Alerte Mots sensibles!

Au fil du temps, les mots finissent par se détourner de leur sens premier, le mot « sensible » par exemple. Etre sensible : être délicat, émotif, réceptif, compatissant (les thaïs diraient « pen khon nam djaï » : « personnes au cœur humide »). On dit pour certains reportages ou images : « âmes sensibles s’abstenir » sous peine d’être choquées.

En Thaïlande, en Chine, certains mots sont « sensibles », chatouillent, exacerbent, irritent, agacent, énervent, « font chier grave », les maîtres au pouvoir. Famille royale, ou ceux qui la font encore tenir debout pour leur plus grand profit, en créant des lois iniques par exemple. Le seul fait d’écrire « j’aime pas tonton ou tata » (d’ailleurs je ne l’écris pas), vous mène en prison pour plusieurs années. Je ne peux citer celui dont je tire une grande partie de mes sources, un journaliste qui porte parfois le kilt et s’est barré à Singapour, sinon il serait en tôle pour 10 ans ou plus. Des geôles où le sourire légendaire s’efface. (certains le reconnaîtront)

Donc il y a des mots « sensibles » que je me garderais bien d’écrire ou de prononcer. J’aime les expériences, souvent enrichissantes, créatrices de situations transformables en récits, blogs, romans… mais j’aime trop mon café américano le matin pour me laisser enfermer dans quelque endroit infâme où croupissent injustement des personnes respectables qui ont eu le malheur d’avoir le verbe un peu haut ou la plume un peu leste.

Donc pas de mots « sensibles » sur la toile.

En Chine, les mots sensibles s’effacent automatiquement par dizaine de milliers, grâce à une armée de censeurs. Parce que contrôler 500 millions d’internautes et quelques 300 millions de micro-blogueurs « ça doit pas être de la tarte ». En Thaïlande ils ont engagé des multilingues, mais étant donné leur don pour les langues !!

« Le gouvernement chinois fait donc la guerre à la propagande des « nouveaux médias » (Le Figaro). En Thaïlande, comme en Chine, et même en France, il est dangereux de penser, je veux dire « penser différemment », le gouvernement préfère se coltiner aux voyous qu’aux penseurs, les voyous sont moins dangereux que les penseurs qui eux peuvent influencer sa courbe de popularité ou le faire dégringoler dans les sondages.

Autre mot détourné : « correct ». Etre correct, c’était être droit, juste, propre (au propre et au figuré), c’est comme le dit Xi aujourd’hui : « prendre une direction politique correcte », donc être « politiquement correct « , on dit aussi « beni oui oui »

Selon le « South China Morning Post », le président chinois aurait lancé un appel aux armes (oui aux armes) contre l’internet rebel. Alors les blogueurs se tournent vers la « fantaisie » – non pas cette fantaisie-là, coquine, légère, non – la « Fantaisy », celle avec les extraterrestres par exemple : une fuite de la réalité donc. Sages, les Thaïs, eux, se taisent mais n’en pensent pas moins.

Cependant la colère gronde en Chine, car le président communiste/capitaliste a, il y a peu, promis d’attraper « aussi bien les mouches que les tigres » (traduisez : choper les personnes corrompues)… mais oh ! C’est bien souvent ou toujours le pouvoir qui corrompt !

« La  grammaire propose des inconditionnels et des optatifs qui donnent le pouvoir étrange de reconstruire la réalité, c’est le beau mensonge de la vie, ce pari sur l’improbable qui pousse la plupart des individus et des sociétés à rejeter la logique du désespoir et du suicide » Georges Steiner.

Les Chinois contraints, se tournent vers la Science-Fiction, les Thaïs se tournent vers une forme de bouddhisme de plus en plus superstitieux, les français vers le front national… !!