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Capitale des extrêmes.

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Je ne sais  pas pourquoi en commençant cette chronique je fredonne la chanson de Murray Head « One night in Bangkok » avec son tempo si particulier, saccadé, dynamique, pop… un peu comme ces dernières heures dans la capitale des extrêmes.

Le magasin « Central » de Chitlom (« proche du vent »), à 500 mètres de mon hôtel, est un « must » pour achats de cadeaux de dernière minute pour mes petites filles. Là, j’ai l’impression de rentrer dans un étrange zoo. Si vous êtes complexées par votre poids, votre silhouette, vos rides, si vous vous sentez pauvres dans le sens économique du terme, parce que ne pouvant succomber à la tentation d’une robe Vivienne Tam, d’un sac Gucci, d’une paire de chaussures John Shoo, d’une crème Kiehls, vous vous sentirez effectivement plus vieilles, plus grosses, plus ridées, plus pauvres après deux heures dans ce magasin à côté duquel « Le Bon Marché de Paris » fait pâle figure…tant les filles, les femmes que vous croisez ici sont la représentation absolue de l’extrême : peau farineusement blanche, pommettes découpées par les meilleurs dermato-sculpteurs de la planète, bouches pulpeuses à rendre dingues les expats qui viennent de débarquer, silhouettes de Barbie asiatique, Arielle Dombasle miniaturisée… elles ont toutes l’air de sortir de magazines de mode thaï et lorsqu’elles parlent (ces poupées ne font pas de shopping seule), leur phrasé, leurs exclamations sont copiées-collées avec celles de leurs sœurs, les actrices de soap-opéra de la télé, avec des aigus qui frôlent la torture mentale. Une amie débarquée récemment en Thaïlande me disait : « je veux voir la vraie Thaïlande », eh bien elle est là, AUSSI.

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Personnellement je ne sors pas complexée de ces visites à  « Central » puisque je m’en amuse, me repais de ce folklore et inconsciemment y fait du repérage de personnages pour  prochain roman !

Il y a pourtant un moment où je me suis sentie triomphalement libre, c’est lorsque j’y ai croisé des femmes planquées derrière leur « burqa » et leur masque de cuir à la Belphégor. Elles n’achètent pas pour la frime, elles !

Au moment de passer à la caisse, une « khun Ying » du dernier chic, surprise de m’entendre m’exprimer en thaï, se présente. Nous bavardons, échangeons nos cartes de visite, la mienne fantaisiste, la sienne ultra sérieuse avec le titre de Présidente du Lion ‘club de Bangkok. « Si vous avez le moindre problème en Thaïlande » me dit-elle, « n’hésitez pas à m’appeler, ». Apres quelques minutes d’échange sous l’œil assez ébahi du personnel, elle ne me fait pas le « waï » traditionnel mais me sert longuement la main et m’embrasse.

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Le soir, direction l’hotel Le Bua et son open bar au 64e étage avec vue sur la Chao Phraya violette, et la ville tentaculaire hésitant entre ombres et lumières, et les rayons rouges et ors du soleil couchant. Apres 40 minutes d’embouteillage avec un chauffeur Isan de Maha Sarakham, je réalise pour la première fois que la rue Silom dans laquelle nous sommes bloqués, veut dire « si » couleur, « lom » le vent : « la couleur du vent ». Le temps d’une bière et d’un mai tai au « sky bar » (je recommande), nous dégringolons au niveau de la rue…

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Un homme est assis par terre.…un corps humain sans visage fait la manche sur le trottoir. Mon « chéri » met quelques pièces dans le bol et s’éloigne rapidement, je reviens sur mes pas et m’accroupis à côté de l’homme. Son visage est sans forme, comme ceux de certaines femmes indiennes  qui ont eu leur visage passé à l’acide par des belles-mères folles. Une orbite est vide, pas de nez, un amas de chair violette à la place de la bouche. Je le regarde et lui parle en face, sans ciller. Un visage qui fait fuir, la laideur fait peur en Thaïlande. Je lui demande d’où il vient, ce qui lui est arrivé ? « Je viens du sud (phak tai) » me répond-t-il. « Une bombe ». Tout est dit. (J’évoquais le sud dans ma note d’hier). Il me complimente sur mon thaï, s’intéresse à moi comme je m’intéresse à lui, pourquoi je parle thaï, depuis combien de temps je suis ici. Deux êtres normaux qui échangent quelques mots. Et puis, alors que je vais m’éloigner, il me souhaite « bon Noel » (y’a des sapins illuminés partout)

Je m’effondre quelques mètres plus loin, secouée de sanglots inutiles, rageurs et indécents. Mon chéri est gêné. « C’est son karma » me dit-il. C’est bien toute la différence entre lui et moi, entre l’Asie et l’Europe, nous voulons changer le monde, ils l’acceptent tel qu’il est.

De « Central » le plus ostensiblement riche, au « Sky Bar » le plus prétentieusement haut perché, aux trottoirs de Bangkok et au plus violemment et injustement défiguré….bangkok des extrêmes.

Une femme du monde m’a serrée dans ses bras et je n’ai pas pensé, moi, à serrer dans les miens l’homme de la rue qui m’a souhaité de belles fêtes de Noel.

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Michèle Jullian

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