Palme d’or à Cannes et branche d’olivier à Bangkok ?
….Même à huit mille kilomètres de distance, les évènements qui font l’actualité aujourd’hui – politique ou culturelle – continuent de me relier, d’une façon ou d’une autre, à la Thaïlande. Si je me suis d’abord réjouie de voir un film thaïlandais récompensé à Cannes par la palme d’or, la déception est très vite arrivée. J’avais déjà vu un des films de Apichatpong Weerasethakul (S’il vous plaît, les journalistes, prononcez koun à la fin de Weerasethakul et non pas kul…et ne cherchez pas à comprendre.
Si vous vous appelez Dubois, on ne prononce pas Duboisse, et Bush se prononce bouche et non buche… Quoique…) « Sat Pralat » (« Maladie étrange », traduit bizarrement par « Maladie Tropicale »), un de ses films précédents était d’un ennui mortel et la Thaïlande ne l’avait pas programmé sur ses écrans, car on y voyait un moine jouer de la guitare… (Sacrilège). Cet « Oncle Boonmee » ne sortira pas davantage sur les écrans thaïlandais (ou alors pour quelques « happy few » étrangers à Bangkok), parce qu’il n’y a pas de public pour ce genre de film. Pas de chronologie dans l’action. Récit qui tourne au conte, ou à l’allégorie. Le style d’Apichatpong est plutôt contemplatif et il a le goût du mystère et de la lenteur. Certains critiques ont qualifié ce film de « moderne et archaïque ». D’autres de : « palme d’or la plus folle et la plus métaphysique de toute l’histoire du festival de Cannes », d’autres encore de « film abscons, hallucinatoire, ennuyeux et surtout incompréhensible ». Je le visionnerai lorsqu’il passera dans l’une des deux ou trois salles branchées de la capitale. Récompense cannoise probablement politique, en partie du moins, j’imagine. Ce metteur en scène, d’origine chinoise, né à Khon Khaen au cœur de la région Isan, de parents médecin, a obtenu un Master en architecture à l’Université de Khon Khaen et un Master en Beaux-arts de « l’Art Institute » de Chicago. Rien à voir avec les misérables « rouges » de sa province. Déçue donc, parce que pas un mot de compassion sur les problèmes de son pays. Mais : « Ce prix est un grand moment pour l’Histoire de la Thaïlande » !!! Et : « Il va contribuer à calmer les esprits » ! Qu’il ait dit ces mots ou que les journalistes les aient dits à sa place, qu’importe ! J’ai beau chercher, je ne vois pas en quoi l’histoire de la Thaïlande risque de voir son cours changé par ce film, et en quoi il va contribuer à calmer les esprits. Et je me dispenserai ici de tout commentaire sur l’art et la liberté etc…
Donc une palme d’or a Cannes et un rameau d’olivier en Thaïlande.
Rameau d’olivier en signe de paix ? de Réconciliation (Nom jai) .A quel prix ? Question déjà posée précédemment et qui n’a pas fini de revenir sur le terrain.
Pourquoi tant de Thaïs regardent-ils maintenant les informations en provenance de l’étranger via le net ? Voici quelques éléments de reponses glanés sur les medias….
– Le gouvernement a pris le contrôle de toutes les informations et photos montrant les civils « morts », et bloquent des milliers de sites, ce qui conduit un des journalistes du « Thaï Rath » (« Colère thaïe »), un des journaux les plus populaires de Thaïlande, à écrire : « peu de rapports fiables apparaissent dans la presse thaïe ».
– Le gouvernement thai a prévu d’établir un « media indépendant » !!! Ces changements seront mis en place afin d’empêcher l’utilisation d’autres medias qui , par leur contenu, risqueraient de créer des divisions sociales dans le pays (Bangkok Post)
– « The Globe »…. Le reporter britannique Andrew Buncombe, blessé à la jambe par le tir d’un militaire à l’intérieur du temple Wat Pathum où il se trouvait réfugié avec de nombreuses « chemises rouges », femmes et enfants…. « A reçu une visite à l’hôpital où il était soigné, et a été interrogé sur « qui » il pensait avait pu tirer sur lui. Il était assisté d’un traducteur du « Globe », également pris dans les tirs croisés à l’intérieur du temple. On l’a invité à venir discuter de l’incident à la télévision, pour finalement voir cette invitation annulée. Il refusait de limiter la discussion au rôle de « sauvetage de l’armée à l’intérieur du temple ».
En zappant sur les chaînes thaïes, (dixit mes amis), on tombe sur des jeux et des « soap opéras » dont le contenu et la forme sont autant des menaces de divorces d’avec mon ami lorsque je le retrouve vautré devant ces inepties abyssales, dont le niveau sonore pourrait rendre fou tout occidental normalement constitué. ! ….
Allez, le pays n’est pas encore prêt à recevoir « Oncle Boonmee et celui qui se souvient de ses vies antérieures ». Sujet pourtant passionnant pour la Thaïlande, toujours hantée par ses fantômes (phii) en temps ordinaire….
Et qui n’a pas fini de l’être dans les temps qui viennent.
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