Jacky Schwartzmann ne devait pas avoir plus d’un an quand j’ai emménagé dans le quartier où il est né et auquel il fait un petit clin d’œil dans son livre. J’ai donc certainement croisé ce garçon, sans le connaître, quand il faisait des courses dans le centre commercial qu’il cite, et qui n’était pas encore la zone qu’il est depuis devenu. Ce quartier n’était, à cette époque que le vase d’expansion de la ville en pleine croissance, il n’était pas encore ce quartier qu’on dit chaud ou sensible aujourd’hui.
L’histoire qu’il raconte aurait pu se dérouler dans ce quartier vite devenu « la zone » où on regroupe tous ceux que la vie n’a pas épargnés. Gamin, il n’a pas été très concerné par l’école, de toute façon c’était facile de gagner de la thune en vendant de l’herbe ou du shit, mais voilà, avec un peu d’imagination et un poil de fiction, on imagine facilement les dégâts collatéraux quand les pouvoirs publics légalisent les drogues douces et mettent ainsi au chômage tous les petits revendeurs. C’est la mort du petit commerce devant les centres commerciaux et les écoles.
Et, Denis et son épouse Brigitte font partie de la charrette, les voilà tributaires des diverses aides accordées aux plus démunis après avoir fait les sacrifices nécessaires auprès des organismes compétents. Ce n’est pas très gratifiant pour l’égo mais avec deux RMI et les allocations logements ont peut vivre décemment même en achetant de l’herbe à l’officine officielle. Mais, voilà Brigitte se dit malade, elle souffre, elle doit avoir un cancer de l’utérus et seuls les joints peuvent la soulager, mais il faut sans cesse augmenter les doses, pour finir dans le fameux cercle…
Et pendant ce temps Denis galère de petits en petits boulots pour gagner l’argent de l’herbe, du loyer et de la bière, jusqu’au jour où tout s’écroule.
Un premier roman que j’ai commencé avec circonspection car j’avais la nette impression que l’auteur allait me servir le fameux cocktail : aigreur, misérabilisme, c’est la faute des autres, etc… qu’on trouve un peu partout dans la presse et dans l’édition, mais la fin qui est fort attendue et très, très, prévue est suivie d’une sorte d’épilogue qui n’en porte pas le nom mais qui en fait office tout de même, qui élargit nettement le sujet et donne une autre dimension au livre. Sauvé, l’auteur peut tenter une nouvelle fois sa chance, je peux replonger dans une nouvelle œuvre à condition qu’il abandonne ce faux jargon de la cité qu’il semble avoir un peu oublié en le mélangeant avec un français asses moyen et qu’il écrive comme il le fait à la fin de ce livre dans une langue plus claire, plus précise et en élargissant la réflexion.
« La gauche aurait voulu que je garde mon RMI ; la droite voulait que j’aille bosser. Merci bien. Le taf, c’est pour les cochons. » Mais Jacky, lui a bien compris que le taf, c’était aussi une façon de s’en sortir et de se donner le moyen d’écrire pour témoigner, pour dénoncer, pour encourager, pour dire sa rage aussi. Denis, lui, avait compris trop tard certainement que « l’assistanat et le deal m(l)’avaient endormi. »