare du monde. Mais Xavier a une famille à nourrir et il garde le moral en travaillant bénévolement, comme consultant, pour des startups qui peinent à décoller.

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Car la plupart des « jeunes pousses » ne décollent pas, c’est ce que les reportages ne montrent pas. Dans les dîners, les conversations tournent généralement autour des entreprises de la région qui ont réussi, et c’est passionnant d’entendre parler des « bonnes idées », ou des bonnes méthodes. Mais ce qu’on entend encore davantage, ce sont les silences gênés devant la myriade de projets auxquels personne ne croit.

Et puis il y a la solitude qui pèse tant sur les individus. Les gens essaient de se rencontrer mais c’est si compliqué. Une fois que des rencontres sont faites, il est difficile de se revoir et de créer de véritables amitiés. Tous les célibataires de la Silicon Valley sont inscrits sur des sites de rencontre, et tous se plaignent de la trop grande concentration d’hommes dans cette région d’ingénieurs et d’informaticiens.

Il m’est arrivé de dîner avec des êtres d’une tristesse infinie, dont la vie était dévorée par le travail. Divorcés, leur ex était partie en leur laissant un enfant dont la scolarité coûtait plus de vingt mille euros par an. Je payais l’addition, et ces gens qui gagnaient cinquante fois plus que moi me laissaient faire, car ils tiraient le diable par la queue. On me proposait souvent, à moi qui ne faisais que passer, de m’inscrire à des sites de socialisation ou de participer à des rencontres de francophones.

La prostitution prospère donc, et souvent, elle prend la forme du mariage. Des femmes viennent se vendre, en échange d’un contrat de mariage et d’une maison. On les appelle des honnêtes femmes, ce qu’elles sont au demeurant.

Le Pitch parfait

J’ai assisté à une séance passionnante, dans une chambre du commerce de Palo Alto. Magali m’invitait à assister à cet exercice, où elle se rendait pour « faire du réseau ». Magali était une ancienne journaliste pour la BBC avant de créer son entreprise de conseil en communication. L’un des nombreux « incubateur de startups » organisait un concours de présentations de projets, en technologie écologique, dont le gagnant gagnerait 500 000 dollars d’investissement. Un cabinet  invitait Magalie à se rendre à un après-midi de répétitions, pour évaluer et conseiller les jeunes entrepreneurs.

Un étudiant chinois devait faire une présentation de dix minutes pour présenter un projet extraordinaire de transformation industrielle de déchets plastiques en carburant. Grâce à des réacteurs très sophistiqués, les déchets se transforment en naphta, en diesel et en carbon black.

La pierre philosophale, quoi.

Autour de la table, des professionnels de divers horizon, et un touriste, moi, qui ne sait comment se tenir. Le jeune Chnois vient de Hangzhou et devant lui, des coaches et des grands spécialistes de choses très obscures. Tout le monde se présente en un bref tour de table. Magali ne perd pas la face et me présente comme un écrivain qui a longtemps vécu en Chine, et comme un universitaire qui a enseigné à l’université Fudan. Au nom de Fudan, tous les Chinois de la salle opinent du chef en me regardant, visiblement impressionnés. Bravo Magali. En bonne communicante, elle a su trouver les mots pour faire passer un sage précaire en personnalité éminente.

A côté de moi, un homme repoussant de laideur, des croûtes sur le visage et un sourire carnassier. Une voix caverneuse et un accent yiddish. Il dit être un militaire israélien, pilote de chasse et retraité de l’armée de l’air de Tsahal. Je ne comprends pas ce qu’il fait là. Apparemment, il s’est reconverti dans le consulting.

L’étudiant fit une démonstration peu convaincante mais il avait l’air de savoir de quoi il parlait. A mon avis, pour un investisseur, le plus important dans un tel projet, ce n’était pas le charme dégagé par le présentateur du projet, mais le sérieux de l’entreprise, sa faisabilité et sa fiabilité scientifique. Les conseils fusèrent, et on suggéra au jeune homme de raconter une « histoire » plutôt que de nous expliquer le processus scientifique. Il fallait donner une impression plus dramatique, et moins insister sur les aspects techniques, auxquels personne ne comprenait rien.

Le but pour chacun des participants à cette séance, était de s’associer à de toute petites entreprises, à les aider bénévolement afin qu’à terme, quand elles deviendraient riches, ils puissent toucher les dividendes de cette aide précoce.

Une dame est arrivée en retard. Quand elle s’est présentée, j’ai compris que tout le monde mentait autour de la table. Que tout le monde prétendait travailler, prétendait être professionnel, mais que la plupart était en train de se la raconter. A part l’étudiant chinois, qui croyait peut-être à son histoire de machine écologique, chacun faisait semblant de maîtriser quelque chose.

Le vieil Israélien, en revanche, était toujours pertinent. Chaque fois qu’il prenait la parole, toute l’assemblée se taisait et écoutait. Magali devait partir dès que possible. Elle voulait montrer au juriste organisateur de l’événement, qu’il ne fallait pas abuser de sa bonne volonté.

Dans la voiture du retour, je lui ai conseillé de s’associer au vieil Israélien. « Alliance de la jeunesse et de l’expérience, de la beauté et de la laideur, vous feriez des étincelles tous les deux. »

Visiter la Silicon Valley : Sky road …

Difficile de visiter la Silicon Valley sans découvrir Sky road. Avant de me laisser leur maison et leur voiture, mes amis m’avaient rempli une feuille blanche de recommandations en tout genre. Je n’ai pas eu le temps de tout faire, mais je suis allé sur la route de crête qui longe du nord au sud la Silicon Valley.

palo alto

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A quelques kilomètres des grandes entreprises que tout le monde connaît, on gare sa voiture et on se retrouve dans des montagnes qui font penser au sud du Massif central.

Je me suis promené quelques heures au bon soleil d’automne sur ces chemins vallonnés du Long Ridge Open Space Preserve.

Long Ridge Open Space Preserve

Rien de sauvagelà-dedans, mais une organisation admirable : des présentoirs en bois donnent des informations sur le lieu, affichent la carte des chemins de randonnée, et mettent même à la disposition des visiteurs des dépliants comportant de précieuses cartes. Je me suis servi, impressionné par une telle civilité. Un dispositif incroyablement important, au vu de l’occupation minimale de ces espaces par la population. Tous les parkings étaient vides, et je n’ai rencontré personne dans toute ma déambulation, motorisée et pédestre. Moins il y a de gens, plus les services sont élaborés.

Long Ridge Open Space Preserve

D’autres panneaux nous informent de la présence éventuelle de lions de montagne, qui sur la photo ressemblent plutôt à des tigres. Il doit y avoir une autre traduction, en français, que « lion de montagne ».

habitat protégé des lions

N’écoutant que mon courage, j’ai poursuivi ma promenade et me suis repu d’une douce nature qui fait de la Californie, véritablement, un paradis sur terre.

Long Ridge Open Space Preserve

Long Ridge Open Space Preserve sentier

Long Ridge Open Space Preserve sentiers

California in my mind

Je ne sais pas pourquoi mon cœur se serre si fort quand des images me viennent de la Californie. Je repense souvent à mon petit séjour là-bas avec une intense nostalgie. Un sentiment proche du désespoir. Que ce soit Los Angeles, son centre ville ou sa lointaine banlieue, San Francisco ou Oakland, que ce soit des paysages ruraux ou des ambiances urbaines, toute la Californie me revient en mémoire comme un paradis perdu.

Comment cela est-il possible ? Certes, j’y ai rencontré et retrouvé des personnes formidables. Les Californiens d’adoption ont été généreux avec moi, hospitaliers, stimulants, intéressants, et il n’est pas étonnant que j’en garde un bon souvenir. Mais ce n’est pas ça. Non, ce n’est pas suffisant. Des gens sympas et intelligents, j’en rencontre partout, je les attire, comme la fleur attire les abeilles. Comme le sombre lac attire les baigneuses. Comme le mont pelé attire les randonneurs. Je peux en faire à la pelle, des images de ce calibre. Comme la vieille fontaine attire les juments…

Il y a autre chose, quelque chose de mystérieux et de caché, qui fait de la Californie un lieu de ma mémoire particulier, lumineux et bouleversant. Tous les matins, j’étais angoissé. Des crises de panique me sautaient à la gorge et je voulais en finir. Ma vie ne valait plus rien, je voulais mourir. Avec le recul, on m’a dit que j’étais sous le coup d’une dépression due à la mort imminente de mon père. Je faisais mon deuil avant la mort.

Ces angoisses dans une région magnifique ont créé un stock d’images et d’émotions, en moi, qui se sont cristallisées en souvenirs fulgurants, éclatants. Ce furent des épiphanies à répétition, qui se sont succédé comme une réaction en chaîne, et qui, emprisonnées dans la cage de ma mémoire, sont devenues une pure splendeur.

Enfin, il y a une dernière chose. J’ai beau retourner les idées dans tous les sens, j’ai le sentiment tenace que les gens qui habitent en Californie sont les plus chanceux du monde. Ils me font l’effet d’être privilégiés sur la terre. Je n’avais jamais eu ce sentiment avant, dans aucun autre pays du monde. Partout, j’étais émerveillé, mais je percevais quand même les côtés négatifs. Là, sur la côte ouest des Etats-Unis, je crois avoir vu l’endroit le plus heureux du monde, le plus parfait.

Le sage précaire finira peut-être sa vie là-bas, en immigré clandestin. Il construira une cabane et se rendra parfois, deux fois l’an, à des dîners en ville avec des intellectuels de Berkeley ou des poètes d’Albany. Il vivra de peu, dans la sagesse toute relative de son âme inquiète, et dans la tiédeur des grains de raisin qu’il picorera en attendant d’être expulsé comme un vulgaire chicano.

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1 commentaire pour “Visiter la Silicon Valley ; facettes insolites de la Californie”

  1. Bonjour,
    Je suis tombée par hasard sur votre bloque que j’ai trouvé intéressant.
    J’ai été un peu surprise de lire que vous avez pu visiter le campus de Google et avoir accès à certains de leurs services (nourriture, par exemple). Il me semblait que c’était impossible. Je voyage pour SF dans deux semaines et cela m’intéresserait de savoir comment vous avez fait.

    Merci d’avance.

    Stephy.

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