L’atlas des îles abandonnées, publié chez Arthaud, n’est pas un atlas. Juste une addition d’anecdotes qui n’apprennent pas grand-chose sur ces îles très isolées. Dommage.
Jusqu’à aujourd’hui, à ma connaissance, il n’existe pas d’atlas spécifique sur les îles.
Il faut dire que c’est un exercice très délicat. La seule définition du mot île alimente des pages entières et savantes de moult ouvrages géographiques ennuyeux à lire. Quant à élaborer des cartes de toutes les îles que compte notre planète disparate, on en a jusqu’à la Saint Glinglin.
Qu’y-a-t-il en commun, en effet, entre l’île de Pâques et l’Australie ? Cette dernière est tout à la fois une île, un pays et un continent. Le Groenland est une île, tout comme If, la Martinique, Java, Bornéo, la liste est longue. Si une île est un « bout de terre entourée par de l’eau », pourquoi ne pas mettre les deux Amériques dans cette définition ?
On s’y perd donc, même si au fond, tout le monde sait ce qu’est une île.
Alors, quand j’ai vu que « l’Atlas des îles abandonnées » sortait de presse sous l’égide des éditions Arthaud, j’ai acheté sans coup férir.
L’auteure, Judith Schalansky, a eu la bonne idée que j’aurais dû avoir : répertorier cinquante îles « abandonnées », ou disons très isolées, qui ont titillé son imagination et sa gourmandise pour ces bouts de terre des confins. Agée de trente ans, l’auteure de nationalité allemande écrit dans son introduction sa passion pour les îles, son attirance pour les cartes et les atlas qui la faisaient voyager alors qu’elle n’était qu’une enfant. Et Judith écrit très bien. Jusqu’ici, j’ai très envie de rencontrer Judith et de discuter sur cette passion commune.
La préface d’Olivier de Kersauson compare les îles à des bateaux immobiles. Il a aussi cette jolie phrase que je fais mienne : « Moi, en tout cas, il me fallait connaître le monde entier. D’abord parce que c’est la moindre des politesses ». Il écrit également : « Nous venons de la mer et ne savons vivre sans la terre : l’île est le compromis acceptable de notre inconscient ».
La présentation est sympathique, elle rappelle un peu les ouvrages d’antan qui ont imprimé ma jeunesse « julesvernisée ».
Une fois lue et appréciée l’introduction de Judith et la préface de Kersauson, le reste n’est que déception et frustration. Judith se borne à raconter quelques anecdotes sur ces îles, sans citer ses sources. Les cartes ne sont que de vagues esquisses, peu précises, qui ne rappellent en rien le mot « atlas » du titre du livre. Un atlas est supposé représenter un espace par l’intermédiaire de cartes, d’expliquer cet espace, le faire comprendre, l’analyser. Ici, les cartes dessinées à la main par Judith ne fournissent aucune explication, on ne comprend donc rien. C’est bien dommage.
Visiblement, l’auteure ne s’est jamais aventurée dans ces îles. Cela est compréhensible, elle n’a que trente ans et tout le monde n’a pas cette chance. Toutefois, elle ou son éditeur auraient dû le préciser quelque part dans la version française. Dans sa version anglaise, l’éditeur est plus sérieux ; il donne en sous-titre la description suivante : « toutes les îles où elle et vous n’iront probablement jamais ».
Sur l’île de Rapa, dans les îles Australes, l’atlas raconte l’histoire de Marc Liblin que j’avais évoquée dans ce blog, en donnant mes sources. Dans cet atlas, point de sources. L’éditeur Arthaud n’a visiblement pas effectué un travail sérieux de vérification.
L’idée était excellente, le résultat est en demi-teinte parce que le mot « atlas » du titre est tout simplement incorrect.
Atlas des îles abandonnées – Judith Schalansky chez Arthaud . ISBN : 978-2-0812-3820-6