Craig Russell nous emmène à Hambourg pour essayer d’élucider, avec le commissaire Fabel, une énigme qui met en scène un tueur en série revisitant les contes des Frères Grimm pour donner un sens à ses meurtres. Intéressant pèlerinage sur les bords de l’Elbe mais aussi voyage au coeur des contes et légendes qui ont constitué un des éléments fondateurs du sentiment national allemand.
Sur la plage du Bankenese, à Hambourg, la police ramasse le cadavre d’une jeune fille assassinée étrangement installé, un peu comme la Petite Sirène de Copenhague. Pendant ce temps, dans un hôpital de la ville, un géant visite sa mère qu’une attaque a laissée paralysée et muette, et lui promet les pires traitements quand elle sortira.
L’assassin donne le nom de sa victime sur un petit papier jaune glissé dans la main de celle-ci mais bien vite la police comprend que c’est une fausse identité et que la fille désignée par le tueur pourrait, elle aussi, avoir été tuée. Deux nouvelles victimes sont alors découvertes, deux amants que le petit papier jaune désigne comme étant Hansel et Gretel. Le commissaire Fabel qui a entendu, à la radio, la promotion d’un livre sur la récolte des contes et légendes d’Allemagne du nord par les frères Grimm est intrigué par cette piste qu’il décide de suivre. L’assassinat d’un ex-mannequin présenté, cette fois, comme La Belle au Bois dormant semble indiquer qu’il y a bien une relation entre ces meurtres en série et l’œuvre des frères Grimm ou du moins celle de cet écrivain qui montre les frères conteurs sous un angle beaucoup moins valorisant que la tradition littéraire, l’un des deux frères étant même présenté comme un meurtrier en série.
D’autres meurtres encore et toujours ce petit papier jaune et toujours ces indices reliant les assassinats aux contes des Grimm et toujours cette incompréhension sur la personnalité et les motivations de l’assassin qui semblent sourdre de ces contes qui constituent l’un des éléments fondateurs du sentiment national allemand. « Notre langue, notre culture, nos réussites et nos échecs, notre beauté et notre vilenie : la Route des contes rassemble toutes ces choses » qui pourraient, effectivement, inspirer le meurtrier.
Même si l’intrigue est longue à se mettre route, même si la police néglige parfois son enquête et même si Russell s’égare un peu dans des digressions pas forcément utiles, ce roman, bien construit, qui enlace la légende et l’histoire dans une fort plausible étreinte, nous plonge non seulement aux origines du peuple allemand mais, aussi, au cœur de toutes les angoisses, de toutes les terreurs et de tous les fantasmes qui hantent l’humanité depuis la nuit des temps. Et au passage, il nous livre un intéressant regard sur les relations mère-fils et une allusion sur le double dans la fiction et dans la vie : la fille assassinée et celle qu’elle remplace, Paul et Henk son remplaçant, Weiss et Olsen, deux géants, mais aussi les frères Grimm. Beaucoup de binômes dans ce roman comme dans l’équipe du commissaire Fabel, un commissaire comme tous les autres, en rupture avec sa légitime mais, pour une fois, sobre comme un chameau ce qui est bien rare dans les polars actuels.