Rien ne me met plus en forme que la connerie. Rien ne me met plus en forme que l’intelligence. Esprit oxymoron toujours…Il y a des matins où je suis servie. Rien ne m’agace davantage que le consensus mou, genre « Thaïlande pays du sourire », « tout le monde il est beau tout le monde il est gentil ». Quand je croise au coin de FB, un commentaire citant Baudrillard. Je jubile. Je me dis que j’ai de la chance d’avoir des amis qui pensent, qui ont des points de vue. Quand je lis un article qui a du style, j’exulte. Car le style est la condition de la littérature. Le style… plus un vrai point de vue original. Car le style c’est l’agencement du réel. Le style c’est l’homme. Ou la femme. Comme la photo.
Un magazine m’a demandé d’écrire un article sur Chiang Mai ma ville…sur la base, pas forcément explicite, du j’aime, j’aime pas. En voici un extrait..
….La vie est ailleurs, dans les soïs, les bars, les restaurants de Nimmanhaemin. Cuisine fusion, (le chiquissime « Mix », à l’extrémité du soï 1), cuisine « organique », (le must : « An Chan restaurant », après le soï 6), bars à vins, boutiques froufroutantes pour jeunesse dorée qui s’en donne à cœur joie avec un enthousiasme renouvelé chaque nuit et jusqu’au petit matin. Pulsion. Pétarades. Bohême chic. Bangkokiens en quête d’une nouvelle résidence pour quand Bangkok sera définitivement inondée. Chinois, coréens traversant toute la ville, plan en main, pour découvrir « Mango tango », la boutique la plus en vogue du quartier. Tout y est à base de mangue. Amoureux, « addicts », curieux… y photographient tout, y compris eux-mêmes.
La ville ancienne s’éteint dès 7 heures du soir tandis que Nimmanhaemin allume ses lampions pour fête à la bière locale. Étourdissements de musique, de bruits, de cacophonies. La rue, lieu de rendez-vous d’une jeunesse qui oublie de sourire : la « modernité » a un prix. Seuls quelques « farangs » continuent de saluer de « waï » maladroits, les chauffeurs de tuk tuk et de songtheauws et s’obstinent à ânonner des « la korn » qui se transforment en « la konne » incompréhensibles, des « au revoir » que les thaïs ne disent jamais. (Ils se contentent de dire : « paï kawn » ou « paï laa ». « Je pars d’abord »).
J’aime voyager entre ces deux villes : l’ancienne, celle tournée vers le tourisme, et la nouvelle, celle tournée vers elle-même. « Celle où les jolies filles pauvres sourient aux « farangs », et celle où les jolies filles riches sourient à leur miroir » me glisse une amie thaïlandaise qui tient mon coffee shop favori, le « Smoothie Blue », lieu de rendez-vous de quelques intellos-écrivains-professeurs (Soï 6). J’aime l’animation sans fatigue de cette jeunesse qui se croit éternelle et elle a raison : la vie est trop courte pour l’envisager autrement que sans fin, entre officine de botox, « slim beauty shop » et musique techno. Eternelle et impérativement sans expression, sans ride, sans défaut, sans kilo superflu, sans marque du temps. Entre ribouldingue et défonce qui se terminent parfois en éclatements en morceaux sur le bord d’une route, à l’hôpital, ou pire…. »
Chiang Mai, comme un oxymore, cette figure de rhétorique, cette alliance de mots qui désigne des réalités contradictoires. Parce que, Chiang Mai, c’est un pur oxymoron. Faite de contradictions, d’ambiguïtés, d’oppositions, de contestations, d’oppositions, de distorsions, de malentendus, de contraires, de controverses. Tout sauf des « j’aime », « j’aime pas »..…
Alors à propos de ce texte de Mélanie Talcott sur Bangkok, j’aime son point de vue… Pas d’écrivain
sans point de vue. J’aime son point de vue féminin….
Très dur d’écrire sur la Thaïlande du point de vue féminin… A voir les réactions à certains de mes blogs, je fais ce constat souvent. C’est vrai que les farangs ont tous épousé des bonnes sœurs, des femmes admirables qui n’ont rien à faire de l’argent, et aiment les hommes très âgés à « quequette » molle (pour reprendre le texte de Mélanie). En général ils meurent plus vite après avoir acheté la maison. Et si vous saviez tout ce que je tais, pour ne pas me faire assassiner par certains commentaires masculins !! Une femme est toujours une confidente en Thaïlande, une sœur, une « phi » (avec le bon accent s’il vous plaït car je ne suis pas un fantôme !)
PS désolée, Mélanie n’a pas écrit quequette molle (dont je ne connais pas l’orthographe exacte), mais ceci :
« Glabres et mous, gros et gras, laids et boutonneux, la ride sans joie et le zizi tristounet, pathétiques nababs de passage supposés pleins aux as, Bangkok leur monnaie la fausse immaturité de ses fillettes et jeunes femmes, quand ce n’est pas l’ambiguïté efféminée de ses garçons. Dans ce lupanar touristique, les amants de l’éphémère jouissent de biens tristes tropiques ».
Michèle Jullian.
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