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La vie est courte… et « l’éternité n’est pas de trop »

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Lorsque j’ai commencé à écrire mon blog, il y a un peu plus de trois mois, je m’étais fait cette promesse – inconsciente, stupide ou insensée – d’essayer de développer une idée et de la transmettre chaque jour sur ce blog. Une note, non pas directement sur ma vie ou ma personne, genre « journal intime » tournant en rond autour de mon égo, ou « journal-introspection » sur mes états d’âme, le genre de romans français qui pullulent dans les librairies et portés sur un sujet unique : l’auteur lui-même… Non, en revanche, parler de moi sans parler de moi directement, tel était le challenge. Parler de moi, comme élément ou témoin d’un univers dans lequel j’ai choisi de vivre – momentanément –

MOI, Suoga

La rue m’intéresse, la musique, la politique, la fête, les couleurs, les cancans, les livres, les cris…me passionnent, lorsqu’ils sont le reflet des gens qui m’entourent. Ils touchent mon regard, sensibilisent mes émotions, me troublent ou m’étonnent, en tout cas, ne me laissent pas indifférente. Ma curiosité me porte évidemment sur ce qui est singulier, étonnant, mais pas forcément à l’opposé de moi. Vivre une vie autre que celle tracée, en principe, par la famille, l’éducation, le système, m’a toujours tenté et je l’ai fait. C’est à la portée de tous ceux qui en ont réellement envie.

Travailler à Singapour, en Australie ou à Tahiti, s’enliser sur l’ile de Pâques, tomber amoureuse d’un prince malais ou d’un mendiant javanais, suivre les guérisseurs philippins, étudier les médecines New-Age thaïlandaises, se baigner dans le Gange à Bénarès, traverser un pays en guerre sous les bombes au Laos. Vivre des vies ou vivre plusieurs vies, c’est aussi excitant que d’étudier et de parler plusieurs langues. Dire « je t’aime » en français, n’a rien à voir avec « cinta ke padamu » en balinais ou « shan rak thoe » en thaï, ou « wo ai ni » en chinois. C’est, comme la psychologie du décor. On ne dit pas je t’aime de la même façon selon qu’il pleut des cordes, qu’on vient de déguster un repas français avec vin sublime et éclairage aux chandelles, ou que l’on vient de manger un « Tom Yam khoung » épicé sur le bord d’un trottoir. Et à ce propos, il fait si chaud en ce moment à Chiang mai, que l’ai l’impression que le béton de mon immeuble va éclater…MOI, Inquietude

J’ai vécu longtemps avec un écrivain, éditorialiste et scénariste génial, et je ne comprenais pas alors cette boulimie, cette addiction, cette pulsion à écrire chaque jour – et nuit souvent – à inventer des personnages, à concocter des intrigues, à commenter l’actualité, je l’accusais de communiquer avec l’invisible : lecteurs ou spectateurs inconnus. Car il se fichait bien d’internet, facebook et compagnie… Aujourd’hui, je comprends mieux cette nécessité dérangeante d’écrire chaque jour, exercice qui risque d’occulter toute autre activité qui, d’un seul coup, peut, en comparaison  paraître mineure. Et voilà que je reproduis ce même schéma tant critiqué auparavant, au point que mon ami thaï aujourd’hui, trouve insupportable « que je travaille tout le temps ».

MOI lac Erhai

Comme la vie passe vite, trop vie, j’aimerais conseiller à ceux que les cultures asiatiques intéressent, le livre de François Cheng « L’éternité n’est pas de trop », avec cette pensée dominante : en occident on a tendance à considérer le monde comme un objet de conquête, à exalter la matière et glorifier l’individu ; Dans l’Orient Extrême – où tout se tient –  la conception de l’univers est unitaire et organique ».

MOI Yuanyang

Ecrire c’est se laisser surprendre….

Vais-je bénir l’horrible bactérie qui a secoué mes certitudes et mon côté « bravado » vis-à-vis de la maladie ?  Si elle s’est attaqué à mon organisme qui se croyait invincible, elle a, en contrepartie et de façon follement inattendue, « boosté » mon envie d’écrire.  

Je traversais une période difficile face à un roman qui se traînait avec angoisse de la page blanche –  moins par crainte de ne pas avoir d’idée que par horreur d’écrire du gna-gna : bons sentiments et guimauve à la clé. Quel plaisir aujourd’hui d’avoir du mal à brider mon imagination et surtout à retenir mes doigts qui courent sur le clavier à la même vitesse que mes idées.

Je traverse une période bénie d’écriture, non pas que je me prenne pour un écrivain, je les ai côtoyés suffisamment longtemps  et pour de vrai pour ne pas me prendre pour la moitié du quart d’un cachet d’aspirine… (Expression d’un intello-écrivain précisément et qui me revient d’un coup !!). Tout juste auteure ou conteuse. Je raconte des histoires à travers mes romans. Fictions ancrées dans la réalité d’un pays, en l’occurrence et pour le moment, la Thaïlande. Et plus précisément l’Isan pour ce troisième roman.

Ecrire ce n’est pas seulement raconter ou décrire ce que l’on connaît bien – ce qui serait d’un ennui mortel – c’est se mettre en danger en s’attaquant à des univers complètement différents de ceux qui nous sont les plus immédiatement familiers. La Thaïlande, l’Isan, je peux me permettre d’en parler, mais le milieu des astrophysiciens ! C’est comme vouloir grimper l’Annapurna. Quel challenge de plonger dans un univers passionnant en commençant par les écrits à portée de tous, ceux d’Hubert Reeves pour aller jusqu’à Trinh Xuan Thuan, vietnamien d’origine, Princetonien de formation, professeur d’astronomie à l’université de Virginie et surtout poète.

Quelle excitation de découvrir aussi les coulisses d’un studio d’enregistrement avec ses comédiens travaillant derrière une « bande rythmo » sur lequel défilent, non seulement les textes mais aussi les respirations, les soupirs, les halètements des personnages.

Se laisser surprendre par des personnages créés de toute pièces par vous-mêmes qui vous entraînent – non pas contre votre volonté, mais sans votre pleine conscience –  là où vous désiriez justement aller vous-même, mais en empruntant d’autres chemins.

Ecrire c’est se laisser surprendre encore par des personnages qui vous tirent par le bout des doigts et vous disent : « j’existe grâce à toi mais aussi en dehors de toi, alors laisse toi guider…». Rien de plus excitant que cette période où tout se met en place de façon magique. Comme s’il y avait une étoile au-dessus de votre clavier.

Parler du temps…. avec un astrophysicien et ses théories sur l’espace-temps.

Parler du temps avec la femme de l’astrophysicien, ancienne actrice obsédée par son image et qui tente désespérément de retenir le temps.

Parler du temps avec une jeune fille adoptée vers l’âge de quatre ans et qui cherche à retrouver le temps d’avant son adoption.

Parler du temps avec un jeune réalisateur, auteur de science-fiction qui écrit un scénario sur la désynchronisation corporelle et la distorsion du temps.

Et relier tout ça avec une seule et même histoire : celle d’une toute jeune fille, thaïe d’origine, partie à la recherche de sa mère biologique, qui, elle a laissé filer le temps et pourra difficilement le réparer.

Merci à mon étoile qui n’aurait peut-être pas brillé sans la bactérie !

Un vieux proverbe français  ne dit-il pas :  « à quelque chose malheur est bon » !

CANON PRINTER_9479

Lire, comprendre

Je suis née comme beaucoup, dans une époque où le savoir passait par la lecture donc l’écriture. Laquelle apporte stabilité au discours. Avant l’écriture, les connaissances étaient orales. Avant les moines et leurs enluminures, les passeurs de savoir étaient des conteurs. Ne dit-on pas en Afrique que lorsqu’un ancien meurt, c’est une bibliothèque qui disparaît (mais c’est peut-être déjà un vieux dicton). Il fallait donc retenir par cœur si on voulait se souvenir. D’où l’importance du rythme et des rimes et donc de la poésie. Les comédiens savent ça aujourd’hui. C’était donc l’ouïe qui était alors le « sens » privilégié. Primordial.

Puis c’est la vision qui fut privilégiée avec l’écriture. Mais pas seulement la vision linéaire à partir de symboles visuels mais la « vision alphabétique ». Lire n’est pas simple ni facile, ce n’est pas inné. Il faut faire des efforts pour comprendre. Donc l’écriture permet un savoir plus articulé et plus complexe que la langue parlée. « C’est à l’écriture que nous devons le passage des normes coutumières à la loi. Codifier une coutume signifie la mettre par écrit et ensuite lui donner force de loi » expliquait l’anthropologue Jack Goody. 

« Lorsqu’on lit, l’œil déchiffre des signes et leur attribue une valeur phonétique pour en extraire le sens qu’il contient » (Raffaele Simone, linguiste). Nous sommes passés de l’oralité (ouïe) à la vision alphabétique (vue) « Avec la vision simultanée (TV, vidéo, sons) « nous sommes passés d’une modalité de connaissance à une modalité où c’est la simultanéité qui prédomine. Une sorte de migration à l’envers. » L’exercice de la vision alphabétique est plus avancée plus prenante plus fatiguante que celle de l’oreille et de la vision non alphabétique qui est plus passive.

« Nous sommes en train d’assister à une démolition progressive du langage ruiné par l’image surtout par l’image télématique » (Georges Steiner)

La lecture fait appel à l’intelligence et c’est le lecteur qui détermine le rythme avec lequel il lit un texte. Il y a interaction mais c’est le lecteur qui décide de s’arrêter, de s’interroger, de rechercher, de comprendre, tandis qu’avec la vision passive, le spectateur est contraint de « suivre le rythme ».

Si on me demande et si je me demande pourquoi j’écris un blog plutôt que de mettre des phrases prémâchées sur FB, c’est précisément pour rester dans cet esprit de l’écriture. Avec des mots, du sens, de l’analyse et un développement (en tout cas j’essaie) c’est une nécessité qui correspond à mes connaissances acquises au travers du livre.. J’ai lu très tôt dans la bibliothèque de mon père, des auteurs qui écrivaient avec des pensées plus qu’avec des images, par opposition à ce qui est en train de se passer sur les réseaux sociaux : pensée lapidaire, tranchante, non élaborée donc assez souvent stupide, puisque traduisant en général une pensée binaire, des formules ou même carrément des slogans. Je parle en général bien sûr.

Je comprends mieux pourquoi j’aime les endroits comme Exki où j’écris chaque matin. Autour de moi des lecteurs de journaux, des étudiants, des profs enseignant le chinois ou l’américain, un japonais apprenant l’écriture siamoise, et mêlant calligraphie et alphabet thaï, un new zélandais lisant le Herald Tribune… Ambiance de savoir, de transmission, d’échanges, de partages. De toutes les nationalités.

Si le blog de ce jour a été influencé par la lecture de « Pris dans la toile » (Gallimard) de Raffaele Simone, c’est aussi après un long échange hier avec mon agente, Nathalie de »Paris-Septembre » qui se lance dans l’édition numérique « Sur les quais ». Le savoir est parfois une transmission invisible . La preuve :  le bureau dans lequel travaille Nathalie est celui dans lequel Marcel Jullian a œuvré pendant plus de trente ans, laissant derrière lui des richesses inconnues que Nathalie est en train de sortir des réserves : pièces de théâtre écrites par le jeune Jullian par exemple.

La connaissance, patrimoine fragile, exposé au risque de se perdre… Le jour de la grande panne électronique… que  restera-t-il à ceux qui font du copier-coller, à ceux qui ne savent plus compter et qui ne s’appuient que sur les machines ? Juste une question… 

Michèle Jullian

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