Dans la sélection Littérature argentine :L’autobus d’Eugenia Almeida. Avec Eugenia Almeida, c’est un voyage au fond de l’Argentine profonde que nous effectuons pour jeter un oeil sur ces populations démunies quand elles étaient à la merci de l’une des diverses juntes militaires qui a sévit dans le pays. Ces populations laissées dans l’ignorance la plus totale alors que des exactions sont commises dans les environs immédiats de leur village. Un premier roman tout en finesse mais qui dénonce sans retenue le comportement des dictateurs.
Dans la région de Cordoba, dans un village paumé au fond de la campagne aride de l’Argentine profonde, l’autobus ne s’arrête plus depuis trois jours, la barrière du passage à niveau est bloquée en position fermée, des livres disparaissent des rayons de la bibliothèque, des cadavres anonymes sont retrouvés dans les prés et personne ne sait rien. Le secret devient pesant, tout le monde se méfie de tout le monde, la suspicion gagne les esprits, la méfiance s’installe, des bruits courent, mais est-ce de l’information, de la désinformation, de la manipulation, personne ne sait.
Une rumeur pourtant indique que l’armée recherche, dans le secteur, une jeune fille appartenant à la subversion mais son cadavre ne semble pas figurer parmi les deux qui sont retrouvés criblés de balles. Alors, qui a tué qui ? Pourquoi ? Comment ? Les spéculations vont bon train et chacun raconte l’histoire qui correspond le mieux à ses opinions, « Ici, ils ont bien fait de venir. Ils nettoient le village. Ils nous protègent. Ils nous permettent de continuer à vivre tranquillement. Et tu aurais vu leur allure ! » Rapporte Marta, mais d’autres croient voir la main de l’armée derrière ces événements et s’interrogent : qui sont réellement les victimes, un amant et sa maîtresse, des vrais subversifs, de simples quidams, … ? Nul ne dit rien, mais certains croient savoir… come la sœur de Ponce, l’avocat qui a échoué dans ce village perdu après un mariage de circonstance.
Etrangement, ce petit roman m’a fait penser au livre du Colombien Evelio Rosero, « L’armée », que j’ai lu récemment et qui évoque à peu près les mêmes problèmes, le pouvoir arbitraire, la mort distribuée sans considération des populations, les exactions de l’armée, la manipulation des masses, la désinformation, etc… Ces deux livres dénoncent sans détour la dictature militaire vue de la campagne, du côté des pauvres gens qui ne comprennent pas très bien ce qui se passe et qui sont à la merci de toutes les désinformations possibles.
Et, ces deux livres sont écrits dans un style assez proche, dépouillé, efficace, dans un texte fait de portraits de personnages très typés, d’images, de plans comme au cinéma, et de détails mis en exergue qui font progresser le récit à un rythme lent mais étouffant. Un style assez représentatif d’une certaine littérature latino-américaine qui évoque souvent les déboires des pauvres gens et les exactions des nantis, bref tout « ce que l’on ne doit pas nommer. »