Festival Crescendo, festival musical furieusement génial à Saint Palais
Connaissez-vous le festival Crescendo? A Saint Palais, à la fin du mois d’août se tient un festival musical méconnu mais furieusement génial : le festival Crescendo…
Le festival Crescendo se déroule à la fin de l’été et c’est même l’automne qui commence selon le calendrier révolutionnaire de la luminosité. La saison des festivals d’été est donc achevée.
L’occasion de rendre justice à le plus intéressant d’entre eux, le festival Crescendo à Saint Palais, déjà dans la onzième édition.
Le festival Crescendo a deux particularités. Il offre la possibilité de découvrir des groupes inédits dans un genre maudit mais pourtant majeur, le rock progressif. Et en plus il est gratuit.
Le festival Crescendo se déroule sur trois jours à la mi ou à la fin août selon les éditions. Cette année, il a eu lieu du 13 au 18 août 2013. Le cadre est superbe. Une grande esplanade verte dieu merci restée vierge de toute construction. Au large, l’océan et au bord, de modestes falaises auxquelles sont arrimés quelques carrelets. Le site est tellement étendu qu’il offre un parking et toutes les commodités pour installer une scène et autour, les incontournables vendeurs ambulants, auxquels s’ajoutent les frites, les merguez et quelques revendeurs de disques progressifs, aux côtés du rédacteur d’un fanzine consacré au progressif. C’est vraiment un free festival, plus sympa que Woodstock. Vous ne trouverez aucun vigile pour vous fouiller ni aucune interdiction d’amener sa bouffe et ses boissons, ce qui n’est pas le cas d’autres festivals, notamment celui très branché qui se tient dans une ville au nord de Bordeaux et qui proscrit même les bouteilles d’eau minérale en plastique. On ne sait pas si c’est pour éviter le passage de vodka en contrebande ou alors faire un peu profit s’ajoutant aux 40 euros de l’entrée. Cela dit, lorsque vous allez au Crescendo, pas besoin d’apporter ses victuailles, vous pouvez et moralement vous devez acheter pour quelques euros des tickets permettant de se procurer un demi de mousse ou un sandwich préparé par les bénévoles de l’association et de boucler un budget incertain. Le festival est financé par les collectivités locales et assuré par des bénévoles qui ne rechignent pas à la tâche. Seuls, l’ingénieur du son et l’installateur de la sono sont rémunérés. C’est un truc inimaginable à l’ère du néo-libéralisme et pourtant, ça existe. Des gens passionnés et une ambiance détendue, pas d’animosité, on dirait une sorte de zone protégée de la fureur médiatique ambiante et de la férocité des intérêts particuliers. Une mention pour Sébastien, l’organisateur, le boss, efficace, passionné et présent.
Et la musique ? Au total neuf concerts qui chaque soir vont crescendo, avec une première partie sympathique, une seconde partie plus « sérieuse » et le plat de résistance vers 22 heures. Ce n’est pas parce que c’est gratuit que c’est mauvais. C’est même l’inverse. Les groupes de rock progressifs livrent des prestations incroyables sur scène. La plupart sont des virtuoses et quelques groupes ont 20 ans de carrière, voire plus. Les batteurs du prog sont des techniciens aussi doués que ceux du métal. Mais il ne suffit pas de technique pour ravir l’âme. La musique est aussi émotions et autres esthétiques multicolores restituées dans des compositions mélangeant les effluves de synthétiseur, les nappes de mellotron, les parties de clavier et le piment de la guitare, le tout entrelacé à une rythmique efficace qui n’a rien d’une posture de métronome comme dans un punk band mais tout d’une contribution à un quintet ou un sextet de musique de chambre qu’il faut écouter en plein air. Et dieu sait si l’air de Saint Palais se prête à recevoir ces harmonies venues de loin. Car autre particularité, le festival Crescendo accueille des artistes venus de plusieurs continents. L’année dernière, nous avons eu des Péruviens et des Mexicains (Cast) et cette année, des Chiliens ont partagé la scène avec des Canadiens puis des Japonais. L’Europe de l’Est a aussi été présente, avec l’Ukraine et la Pologne. Il n’y a pas photo. Ce festival est le plus international qu’on connaisse mais il faut dire que le rock progressif est devenu planétaire et se positionne comme le rock classique et artistique du 21ème siècle. Alors que le rock standard descend au niveau de la chanson pop et que U2 sonne comme Tino Rossi pour une oreille progressive avertie.
J’ai assisté à plusieurs concerts. Les premières parties ont été à la hauteur mais pas de quoi s’enflammer. Le genre prog est difficile et souvent, les groupes manquent de style propre, livrant une musique raffinée mais qu’on sent émanée d’influences diverses sans inspiration spéciale. Je retiendrai du Crescendo de 2009 la prestation le 22 de Baraka, trio japonais sachant manier virtuosité, pêche et ironie pour livrer des effluves de free rock rappelant parfois King Crimson. On pouvait d’ailleurs croiser les musiciens pendant le festival sur le site, comme bien d’autres instrumentistes venus jouer pour la passion, pas du tout dans la star attitude, en toute simplicité. Etrange, décalé… Le 20, les Italiens d’Il bacio della medusa ont livré une prestation de virtuoses, avec un chanteur d’une incroyable présence. Le progressif étant vaste, ces Italiens n’entrent pas dans la catégorie reine du prog, le symphonisme, mais leur rock est aussi intéressant que le fut celui du légendaire Tull. D’ailleurs, une flûtiste nous a gratifié de beaux effluves d’instruments à vent avec également le saxophone. Le mot de la fin pour Djam Karet, un groupe américain méconnu, sauf des aficionados du prog, formé il y a plus de 25 ans, jouant un rock progressif musclé et virtuose, assez spécial, rappelant parfois Crimson, mais original, très cérébral, très complexe, comme le sont les Suédois d’Anglagard. Sorte de musique contemporaine écrite pour le 21ème siècle que n’aurait pas dénigré un Messiaen.
Le festival Crescendo, c’est génial mais c’est fini. Si vous regrettez de ne pas être venu, vous pourrez vous rattraper pour l’édition de 2014 qui devrait avoir lieu, sauf si les financements locaux se désistent sur fond de crise.
Du jeudi 21 août au 23 août 2014
Festival Evento de Bordeaux
Le vendredi 9 octobre, le super grand méga événement de l’Art contemporain voué à la rencontre des artistes et des citadins s’est déroulé dans la grande ville de Bordeaux qui avec ses longs quais et son tramway et sa réputation vinicole, se devait d’organiser un très grand événement pour entrer dans le gotha des grandes métropoles culturelles comme Lille ou Lyon. Un maître d’œuvre, l’architecte Didier Faustino. Un maître d’ouvrage, la municipalité de Bordeaux, qui a décompté les 150 000 badauds pour signaler que la manifestation a été très suivie, comme du reste on compte les manifestants.
Seule différence, le festival Evento de Bordeaux ne fournit qu’un chiffre, obtenu on ne sait comment, mais garanti par les services municipaux. Une manifestation syndicale livre deux chiffres, celui des organisateurs et celui de la police. De toute façon, la police municipale était en grève ce vendredi à Bordeaux. Et les badauds se sont rués sur les quais pour voir le très beau feu d’artifice. Après avoir franchi la passerelle de bois et flâné à la foire aux plaisirs sur la très grande place des Quinconces occupée par les forains, les attractions et les manèges. Une ville qui vit le jour et la nuit, c’est beau, en espérant que les gens ne virent pas dans l’ennui, une fois la nuit tombée, mais sur les quais, le feu d’artifice a rendu les regards brillants, et puis nul ne sait si Evento est un succès ou une daube organisée par une mairie en mal de visibilité culturelle. Ces choses sont bien trop complexes pour une analyse et bien trop simples pour un avis. Evento est une expérience.
Autre expérience, ce vendredi 9 octobre, le concert de rock progressif organisé par l’association Eclipse à l’espace Tatry. Je ne vous dirai rien sur le feu d’artifice vu que j’ai préféré payer 20 euros pour ce concert assez intimiste, avec un public réduit mais rien que des connaisseurs. Du grand art que cette musique progressive. Un peu l’équivalent de la musique de chambre mais avec amplification et instruments de notre époque. En première partie, les Grenoblois d’Ex Vagus, formation « très classique » interprétant des compositions originales. Du prog bien français, mélodieux, avec Ange et Pulsar comme influence. Du prog pas très nouveau mais excellemment joué, à part la partie vocale (le maillon faible du prog) Non pas que le chanteur soit mauvais mais hélas, une aventure dans la langue anglaise qui ne convient pas à un vocaliste dont le timbre à la Mouloudji mérite le français, comme on peut le constater en écoutant le premier album de ce groupe. Mais nous étions venus pour entendre les Italiens de The Watch, un groupe dont le chanteur n’est pas le maillon faible. Un trentenaire né quand Genesis était au sommet et dont la voix rappelle celle de Peter Gabriel.
Et pour cause, car The Watch, c’est le Genesis des années 2000. Un groupe dont les morceaux empruntent le sillon de l’album Nursery Crime. Quelle sensation que d’entendre la reprise de ces vieux morceaux d’époque interprétés merveilleusement. Les quatre titres les plus emblématiques de Nursery ont été exécutés, plus deux de Trespass, deux autres de Fox Trot, un du Lamb et trois ou quatre compositions du groupe. Quel plaisir que de s’asseoir sur la moquette de l’espace Tatry et de voir ces virtuoses à seulement trois mètres. On aurait dit une peinture de la Renaissance avec ces beaux Italiens assis et manipulant leur guitare avec le style d’un écrivain tenant sa plume dans une composition de Dürer. Rien à dire de plus. Le prog, c’est ennuyeux pour ceux qui n’entrent pas dans cette musique sophistiquée et c’est génial pour les vrais amateurs. Un ravissement et un genre musical inépuisable, pas comme le bon rock british que nous sert Lenoir sur France Inter. Du rock bien ficelé mais qui sature les désirs esthétiques après quelques passages de groupes assez formatés.
Autre sensation, cette fois dans le cadre d’Evento. En vérité, le seul événement méritant d’être signalé, mais comme on dit, il n’y a pas photo entre les sculptures et autres déchets de l’art contemporain et le spectacle vivant avec des vrais artistes sur la scène. Bravo à Alain Juppé pour avoir accueilli les Peaches. C’est quand même autre chose que les boutonneux de Tokyo Hotel choisis par Sarkozy pour un précédent 14 juillet. Peaches, c’est en fait le pseudo de Merril Nisker, une dame canadienne né en 1966, dont la prestation scénique traduit d’excellentes artères et surtout un esprit assez déjanté, sorte de Nina Hagen provocante dont la carrière s’est faite à l’écart de l’industrie conventionnelle et qui ne fait pas dans le politiquement correct ni le scéniquement bienséant. La musique est interprétée par une line up assez sobre, un batteur qui cogne, un claviériste pour le côté électro et les basses numériques, sans oublier une sublime blonde aussi douée aux claviers qu’à la guitare dont elle manie le manche aussi bien que les gratteurs de métal. Sexy, avec son collant résille et ses cuissardes faussement maintenues par les jarretelles d’une guêpière remplaçant avantageusement un tailleur Saint Laurent qu’elle pourrait porter sur un défilé de mode. La musique de Peaches est minimaliste comme du punk mais exécutée sans désinvolture, avec une précision de métronome. Le show n’en parlons pas, une vraie performance. Aux antipodes de l’ambiance de salon du progressif mais authentique et c’est ce qui signe la musique de la vie et la vie de la musique. Peaches a livré un excellent électro rock alternatif dont les faiblesses dans la composition sont compensées par cette performance étonnante, la chanteuse n’hésitant pas à marcher telle une Jésus girl suspendue sur la mer des bras tendus de la foule comme on peut le voir sur l’image où je figure mais je ne saurais pas vous dire où. Il faut dire qu’il ne faut pas craindre le corps à corps et les pulsations imprévisibles d’une jeunesse un peu alcoolisée qui parfois, se plaît à pogoter. Le seul salut étant de jouer avec le mouvement et délicatement, de repousser les assaillants en se déhanchant au rythme du beat endiablé et des vocalises de cette incroyable performeuse ; qui n’hésita pas à escalader les quinze mètres de la structure métallique insérée dans la scène. Bref, légèrement hallucinant et hyper vivant. Une vraie réussite que ce concert offert par la municipalité de Bordeaux. Alain Juppé, si tu m’entends !
L’art vivant, c’est l’essentiel, progressive ou électro, la musique offre des sensations, des émotions, toutes différentes. Heureux les ouverts de l’esprit, le royaume de l’énergie leur appartient !
Photo, Gabriella da Silva.
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