Voyage Hongrie – Serbie – Croatie : un même paysage, trois pays … Mais qu’y a-t-il au-delà des évidences qu’offre le décors de la grande plaine hongroise que l’on retrouve dès que l’on passe la frontière serbe?
Sziasztok !
J’ai longtemps hésité pour le titre de cet article. Pas si facile en effet de rendre compte d’une réalité telle que j’ai pu la voir et la ressentir lors d’une boucle Hongrie-Serbie-Croatie-Hongrie, en essayant d’être « vrai » sans être trop simpliste …Je vous plante le décor : nous étions à Baja, non loin de la frontière serbe donc, et j’ai dit à Ma Douce : « J’aimerais bien avoir quelques tampons supplémentaires sur mon passeport ».
Aussitôt dit, aussitôt fait, nous voilà partis vers le sud par une matinée dominicale et radieuse. Autour de nous une grande plaine bordée de bosquets et d’allure assez riche …
Et puis, très vite, on est arrivés à la frontière avec la Serbie. Il a fallu insister un peu mais j’ai quand même réussi à obtenir un cachet d’entrée sur mon passeport ! Si le paysage est resté quasiment identique, l’ambiance n’était plus tout à fait la même : beaucoup de vieilles voitures, de nombreuses charrettes, des gens assez pauvrement vêtus et à l’expression relativement fermée … Et puis les panneaux au bord de la route :
Trois écritures donc : en haut (donc en première position) le serbe cyrillique, au milieu le serbe « international », et en bas le hongrois reconnaissable à l’accent sur le « á ». Souvenez-vous en effet que ces frontières n’ont pas un siècle d’existence, et que cette petite ville de Bezdan/Bezdán appartenait encore il y a peu à ce que certains appellent aujourd’hui la « Grande Hongrie ». A ce sujet, très compliqué, je me permets (une fois n’est pas coutume) de vous renvoyer à l’analyse de M. Pierre Waline, qui a l’air de savoir de quoi il cause …
Juste une phrase de citation pour vous donner une idée de la « problématique », comme on dit à l’Université …
« Hier, Roumains, Slovaques et Serbes constituaient des minorités en Hongrie. Aujourd’hui, ce sont les Hongrois qui forment une minorité en Roumanie, Slovaquie, Serbie (et Ukraine). »
Ben oui, et pour moi, « franchouillard de base », ça reste quand même une sacrée énigme. Pour moi (comme pour beaucoup d’autres, j’imagine ?) les frontières c’est quelque chose de donné, qui ne se discute pas : on a les Pyrénées, les Alpes, le Rhin, et puis … le reste ! C’est vu, c’est acquis, c’est digéré. Et même qu’à l’heure de l’Europe, on peut se permettre de les oublier un peu, ces frontières, et que peut-être, dans pas longtemps, on aura tous un beau passeport européen ? Alors, forcément, se battre férocement pour un bout de grande prairie, à l’aube du XXI ème siècle, ça semble un peu appartenir à un autre âge, non ? Et pourtant …
Pourtant, voilà le mémorial qu’on trouve au centre de Сомбор/Sombor/Zombor, charmante petite ville par ailleurs, avec de longues allées ombragées et des terrasses pleines de gens qui rient au soleil en prenant l’apéro du dimanche. Vous lisez bien les dates : 1990-1999, dix ans seulement que la guerre est finie ici, et cette mère serbe pleure sur ses enfants disparus … âmes vaillantes, fleurs aux fusils, tombés pour défendre leur chère Serbie …
Cependant, en continuant la promenade, ce sont des souvenirs d’un tout autre genre que l’on peut découvrir :
Fièrement dressés au fronton de ce bâtiment dont l’origine austro-hongroise ne laisse aucun doute, ailes déployées, que trouvons-nous, si ce n’est deux « turuls », oiseaux divins appartenant à la mythologie magyare et qui eurent Attila pour premier descendant ! A noter encore au centre du fronton une belle étoile dont le rouge a disparu …
Et ce sera ainsi tout au long de cette boucle : d’un côté une même campagne parsemée de coopératives (anciennes ou modernes) et les mêmes vestiges d’un glorieux et impérial passé (plus ou moins bien entretenus selon la politique nationale) et de l’autre l’affirmation incessante, par la langue, les monuments, les traces encore fraîches d’une guerre récente, d’une identité serbe, une identité croate, une identité hongroise qu’il ne s’agit surtout pas de confondre ou de mélanger !
Entre Сомбор/Sombor/Zombor et la frontière croate, pas plus de 50 kilomètres que nous avons allègrement franchis dans notre petite auto …
Au passage, un beau tampon sur mon passeport mais aussi … un examen minutieux du coffre arrière ! On ne plaisante pas avec les visiteurs venant de Serbie … surtout quand leur plaque minéralogique est hongroise ?
Sur la place centrale de Osijek/Eszék, jolie ville de Croatie allongée au bord de la Drave (qui rejoint le Danube un peu plus loin, à la frontière serbe) j’ai pris une photo qui m’a semblé symbolique :
GOD AND CROATS
Ce qui me paraît intéressant tout d’abord, c’est qu’elle soit rédigée en anglais, et pas en croate : par « modernisme » ? par volonté d’universaliser le message ? Quand on voit ce qui se passe en Slovaquie en ce moment, où une nouvelle loi impose, entre autres choses, d’ajouter aux monuments qui en sont dépourvus (et inutile de vous dire que du côté de la frontière hongroise ça ne manque pas !) la traduction exacte en langue nationale de toutes les inscriptions qui y figurent, et cela dans des caractères d’une grosseur au moins égale à celle des susdites inscriptions …
Le décor ensuite : un arrière-plan fait de maisons néo-baroques du 19ème siècle, qu’on peut trouver aussi bien en Slovaquie qu’en Transylvanie ou à Budapest et Vienne.
Et enfin, les « marques », bien sûr ! Palmers, Triumph, NafNaf, etc … Des marques comme on peut en voir en Serbie, en Croatie, en Hongrie, et un peu partout ailleurs dans le monde … Et au dessus de tout ça, quoi ? Le logo d’une banque, du fric, de l’oseille, du pèze, bonhomme, c’est ça l’avenir !!! Alors, oui, Bon Dieu, si jamais il vous arrive d’exister, veuillez faire en sorte que les petits Croates, les petits Serbes, les petits Hongrois, et tous les petits autres parviennent à trouver leur voie, entre un glorieux passé et un futur de pacotille, sans avoir besoin de bousiller celle des autres, d’accord ?
Dans le soir qui tombait nous avons traversé la grande plaine. L’auriez-vous deviné ? Nous étions en Hongrie …
Sziasztok !!!
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