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L’Algérie à travers ses écrivains : La littérature, la face ensoleillée de l’Algérie

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La littérature, la face ensoleillée de l’Algérie… Quel bonheur après avoir rencontré tant de difficultés au Maroc pour rassembler quelques lectures suffisamment intéressantes pour satisfaire votre exigence littéraire, d’entrer en Algérie, riche terre de littérature, et de pouvoir réunir dans un même sujet trois grandes dames des lettres algériennes, tout d’abord, l’immense Taos Amrouche que j’ai découverte au hasard d’une vente de livres d’occasion, qui avait hélas toutes les tares pour être condamnée aux oubliettes de l’obscurantisme, elle est francophone, chrétienne, née en exil, en Tunisie, et de plus Kabyle. Comment avec un tel profil passer à la postérité qui aurait dû être la sienne dans un pays aussi peu ouvert et tolérant ?

Admiratrice d’André Gide, elle a cherché à imiter son magnifique style et produit une œuvre d’une très grande qualité d’écriture et d’inspiration. Nous aurons aussi le plaisir d’évoquer Assia Djebar, grande dame des lettres francophones qui nous emmènera du côté de Cherchell, là où elle est née pour rendre hommage à ces femmes qu’on enterre une seconde fois … quand on a pu les inhumer. Et enfin, nous rendrons une petite visite à Malika Mokedem, pour qui j’ai un petit faible, la lecture de «Les hommes qui marchent» m’ayant profondément ému. Et, pour finir ce premier passage en Algérie nous nous arrêterons un instant auprès le Waciny Laredj le seul arabophone de cette étape littéraire avec qui nous rendrons un hommage appuyé à tous les intellectuels algériens sacrifiés sur l’autel de la stupidité ou obligés de partir en exil pour sauver leur peau.

Jacinthe noire

Taos Amrouche (1913 – 1976)

«  Alors j’ai vu ses yeux noirs, étranges, offerts et insondables. Il me fallait aller vers elle. » Marie-Thérèse, Maïté, jeune Limousine exilée dans une sinistre pension parisienne raconte la relation qu’elle a eue avec Reine, jeune Tunisienne, égarée dans cette même pension où sa différence, son exaltation, son exubérance, sa personnalité sont très mal acceptées par la directrice et ses courtisanes d’une religiosité onctueuse et hypocrite. Elle nous raconte comment, dans ce huis-clos, un groupe de jeunes filles va intriguer pour exclure l’intruse ou pour défendre sa différence, s’affrontant sous fond d’obscurantisme religieux et de prosélytisme larvé. Le suspens n’est pas bien grand car l’auteur nous rappelle sans cesse que cette relation se termine mal.

Maïté, Marie-Thérèse, raconte en fait l’histoire de Reine qui est un peu l’histoire de Taos Amrouche, première romancière algérienne de langue française, qui a dû, elle aussi, rencontrer un certain nombre d’obstacles quand elle est arrivée en France. Elle accapare aussi la jeunesse exaltante de son amie pour oublier son adolescence un peu trop terne et sans relief. S’inventant ainsi une vie possible dans la grisaille parisienne à travers les personnages qui ont meublé la vie de son amie.

La religion, qui est l’axe autour duquel tournent toutes les intrigues et les cabales, est la ligne de ségrégation entre Reine et les filles qui la repoussent car Reine revendiquait qu’elle ne différait « guère de m(s)a vieille grand-mère, restée musulmane ». Cette lutte de tous les jours contre celles qui n’acceptent pas la différence est aussi, en filigrane, une évocation du colonialisme, « elle est d’une autre race », et d’une certaine forme de racisme qu’elle subit même si elle fait « partie de la catégorie de ceux qui se sont séparés des leurs, qui ont rejeté la foi de leurs ancêtres pour suivre le Christ. »

Bien qu’elle soit fortement inspirée par des auteurs comme André Gide, son idole, qui est largement cité dans le roman et qui s’est fendu d’une lettre en introduction du livre, Taos, même si son écriture est très fine et très juste, fait preuve d’un romantisme très « dix-neuvième siècle » où l’exaltation du moi et l’analyse des sentiments sont poussées très loin dans le fond des cœurs et des âmes. On est bien loin de Constance Chatterley et de sa sensualité à fleur de peau, l’amour reste toujours très sentimental, on ne parle jamais de la chair ni de ses plaisirs. Mais, cependant, sous cette sentimentalité à la limite de la sensiblerie tant on défaille dans ce long texte, des thèmes plus forts émergent comme l’affirmation de la personnalité des femmes dans la politique, la colonisation, le racisme, …

Roman inspiré des grands classiques du XIX° siècle mais fondateur d’une littérature féminine maghrébine qui portera de beaux fruits comme Assia Djebar et bien d’autres aujourd’hui à l’image de Malika Mokeddem par exemple.

La femme sans sépulture de Assia Djebar  ( 1936 – … )

Véritable monument de la littérature algérienne et plus largement francophone Assia Djebar, membre de l’Académie royale de Belgique et de l’Académie française et titulaire de bien d’autres distinctions et prix, revient sur ses terres natales, Cherchell, l’ancienne Césarée des Romains, pour rendre hommage à une grande combattante de la libération algérienne, Zoulika Oudaï, qui s’engagea dans l’armée des ombres où elle fut passeur, agent de transmission, de ravitaillement, etc.. Jusque à devenir une pièce si importante du réseau local qu’elle fut enlevée par les troupes d’occupation qui la firent disparaître à jamais sans laisser la moindre trace. A travers cette histoire romancée, bien sûr, Assia Djebar veut rendre hommage à toutes ces femmes qui ont été partie intégrante du combat, de la victoire et de la libération et qui ont été aussitôt dépouillées des honneurs qu’elles avaient mérités et plongées dans l’oubli, là où est la véritable place des femmes dans ce pays.

Les balcons de la mer du Nord de Waciny Laredj  ( 1954 – … )

Dans l’avion qui l’emmène à Amsterdam où il a depuis près de vingt ans rendez-vous avec Fitna l’une des trois femmes qui l’ont aimé et qui ont construit sa vie, il fait revivre ces amours comme pour en faire le deuil. Najris, la femme de la radio dont il ne connut et aima que la voix qui lui fournissait la matière des rédactions que l’institutrice lui demandait et qu’il ne pouvait imaginer dans son petit monde fermé sans mentir comme ses amis. Fitna, la folle qui n’a pas supporté la mort du frère admiré et qui lui a offert sa première nuit d’amour avant de disparaître dans la mer pour mourir d’amour et ne pas vivre de haine. Mais est-elle réellement morte ? Zoulikha enfin, la sœur aînée qui l’a initié à la sculpture et aux désillusions de la vie, qui décéda trop vite après la trahison de son amour.

Yacine quitte son pays où l’amour n’est plus possible, où même la haine est devenue vaine et qui « appartient aujourd’hui à ceux qui ont fait son lit depuis l’indépendance et qui chaque nuit le corrompent davantage par toujours plus de prostitution, de meurtres, de déchéance. »

Les hommes qui marchent Malika Mokeddem (1949 – ….)

Je dois vous l’avouer, j’ai un petit faible pour ce livre. Malika exprime certainement la rage la plus pure que j’ai rencontrée dans ma déjà longue aventure de lecteur au long cours. Une rage à l’état originel, une rage sans amertume, sans rancœur, la rage qui fait avancer et renverse des montagnes. La rage qui habite cette jeune fille qui refuse la tradition qui veut l’enfermer dans son carcan, là où sa grand-mère a jeté l’ancre, un jour, au pied d’une dune dans un monde d’une absolue minéralité, abandonnant ses frères du désert, mettant fin à cet éternel périple. Malika, ainsi, dénonce déjà la plongée de l’Algérie dans l’obscurantisme après la libération et le sort des femmes qui ne seront pas les gagnantes de cette guerre contre les colonisateurs. Un beau parallèle aussi entre ce peuple pur, comme le monde minéral qu’il arpente, qui a conservé toutes ses traditions et sa liberté aussi vaste que le désert qu’il parcourt et les vainqueurs de la guerre de libération qui se vautrent dans la corruption et s’étripent pour se partager les lambeaux d’un pays saigné par cette pénible guerre.

Denis Billamboz

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