Le crime de lèse-majesté fait la « une » des journaux, pas seulement en Thaïlande, mais également dans la presse étrangère. Un sujet qui n’a jamais été débattu depuis son origine en 1900 rappelle Veera Prateepchaikul dans le « Bangkok Post ». A cette époque, règne de la Monarchie absolue – la peine maximale n’excédait pas trois ans, chiffre qui passa ensuite à sept années sous le règne de Rama V (nous sommes actuellement sous le règne de Rama IX). Après la promulgation du code criminel en 1956, et l’introduction de l’article 112, la sanction resta la même : 7 ans d’emprisonnement. Toutefois, après les révoltes estudiantines et le coup d’état de 1976 (lire THEATRE D’OMBRES *, roman qui se déroule – entre autre – dans le contexte historique de cette époque), la peine passa de 7 à 15 ans, afin de protéger la monarchie du communisme. Enfin en 2006, après l’éviction de Thaksin (accusé de vouloir instaurer une république en Thaïlande), la peine fut ramenée à 3 ans…. Alors pourquoi, alors que ce pays est censé se diriger vers plus de démocratisation, la loi se fait aujourd’hui plus stricte et repasse…à 15 ou 20 ans (dans le cas de Akong).
Pourquoi ? Poser la question, c’est déjà y répondre. La peur.
Ce qui choque dans cette loi c’est que ce crime peut être porté à l’attention de la police par n’importe quel citoyen, et la police, se montre forcement diligente de peur d’être accusée d’être déloyale vis-à-vis de la monarchie.
Pourquoi cette loi fait-elle tant débat aujourd’hui, avec risque d’escalade entre PRO et CON ? Et pourquoi ce silence assourdissant dans les medias officiels ? Car c’est bien là, le danger, personne n’ose réellement aborder le problème que ce soit pour une suppression, un renforcement ou des amendements de cette loi. Sujet beaucoup trop sensible.
Où commence la critique ? Où commence l’insulte ? Où commence la propagation de rumeurs ? – ou pas – (il y a des images qui ne sont pas des rumeurs)
Une des raisons pour lesquelles tant de gens sont si passionnés par le sujet, c’est parce qu’on leur a inculqué, dès leur plus jeune âge, que le roi était le « père », le père de tous les thaïlandais et dans ce cas, la moindre critique est considérée comme manque de reconnaissance envers lui.
Au pire des révoltes de 2010 (chemises rouges), un acteur télé a pris la parole publiquement et dit : « Si vous haïssez votre père ou si vous ne l’aimez plus ou moins, vous devez quitter ce pays, parce que la Thaïlande c’est la maison du père ».
Tout doute ou questionnement est suspect et considéré comme totalement incompréhensible par le reste de la famille. On voyage entre sacré et profane.
Je me souviens, à l’époque de l’émission sur France-Inter de « Question pour l’Histoire » de Marcel Jullian, Henri Amouroux et Jean Favier, celui-ci, président de la Bibliothèque Nationale de France, chargé de recevoir la princesse Maha Vajiralongkorn lors de son passage à Paris, m’avait alors demandée : « est-il possible qu’un thaïlandais puisse se jeter du haut de sa fenêtre si le roi venait à lui demander ? » Du haut de mes 2 années d’expérience en Thaïlande – c’était en 2002 -, j’avais répondu à ce digne historien : « Le roi ne serait pas assez fou, bien-sûr, mais ce serait possible dans le cas contraire ».
Actuellement, la peur est au cœur du non-débat : la peur de la fin d’un règne, la peur de… la suite, la peur du changement des mentalités à cause d’internet, la peur de la perte du pouvoir pour ceux qui se réclament de cette institution car la monarchie est le seul lien qui unit tous les thaïs entre eux. Enfin pas tous. Si être thaï c’est vénérer les « 3 joyaux » INDISSOCIABLES : royauté, bouddhisme, drapeau (nation), les 3 états du sud : Yala, Pattani, Naratiwwat les contestent et n’acceptent ni le bouddhisme ni le drapeau, puisqu’ils sont musulmans. Mais ceci est une autre histoire dans l’Histoire compliquée de la Thaïlande.
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