Murakami concocte dans ce livre un savant trio femme, femme, homme, où les cartes ont été savamment brassées pour qu’aucun amour ne soit possible. Il en découle une situation très compliquée qui prend une tournure encor p lus étrange quand les personnages veulent regarder ce qui se passe de l’autre côté du miroir pour essayer de remettre les sentiments dans le bon ordre.
Je me réjouissais de ce petit retour à la littérature japonaise que j’avais un peu délaissée depuis presqu’un an au moins mais mon plaisir fut vite émoussé, après quelques pages seulement, je fus bien obligé d’admettre que ce roman était aussi représentatif de la littérature nipponne que « Les vestiges du jour » d’Ishiguro ou que «Eclipse » d’Hirano. En effet, ce roman est très européen et Murakami utilise même certains clichés de la culture occidentale pour bien nous faire remarquer qu’il s’inscrit dans la lignée des grands auteurs européens ou américains qu’il cite, notamment Kerouac qui est l’idole d’une des protagonistes. L’autre protagoniste féminine fait commerce, entre autres, de vin et a étudié le piano à Paris où elle a découvert tous les grands classiques européens et elle apprécie notamment Mozart, Brahms, Schwarzkopf, …
Dans ce roman à la sauce européenne, Murakami constitue un trio avec deux femmes et un homme où les cartes sont particulièrement mal distribuées car chacun pourrait être aimé de celui qu’il n’aime pas et n’est pas aimé de celui qu’il aime. Sumire, jeune fille en rupture d’études qui essaie d’écrire un roman, tombe folle amoureuse de Miu, une élégante et belle bourgeoise, plus toute jeune, qui ne peut plus aimer, physiquement au moins, depuis une bien malheureuse aventure. Et, Le narrateur lui est très épris de Sumire mais celle-ci ne l’aime pas suffisamment pour partager sa couche et, a fortiori, sa vie.
Miu emploie Sumire et l’emmène en voyage en Europe pour son travail et un petit supplément de vacances au cours duquel la vie du trio sera chamboulée et plonge brusquement dans un monde étrange qui perturbe sérieusement l’existence de chacun. A travers ces événements Murakami nous entraîne sur le chemin de la coexistence entre ce que nous croyons savoir et ce que nous ignorons, ce qui génère des collisions dans le monde réel mais qui ne pose pas de problème dans le monde du rêve. Alors quel est notre monde celui de la réalité où celui que nous rêvons ? Les trois personnages sont confrontés à cette collision entre le monde du rêve et le monde réel et leur avenir est peut-être au bout de cette quête ou le dédoublement de la personnalité les guette.
C’est à un voyage dans l’espace qui déborde le cadre de la raison auquel nous invite l’auteur, cet espace où naissent les idées, les rêves, les pensées et peut-être même certaines certitudes. L’espace où sourd l’inspiration du romancier et le narrateur, comme voudrait le faire Sumire, écrit. C’est donc aussi une réflexion sur la fiction et la naissance de l’œuvre littéraire et au-delà sur le monde et sa réalité qui est peut-être aussi un peu dans le monde des rêves et pas si prosaïquement dans la matérialité des choses. Une forme de remise en question de nos sociétés par trop pragmatiques qui laissent trop peu de place à ceux qui pensent et qui rêvent sans compter, ni mesurer.
Un roman qui aurait pu être intéressant mais qui m’a laissé un peu l’impression du mariage de la carpe et du lapin, d’un côté une bluette mièvre et mollassonne, de l’autre une réflexion philosophique un peu embrouillée et peut-être pas si convaincante que je le dis. Et au final, une histoire d’amour mal tournée et une réflexion pas franchement convaincante ni très claire non plus. « La compréhension n’est jamais que la somme des malentendus », voilà sans doute pourquoi, je n’ai pas tout compris !