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Ambiguïté

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J’avais tout récemment une conversation avec des amis de province, curieux de mieux connaître la société thaïlandaise, celle dans laquelle je suis baignée depuis quelques années… par curiosité, par affinités sélectives, par amour aussi – les chemins de la connaissance étant toujours multiples et variées –J’évoquais, entre autre, mes années d’assistante prof de français à Udon Thani, la façon dont était dispensé l’enseignement dans ce pays si loin de Calais. Après St Mary’s school, l’université Rajhaphat et Udonphitayanukul school, j’avais pu faire quelques observations intéressantes sur le comportement des élèves en général. Mes amis étant eux-mêmes enseignants, leur curiosité n’en était que décuplée. La soirée avançant, nous étions passés des sérieuses constatations concernant l’intérêt ou plutôt l’inintérêt pour la lecture des jeunes en général… à l’anecdote – en tout cas à ce qui semblait relever davantage des mœurs  thaïlandaises plutôt qu’à  une spécificité asiatique. En province on est plus sérieux en général, ou plus grave qu’à Paris où l’on se doit d’être sarcastique, d’afficher  une certaine arrogance ou un certain dédain vis-à-vis des évènements et des hommes. J’évoquais donc le phénomène des « kathoeys » en Thaïlande, ces garçons qui ne se sentent pas masculin mais féminin. Ceux qui avec toute la force de leur imagination et de leur attirance pour le sexe opposé, rêvent d’être « autre ». Phénomène qui peut éclater à l’adolescence, parfois bien avant. Les « kathoeys » que l’on appelle aussi et sans moquerie « le troisième sexe ».

 

BLOG 11

 

A la rentrée à Udonphit, je me souviens encore de ces garçons affichant des attributs féminins : ongles vernissés, maquillage etc… On peut passer des vacances en Thaïlande sans forcément remarquer ce phénomène qui n’en est d’ailleurs pas un dans le pays, tant il est courant. Une féminité un peu exagérée, une pomme d’Adam apparente, quelques gestes et moues appuyées, une façon de s’exprimer légèrement caricaturale, une démarche volontairement féminine…Voilà pour l’apparence qui peut passer inaperçue. Excepté au regard de certains hommes attirés par cette féminité un rien extravagante et par  la beauté parfois  fascinante de ces « kathoeys ».

 

Les « kathoeys » sont donc nombreux en Thaïlande et on les trouve dans toutes les couches de la société, urbaine ou rurale, riche ou pauvre. Phénomène probablement courant dans d’autres cultures comme à Tahiti par exemple avec les «  rérés ».

 

Blog musee Moma

 

« Alors pourquoi la Thaïlande » ?  me demandait-on. Je n’avais pas de réponse precise. Et puis je tombe sur un article sur la culture japonaise. « La mutation de cette société passée de la culture traditionnelle à une culture postmoderne apparue fin des années 70 grace à  des écrivains comme Murakami (Harui et Ryu), Genichiro Takahashi.  Avec ces écrivains et quelques autres,  les barrières entre culture d’élite et culture de masse seraient tombées.

 

Dans le magazine littéraire « Books », je lis que ce mouvement est different de son équivalent européen, car au Japon, il n’inclut pas le sens de l’ « opposition » ancré dans notre monde occidental. Les raisons pour lesquelles le modèle de l’antithèse n’a pas pris en orient sont multiples et anciennes. Des thèmes comme le travestissement, l’androgynie, l’inceste, reviennent fréquemment dans la littérature japonaise et ne sont jamais traités avec la curiosité morbide ou coupable que l’on décèle dans notre regard occidental sur ces questions. « La condamnation de l’acte sexuel et de l’ambiguïté sexuelle (Laura Testaverde) est le produit d’une évolution interne à la pensee chrétienne et ne trouve pas d’équivalent dans la plupart des civilisations étrangères à son influence ». Dans la culture japonaise au contraire tout ce qui est ambigu, confus, composite, génère depuis toujours « une forte dose d’admiration et d’attirance »

 

Voilà peut-être un semblant de réponse à la question sur les « kathoeys ». La littérature thaïe n’est sûrement pas comparable à la riche littérature japonaise qui « fabrique l’âme japonaise », mais les pays sont proches et les cultures bien que différentes, peuvent avoir quelques similitudes.

 

BLOG

Michèle Jullian

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