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Clarence raconte l’aventure des deuzelles dans le désert marocain

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clarenceJe m’appelle Clarence. Pour celles et ceux qui s’en souviennent, j’ai fait les beaux jours d’une série guimauve et gentillette. J’ai toujours eu cette coquetterie dans l’œil qui faisait tout mon charme. D’accord, je suis six pieds sous terre et mes os finissent de se dissoudre… Poussière, poussière…

 

Il ne reste de moi que quelques statues qui observent le temps passant avec un flegme de caillou.

Mais mon âme s’est réincarnée dans un véhicule conduit par deux donzelles, une brune, une blonde. Au début, ces deuzelles étaient d’étranges étrangères dans un Maroc enchanté, à déguster comme une glace, du bout des yeux. A force de venir errer, traîner leurs pénates en ces lieux, Penny, la brune, et Nic, la blonde, s’entendent souvent dire qu’elles sont marocaines. Alors, il devient difficile, pour Penny, de narrer ses voyages avec le mot candide et la phrase naïve. Désormais, elle se sent un peu chez elle.

Comme elle devient dure de la plume, j’ai décidé de prendre la suite. J’ai déjà bien bourlingué avec mes deuzelles. Et je me sens l’âme d’un poète-poète.

Je suis un Land Rover, defender, 110. Un gros, un vrai, un qui a de la bouteille et du désert, du goudron et du sable. J’attends mon heure de gloire, mon rallye. En attendant, je m’entraîne, j’apprends, j’emmagasine, j’accumule. De tout, des joies comme des tiraillements, des réussites comme des bêtises.

J’ai quelques photos de moi… en mai, à Cap de l’Eau, dans l’Oriental.

clarence-mai

En ce moment, dans le Sahara, du côté de Merzouga.

 

Et ce que je préfère, c’est écouter mes deuzelles, tout en grignotant les kilomètres, mes petits yeux ronds fixant attentivement le chemin.

 

Aujourd’hui, j’étais tellement concentré pour me sortir d’une dunette dans laquelle je m’étais tanké, que, une fois chaussé les plaques de désensablage, j’ai rugi de toute la hargne de mon puissant moteur, embrayé sur une marche arrière d’anthologie… et je n’ai pas vu le palmier sauvage qui traversait la piste juste derrière moi… Total, je me suis enfoncé méchant tout le côté gauche. Je claudique. Et je suis chez le gentil docteur des Land Rover. Pour deux jours.

Les deuzelles resteront encore à Merzouga. Et la blonde, qui a bien du mal à n’avoir que ses pieds à conduire, s’est illico presto procuré un quad.

Ça va donner !

Et ça a donné !

 

Déjà, en mai, ma deuzelle blonde avait chargé la Môman, un matin, pour une ballade en pyjama dans les collines. Déjà, un soir, toute la petite troupe était partie faire cuire un barbecue après une bonne heure de cahots sur les cailloux. La deuzelle brune en avait eu les reins moulus.

 

La deuzelle blonde a même réussi à convaincre la brune d’aller tester l’engin au bord de l’Atlantique, à Essaouira.

 

Mais c’est pendant que je me faisais rectifier l’ossature, chez le gentil chirurgien des carrosseries enfoncées, que la deuzelle m’a été infidèle. D’ailleurs, j’ai des preuves.

Pour être honnête, ces quelques jours de repos, dans le désert afin de me redresser le châssis, et chez le chirurgien esthétique, à Berkane, pour me faire lifter, m’ont été bien nécessaires. Parce que ce fût un long périple : 10.000 kilomètres environ. J’en ai les roues toutes courbaturées.

Clarence raconte : le périple

Ce fut un long voyage. J’ai fait le tour du Maroc du nord. Bien-sûr, j’ai remis mes roues dans les roues d’autres de mes semblables. Je suis retourné à Tafoghalt. J’ai été zoner du côté de Saidia, la perle bleue. Bien sûr !

J’ai trimballé mes deuzelles et le gentil Chris qui les avait rejointes avec enthousiasme et bonheur. Je suis un petit soldat, toujours d’attaque et j’ai le cœur vaillant.

Cette année, je me suis attardé au long de l’Atlantique, découvrant, en même temps que mes deuzelles, ces ports mythiques, ces villes nichées dans une baie, une crique, ou encore épanouies sur une plage.

La brune, qui jamais ne désarme, l’appareil photo greffé à un œil, l’autre étant occupé par le caméscope, aura bien du travail pour trier les gigas ramenés.

N’empêche, entre la Méditerranée et l’Atlantique, je n’ai même pas eu le temps d’aller me rafraîchir les bas de caisse. Si c’est pas un comble !

Clarence raconte : des vagues et des vagues


C’est un pays bordé de vagues comme un fin mouchoir est bordé de dentelle. Un pays qui se réveille dans la brume et les embruns. Même si, au loin, l’Atlas, géant rocheux, contemple l’horizon.

 

Des vagues et des vagues…

Celles de la Méditerranée, en mai, où les deuzelles et la Môman ont trempé les petons. La brune a rêvé au rythme lent de l’écume qui s’écrase sur le sable. Elle a médité un peu, sur l’illusion, sur l’inanité des vanités humaines, sur le temps qui passe et qui rattrape, qui attrape. En contemplant sa jolie maman. De souvenir en souvenir.

Et je la regardais regarder l’infinie ligne azurée où l’Europe, juste en face, s’agite, de crise en consommation.

Et puis, cet été, le rythme bien plus calme de l’Atlantique a bercé mon errance. Du moins la première semaine. La fraîcheur accueillante d’Essaouira, juste avant de me blesser dans le désert, restera l’un de mes meilleurs moments. Les deuzelles ont aimé cette ville, petite, tranquille. Ici, un intermède bucolique le long d’une frange blanche, offre un soleil qui plonge et qui barbouille d’orangé le bleu profond de l’océan.

 

Atlantique… de Tanger jusqu’à l’ancienne Mogador, en passant par Meknès l’Impériale et Casa la Blanche.

Quand ma Brune se pose dans le sable, elle pourrait rester là durant des heures à se laisser bercer par le souffle de la houle qui s’écrase. Et lui reviennent toutes ces chansons qu’elle écoute. Alors elle règle son petit caméscope et bombarde le paysage du clic de la boîte à images.

Juste pour fabriquer de minuscules rêves musicaux.

Clarence raconte : le retour de la Chiure


J’ai ramené mes deuzelles à Tafoghalt, au château de la Chiure. Elle a poussé, la bestiole. Elle ressemble à tous les chiens du coin. A se demander qui est son géniteur. Elle a drôlement changé quand même. Elle a perdu son côté « boule de poil ». On dirait une saucisse montée sur quatre grosses carottes, avec une petite tête en forme d’aubergine. Mais, même si elle ressemble à un puzzle fabriqué de plusieurs anatomies, elle a gardé son côté mi-trouillard mi-séductrice. Elle sait à merveille présenter le ventre quand elle veut des câlins. Elle sait folâtrer et tenter d’apprivoiser des chatons sauvages. Elle sait couiner quand elle a fait une bêtise, par anticipation, et aussi pour attendrir un regard humain réprobateur.

 

Le nom de chiure lui va encore mieux maintenant qu’elle a pris de l’âge. Elle cavale, elle se promène, elle explore, elle joue, elle découvre. Elle est vivante et elle a l’air d’aimer ça. Elle passe son temps à tenter de squatter des endroits confortables, en douce. Et quand on la prend à s’être vautrer sur un lit, son bon regard de chien qui ne veut pas être battu, désarme l’éducateur.

 

Bref, la bestiole a environ six mois, et elle promet. Les deuzelles en sont toujours aussi gaga. Elles se sont promis de revenir la voir.

 

Clarence raconte : un bivouac sous les étoiles au Maroc

 

C’est un bivouac hors du temps, dans un village hors du présent. Ici, au bout de la route, je suis arrivé au bout du monde. Là où le goudron n’existe plus et que la piste reprend son empire. Là où les respirations sont de sable et de ciel.

 

Deux nuits pour reposer, là, sous les étoiles, ma carcasse qui a déjà roulé. De l’Atlantique au Désert. Mes deuzelles, cette première nuit, dormiront le nez sous la lune, protégées par le carré des tentes en terre.

 

Quand le soleil plonge derrière les dunes, qu’il ne reste plus qu’un halo de lumière, alors de toutes petites vies se mettent à grouiller. Insectes et rongeurs. Et des poignées d’un sable orangé volent dans le vent qui se lève.

 

La Brune, cette nuit là, a longtemps rêvé avant qu’un sommeil apaisé ne la surprenne. Soirée magique où les goûts du tagine se sont acoquinés du chant de Salah et de ses potes. Quand, juste couverte d’un drap presque trop lourd, elle a enfin laissé son imaginaire parcourir la Voie Lactée, cette galaxie où la terre est grain de poussière, de drôles de mots, des bribes de poésies l’ont envahie.

-« Au désert j’irai user les cailloux des amours anciennes, de ces tristesses imprimées dans ma chair. Monde serein qui chauffe au rouge le jour et qui s’enivre de silence dans la nuit. J’effacerai le sourire d’un chanteur ou le rire d’un rodeur, d’un voleur de cœur. Pour qu’un matin je me sente vivante et qu’enfin j’ouvre mon univers à quelque baladin tranquille. Je ne suis pas Marie d’Egypte. »-

L’histoire ne dit pas si ma brune a trouvé l’apaisement au-delà de cette nuit magique. Mais je le saurai.

 

Et j’ai remis mes roues sur la piste, pour aller me perdre au pied de l’Erg Chegaga. Sans Salah, je n’aurais jamais trouvé ces petites cahutes, toutes de laine tissées, qui se cachaient entre deux rondeurs du Sahara.

 

Longue est la minute dans le désert.

Visiter le site de « Bivouac sous les étoiles » qui a organisé notre étape.

 

Majorelle

J’ai fini par atterrir à Marrakech, même si je n’ai pas encore raconté la route. Ville grouillante. Une place Jama El F’na, si célèbre et bien décevante. Des échoppes, quelques animations, beaucoup de femmes proposant des tatouages au henné.

Marrakech n’est pas ma ville préférée, et je crois que mes deuzelles n’ont pas particulièrement apprécié cet endroit là. Mais j’en parlerai une autre fois.

Non, ce qui me revient, ce qui fut sans doute le meilleur moment de cette étape, c’est la villa Majorelle, petit morceau de poésie au milieu de l’urbain.

 

Majorelle la belle, l’intemporelle, de bleu et de ciel. Un instant apaisé au cœur d’une ville agitée. Au plus torride, alors que l’été grille, une cathédrale de verdure ombrage des allées patinées. Patinées, par le temps, par les pas à peines posés des visiteurs. Ici, on retient son souffle, pour laisser la brise froisser les feuillages, pour ne pas troubler la quiétude du lieu.

 

Même la carpe Koï, blanche, blanche dans une eau sombre, lambine quand elle cherche sa pitance. Elle s’ébat blanche au milieu des poissons rouges.

Et la brune s’est recueillie, quelques secondes, là où un panneau « Silence » laisse la mémoire de celui qui, longtemps, veilla à ce que la magie du jardin ne se fane pas.

Pénélope Timiste

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