Premier long métrage d’Andy Garcia, l’acteur bien connu, Adieu Cuba est une ode à l’île bien-aimée, dont l’éloignement suscite une nostalgie inguérissable…
Adieu Cuba, un combat né d’une passion amoureuse
En 1958, l’île de Cuba est loin d’être un paradis. Le dictateur Batista oppresse le pays et asphyxie son peuple. Dans les champs de canne à sucre et les jungles perdues des montagnes de l’est du pays, les forces révolutionnaires M26 de Fidel Castro et d’Ernesto »Che » Guevara se préparent à marcher sur La Havane. Alors que les troubles agitent l’île, Fico Fellove dirige son club, El Tropico.
Dans la tourmente, il se bat pour garder l’unité de son clan, et pour l’amour d’une femme interprétée par Inés Sastre. Fico ne voulait pas s’impliquer dans la lutte politique et idéologique, mais le destin ne va pas lui laisser le choix. Cuba est devenu un monde déchiré par les passions les plus contradictoires, les luttes intestines, les règlements de compte et les rêves brisés.
Un film qui a frisé le chef d’oeuvre à quelques erreurs près. Oui, Adieu Cuba ( Lost City ) aurait pu être pour l’île Caraïbe ce que Docteur Jivago a été pour la Russie. Mais voilà, il a manqué à l’oeuvre, infiniment respectable d’Andy Garcia – cubain d’origine et qui a quitté l’île à l’âge de cinq ans – davantage de rigueur dans le narratif, de profondeur et d’inspiration dans le scénario.
Ne lui faisons pas pour autant un mauvais procès, car ce dernier vibre, tout au long de sa pellicule, d’un lyrisme sincère, d’un vrai amour pour une île qui semblait avoir été désignée pour être le havre de la beauté et de la douceur de vivre. Cuba doit posséder un charme irrésistible pour que ses paysages, ses musiques, ses lumières, ses parfums restent à jamais gravés au plus vif de ceux qui l’ont connue. Je ne le sais que trop, ayant dans mon entourage des Cubains dont l’exil est une peine inguérissable.
Alors, oui, ce film ne peut manquer d’émouvoir, en faisant défiler devant nos yeux la malchance et le malheur que furent pour ce pays, d’avoir eu, à la suite l’un de l’autre, deux dictateurs qui se sont chargés de le ruiner : Batista le mafieux et Castro le marxiste.
Une époque complexe et quelques erreurs préjudiciables
Il est vrai aussi qu’il n’est pas simple de naviguer dans la complexité d’une époque qui a vu s’affronter les courants les plus contradictoires. D’autant que le budget de 20 millions de dollars nécessaire pour le tournage n’a pas été facile à trouver. Dès le début de son projet, Andy Garcia a dû se confronter à d’innombrables problèmes engendrés en partie par le fait que l’un des protagoniste – en l’occurrence Fidel Castro – était encore au pouvoir. Il fallut donc planter le décor ailleurs qu’à Cuba, et les paysages choisis, pour leur ressemblance, furent ceux de la République Dominicaine au moment de la récolte du tabac, une activité dominante dans la plantation de la famille Fellove.
C’est donc dans la très fameuse plantation de Carlos Fuente qu’ont été tournées les scènes principales, où l’on voit soudain une famille composée des parents, de leurs trois fils et de leurs brus, traverser dans la douleur et la dignité les terribles convulsions de la révolution cubaine. Le seul souci du père ( remarquablement interprété par Tomas Milian ) sera de maintenir l’unité des siens, de sauver sa famille. Hélas, on verra peu à peu la table familiale se réduire, si bien que Fico, l’aîné, sera le seul, peu avant de quitter l’île, à recueillir les ultimes recommandations de ses parents et la bénédiction de son père.
Aurora, un personnage central manquant d’authenticité
Le film est tiré d’un roman de l’écrivain cubain Guillermo Cabrera Infante et retrace l’existence de cette saga qui se partage entre plantation de tabac ( l’oncle ) et l’université ( le père des trois fils Fellove étant professeur de droit constitutionnel à la Faculté de La Havane ). Entre ces deux formes de culture, le clan s’est épanoui, la maison et les terres agrandies et développées. Mais voilà que les rumeurs d’un coup d’état fomenté par le Che et Castro vont susciter passion et division.
Alors que le fils aîné préfère se tenir à l’écart de la vie politique et poursuivre ses activités dans le club de musique et de danse qu’il anime, Luis mourra pour avoir participé au complot qui devait attenter à la vie de Batista ( qui finira par s’enfuir en emportant des sommes considérables d’argent volées au peuple cubain ) et le plus jeune Ricardo rejoindra les troupes castristes. Lorsqu’il comprendra trop tard les tenants et les aboutissants d’un régime qu’il a soutenu et qui commence son règne par une terrible épuration, il se suicidera. Ainsi les personnages vont-ils tour à tour ployer sous l’ouragan de l’Histoire et connaître les affres d’une tragédie contemporaine que trop de clichés décoratifs réduisent malheureusement à l’état de récit anecdotique, les scènes n’étant pas suffisamment reliées les unes aux autres.
Deux erreurs sont surtout à déplorer dans ce long métrage de près de 2h 30, tourné avec une incontestable passion et un accompagnement d’images et de musiques splendide : la présence peu convaincante de l’écrivain campé par Bill Murray, sorte de clown triste, d’artiste raté et désabusé qui est sensé représenter le désenchantement d’un monde en train de sombrer dans l’anarchie et n’apporte rien au film, et celle d’Aurora, la veuve de Luis, dont Fico est tombé follement amoureux, et à laquelle la belle Inés Sastre ne prête que sa plastique de mannequin sans parvenir à lui inculquer un semblant d’authenticité et d’émotion.
C’est d’autant plus regrettable qu’elle occupe dans le film une place importante, détermine le présent et l’avenir de Fico, autour duquel le scénario se resserre et que, face à lui, c’est-à-dire face à Andy Garcia en personne, qui a tenu à être tout ensemble derrière et devant la caméra, elle ne parvient pas à situer sa partition féminine à la même hauteur que la sienne, comme c’était le cas dans Docteur Jivago avec le couple formé par Omar Sharif et Julie Christie.
La fin de film est néanmoins très belle et nous laisse sur une impression mitigée où alternent emballement et déception. Nous assistons au départ émouvant de Fico, s’arrachant à son île en même temps qu’à son amour et obligé d’accepter ( comme la plupart des Cubains de la diaspora ) un emploi de plongeur dans une boîte de nuit américaine, cela avec une fierté et une dignité admirable, tandis que la musique poursuit sa mélopée lancinante et nostalgique et que le film se clôt sur ces passions défuntes.
Madame,
Journaliste de formation,passionné par l’écriture et l’Amérique latine et les Caraibes ,j’ai lu avec plaisir votre critique sur Adieu Cuba d’Andy Garcia.
Ayant écrit un scénario sur le Cuba détruit des années 2000,j’aurais aimé le proposer à Andy Garcia.Avez-vous ses coordonnées?
Je serais heureux de pouvoir vous exposer mes motivations de reprtages et mes souhaits de publications.
Je vous prie de bien vouloir agréer l’expression de mon profond respect.
Pascal FONTAINE
Tél;06.61.90.68.39