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Sur les chemins noirs ; Sylvain Tesson, marcheur philosophe à la recherche du Salut

Sylvain Tesson sur les chemins noirs

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Sylvain Tesson est parti sur les chemins noirs de France après une série d’épreuves très pénibles. A l’occasion de cette traversée de la France des campagnes silencieuses voire parfois cachées ou oubliées, Sylvain Tesson livre ses réflexions d’écrivain marcheur…

Sylvain Tesson sur les chemins noirsSombre année 2014 pour la randonneur et écrivain Sylvain Tesson qui perd sa mère en mai et tombe d’un mur à Chamonix en août, chute de huit mètres qui lui brise les côtes, les vertèbres et le crâne et dont il sort quelques mois plus tard avec une paralysie faciale, la colonne cloutée de vis et des douleurs intenses dans le dos. Les médecins lui recommandent de se « rééduquer ».

Pour le marcheur inlassable, qui a parcouru une partie de la planète, cela signifie ni plus, ni moins : ficher le camp et reprendre la route ou plutôt les chemins noirs dans une campagne de silence, de sorbiers et de chouettes effraies. Lui qui connaît Samarkand, les forêts de Sibérie, l’Himalaya, les steppes russes et a pu mesurer l’immensité du monde, ce voyage de rééducation physique et morale se fera en France pour la simple raison que sur son lit de douleur, il s’était promis : « Si je m’en sors, je traverse la France à pied par les routes buissonnières, les chemins cachés, bordés de haies » – là où il existe encore une France secrète, ombreuse et protégée du vacarme des grandes agglomérations. 

Sur les chemins noirs : la chute comme point de départ au voyage

Son départ se fera au col de Tende vers le Mercantour, puis il traversera le Verdon, le Comtat-Venaissin, l’Aubrac, le Cantal, le Limousin, la Creuse, l’Indre, la Champagne mancelle, la Mayenne pour gagner le Cotentin et achever son périple dans les genêts et les cardères du cap de la Hague dans « une aube fouettée de mouettes« . Voici donc un voyage, né d’une chute, qui a permis à Sylvain Tesson de solder ses comptes et d’oublier ses infortunes. Une France traversée pour y trouver remède et oubli et dont le circuit lui réapprend à goûter les odeurs, les aubes, le ruissellement des bois, les hautes prairies et lui enseigne qu’un jardin est en mesure de fonder un système de pensée et qu’un insecte est une clef digne de la plus noble joaillerie pour ouvrir les mystères du vivant.

Durant ce parcours, il dormira souvent au pied d’un arbre, dans une combe moussue à la belle étoile ou dans un petit hôtel de village peuplé de vendangeurs. « Ainsi d’une connaissance parcellaire accède-t-on à l’universel » – souligne l’écrivain-randonneur. « Je sommais les chemins noirs de me distiller encore un peu de leur ambroisie« . Grâce à eux, le marcheur retrouve non seulement le souffle mais l’inspiration, « la substance des choses, la musique du silence, l’odeur du tanin, le charme de la vie rurale, la musique des objets, la promesse des soirées piquées de lampions« . « Ce dont j’étais le témoin » – écrit-il – « dans l’odeur doucereuse des filets aurifères, c’était la cousinage entre les princes de la vie et les paysans de la terre, cette fraternité d’enluminure pas encore fracturée par la lutte sociale. Un rêve romantique en somme« .

Une marche solitaire à travers la France : la meilleure médecine du corps et de l’âme

Sylvain Tesson n’a pas prié Dieu de l’aider – il est agnostique – mais il l’a demandé aux sentes qui se perdent afin de nous permettre de nous retrouver : « Il était difficile de faire de soi-même un monastère mais une fois soulevée la trappe de la crypte intérieure, le séjour était fort vivable. » Il y a, certes, des milliers de manières de fuir le monde : « Port-Royal était la façon la plus noble ; le monastère cistercien, la plus aisée ; le cabinet d’étude, la plus modeste ; l’atelier d’artiste, la plus civilisée ; le refuge de montagne, la plus hédoniste ; la grotte d’ermite, la plus doloriste ; la bergerie dans les alpages, la plus romantique ; la cabane dans les bois, la plus juvénile ; le fortin colonial, la plus classe ».

Selon l’écrivain, toute longue marche a ses airs de salut. On se met en route, on avance en cherchant des perspectives dans les ronces ou, mieux encore…en soi. « On trouve un abri pour la nuit, on se rembourse en rêves des tristesses du jour ». On élit domicile dans la forêt, on s’endort bercé par les chevêches ou le bruissement des feuillées, » on repart le matin électrisé par la folie des hautes herbes, on croise des chevaux. On rencontre des paysans muets »

Avec ce livre, Sylvain Tesson, marcheur philosophe, nous donne la meilleure médecine pour nombre de nos maux et nous met en garde contre le danger le plus inquiétant qui soit : la modernisation effrénée qui met en péril nos paysages et nos âmes.  
 

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Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE

Armelle Barguillet Hauteloire
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