Le bleu est notamment la couleur de la douceur et des émois amoureux. C’est donc dans un sens très littéral qu’il faut considérer Blue Gate Crossing comme une innocente bluette, et sans qu’il soit nécessaire de lui associer alors un pressentiment péjoratif. Le film raconte les tourments sentimentaux d’un trio d’adolescents. Le schéma est connu, universel, et pourtant Blue Gate Crossing est un film attachant, joli et délicat, et pas inintéressant du tout.
Yuezhen, lycéenne de 17 ans, aime secrètement Zhang Shihao, un membre de l’équipe de natation de leur lycée. Sa meilleure amie, Kerou, accepte le rôle d’entremetteuse et confie le secret à l’intéressé. Shihao et Kerou se lient, le garçon tombe même amoureux d’elle…
La porte bleue évoquée par le titre est celle que les personnages devront traverser pour commencer de devenir adultes. Le trio a en commun un manque d’assurance, ils sont encore dans la découverte de soi, craintifs et en manque de repère. Autour d’un sujet très galvaudé, le film creuse diverses questions existentielles, dessine aussi le portrait d’une certaine jeunesse taïwanaise en quête d’émancipation. La famille est reléguée au second plan, le cinéaste focalisant essentiellement sur ses personnages adolescents sans leur opposer vraiment un référent adulte. Les aînés ont bien une place de modèle, quand même, mais n’exercent finalement aucune autorité, ou alors celle-ci n’a pas de prise sur le parcours des ados. Ils se cherchent, se posent de questions, se testent ou essayent. Plus enfants, ni encore tout à fait des adultes, les personnages traversent un moment qui a des allures décisives pour leur vies futures. Kerou porte en elle un secret relatif à son identité très personnelle, un secret qui sera formulé très timidement, qui est mis en doute tout au long du film par la jeune fille.
Blue Gate Crossing est tout entier symbolisé par les courses de vélos que les personnages improvisent. Sur sa bicyclette, Yuezhen chasse Shihao, puis les rôles s’inversent. Les êtres s’émeuvent mais jamais en même temps, il y a sans cesse un décalage, un écart à combler. Une douce partition de piano teinte le métrage d’une mélancolie certaine. Il ne s’agit là pas tout fait d’un spleen adolescent, mais plutôt de l’enterrement d’une relative innocence. Le passage à l’âge adulte ne se passera pas sans appréhension et la question est posée, qui fait toujours un peu peur lorsque l’on a dix-sept ans. Que serons-nous plus tard ? A qui ressemblerons-nous ? Et surtout, que restera t’il de nos illusions de jeunesses ?
Benoît Thevenin
Avec Guey Lun-Mei, Chen Bo-Lin, Lianf Shu-Hui, …
Année de production : 2002