Un roman de Karim Madani aux éditions Philippe Rey, ambitieux et qui dépasse le polar. Paris et la banlieue sud. 1991. La trajectoire hallucinée de Samy, ex-voyou devenu chauffeur pour les frères Berkowitz, deux étoiles vieillissantes du milieu, sérieusement concurrencés par un jeune caïd avide de pouvoir et par le clan des Arméniens…
Dans cette galaxie de gangsters qui entrent régulièrement en collision, Max Prado, flic corrompu asphyxié par des dettes de jeu, entame quant à lui sa descente aux Enfers, entraînant ses coéquipiers dans son sillage. Le tout sous l’œil féroce de Froissart, le patron de l’IGS, la police des polices.
Flic pourri, petit dealer, grossiste en cannabis, maquereau pathétique, jeune tapineuse, député amateur de parties fines sado-maso, truand sociopathe… tous se côtoient dans un déluge de jazz, de grosses bagnoles, de corruption, de came, de luxure et, bien sûr, de flingues. Le style vif, rythmé et inventif de Karim Madani porte ces figures à travers leurs virées nocturnes dans les bas-fonds de Paris, tandis que Samy et son jeune frère Ismaël, en périphérie de cette ronde infernale, cherchent la voie de leur propre rédemption.
Un bouquin vraiment étonnant et très noir. Ici les flics sont des ripoux, les politiques corrompus, les truands minables, bêtes et très méchants. Les décors sont glauques à souhaits : bas-fonds de Paris intra-muros ou banlieues minables, bars interlopes, appartements repoussants de saleté… les protagonistes sont tous à la fois coupables et victimes, tous sont épuisés par la vie et aucune lueur d’espoir ne traverse ce bouquin. Seul Sammy, chauffeur mélomane au service de deux truands, qui semble détaché de ce monde d’une noirceur totale, apporte une petite touche d’humanité ainsi que son petit frère et son histoire d’amour sans issu
Ce livre très ambitieux qui dépasse largement le polar classique pour offrir une étude de mœurs très fouillée, baigne dans une atmosphère étouffante, presque cauchemardesque sans pourtant verser dans la violence gratuite ou le gore. C’est dur, très dur mais sans scène vraiment insupportable. Un livre extrêmement dru, fouillé et absolument passionnant malgré certaines longueurs : la description minutieuse de toutes les armes par exemple ou les longues digressions musicales mais qui, en fin de compte, participent au climat de ce récit assez éprouvant et ménagent quelques poses bienvenues.
En tout cas, je ne peux que vous conseiller ce gros pavé d’un pessimisme rare mais à l’écriture à la fois vive et minutieuse. Ce livre a été lu à l’occasion d’une opération « Masse critique » de Babelio.
Éditions Philippe Rey
- Le Montespan de Jean Teulé : un mari trompé au temps du Roi-Soleil - Juil 5, 2014
- L’Ombre du vent de Carlos Ruiz Zafón - Juil 5, 2014
- Dix Femmes de l’industriel Rauno Rämekorpi d’Arto Paasilinna (Littérature finlandaise) - Juil 5, 2014