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Daniel Barenboim dirige la Staatskapelle de Berlin. Les choeurs sont placés sous la direction d’Eberhard Friedrich. reprise de la mise en scène salzbourgeoise de Claus Guth (2008).
Décors et costumes de Christian Schmidt, lumières d’Olaf Winter, chorégraphie de Ramses Sigl.
Distribution: Don Giovanni , Christopher Maltman, Donna Anna, Maria Bengtsson, Don Ottavio, Giuseppe Filianoti, le commandeur, Alexander Tsymbalyuk, Donna Elvira, Dorothea Röschmann,
Leporello , Erwin Schrott, Masetto, Stefan Kocan, Zerlina, Anna Prohaska.
Le Staatsoper de Berlin reprend la fameuse mise en scène salzbourgeoise de Claus Guth du Don Giovanni de Mozart avec Daniel Barenboim au pupitre, dont on connaît la maîtrise de cette oeuvre de Mozart qu’il dirige depuis près de quarante ans. Ajoutons à cela un casting de rêve avec des chanteuses et des chanteurs qui s’avèrent aussi d’excellents comédiens et l’attention physiquement palpable d’un public d’amateurs pour la plupart avertis. La programmation du Staatsoper a réuni tous les ingrédients qui font les meilleurs soirées d’opéra, et la performance était au rendez-vous au Théâtre Schiller de Berlin-Charlottenburg, où le Staatsoper joue le temps que dureront les rénovations, prévues jusqu’à l’été .
Claus Guth a monté la trilogie de Lorenzo da Ponte de 2006 à 2009, avec son Don Giovanni présenté au festival de Salzbourg en 2008 et repris avec succès en 2011 à la Haus für Mozart de la même ville. La production a été enregistrée sur DVD par Deutsche grammophon. A noter que trois rôles (Don Giovanni, Leporello et Dona Elvira) sont tenus à Berlin par les mêmes chanteurs que lors de la production salzbourgeoise.
Toute l’action du monde du Don Giovanni selon Guth se déroule dans une forêt de sapins au relief en partie rocheux,..Le travail de décor et d’éclairage est des plus remarquables: la forêt est pour partie placée sur un plateau tournant qui se meut à des vitesses différentes, le décor est si bien réalisé qu’on a l’impression d’une variété de perspectives et de points de vue qui se déclinent quasi à l’infini avec l’effet combiné des jeux des lumières aux sources variées et des émissions de brumes. Cela va de diverses utilisations de lampes-torches placées dans les mains des protagonistes, des feux d’une voiture ou des éclairages d’ambiances. Un régal de technicité. Ajoutons à cela quelques éléments de décor qui vont situer et découper les séquences: un abribus des plus improbables en pleine forêt, l’arrivée d’une voiture sur scène pilotée par Don Ottavio qui pourchasse le meurtrier du père de Dona Anna, un arbre brisé par les forces de la nature qui servira de medium avec le commandeur symbolisé par une statue de bois filiforme à la Giacometti. Les protagonistes du drame évoluent dans la forêt et se rencontrent davantage que ce que suggère la lettre du livret, ce qui donne une nouvelle dimension très opportune à l’action: les drames d’habitude séparés des diverses femmes séduites par Don Giovanni ne le sont plus, et ces femmes peuvent s’observer, leurs expériences peuvent se fondre et donner une vision plus unifiée de l’action. C’est tout simplement génial.
Guth donne une lecture nouvelle du drame en transformant le meurtre du père de Dona Anna en un duel provoqué par un homme outragé qui veut arracher sa fille des mains d’un séducteur et qui, s’il meurt comme l’indique le livret, porte avant de mourir un coup fatal à Don Giovanni, qui, le temps de l’opéra, devient plus que jamais un être-pour-la-mort. Le Don Giovanni de Guth porte la mort en lui dès la scène du meurtre, et tout ce dont il voudra encore jouir sera intensifié par l’imminence connue de son destin, toute sa belle énergie vitale, tous ses désirs sont ici marqués et rendus plus vifs, plus urgents dans la perspective connue et proche de l’échéance fatale que signale une blessure au flanc qui n’arrêtera pas de saigner et d’élancer douloureusement le blessé. Outre cette approche du duel, Claus Guth donne aussi une autre dimension aux femmes du récit, dont il souligne le désir d’homme, un désir parfois tellement exacerbé qu’on peut en arriver à se demander si le prédateur n’est pas parfois la proie. Loin d’être les victimes du donjuanisme, elles s’offrent à leur séducteur, et, si elles résistent sans doute, leur résistance n’est pas dénuée d’ambiguïté, elles résistent pour mieux s’offrir. On est loin du monde dichotomique du prédateur et des victimes innocentes. Il en va d’ailleurs de même de la relation entre Don Giovanni et son serviteur. Ici aussi le metteur en scène donne un éclairage nouveau et original, explorant davantage les mimiques d’imitation du personnage double tout au long de l’action, et pas seulement au moment de l’échange des costumes. Guth crée un Leporello looser, alcoolique, polytoxicomane et sans doute un peu dealer, un personnage labile et co-dépendant, incapable de s’arracher à la symbiose d’avec son patron. Un marginal affublé de tics qui fait passer les douleurs de la blessure de Don Giovanni au moyen d’une seringue de morphine ou d’héroïne qu’il sort opportunément de sa poche, et qui fait volontiers circuler un joint. Un personnage remarquablement interprété par Erwin Schrott qui fait un parfait cabotin et semble adorer le jeu de rôle qu’on lui fait jouer!
Les chanteuses et les chanteurs n’ont pas seulement été sélectionnés parce qu’ils sont tous à la pointe de leur art, mais aussi en raison des critères de l’apparence physique: le drame est joué par des beaux mecs attirés par de belles femmes. Erwin Schrott peut jouer les Rambos et Christopher Maltman a un physique de quadra sportif. Stefan Kochan a l’allure d’un macho italien. Et les femmes ne sont pas en reste: la Dona Elvira de Dorothea Röschmann est merveilleusement pulpeuse avec son décolletté qui découvre parfois une poitrine généreuse, Anna Prohaska donne une jeune mariée friponne et les charmes nordiques de Maria Bengtsson sont bien propres à séduire plus d’un Don Juan. Schrott et Maltman déploient des talents de cascadeurs sur l’abribus. La beauté et l’ingéniosité du décor et des effets de lumière, combinés à la belle allure des personnages, tout concourt au plaisir des yeux et à l’agacement de la sensualité du spectateur.
Parmi les surprises de la mise en scène, cet abribus placé à l’orée d’une forêt, où aucun bus ne semble jamais venir s’arrêter. Les personnages semblent prisonniers d’une forêt dans laquelle ils se croisent et se recroisent sans jamais pouvoir en sortir, sinon pour une issue fatale; dans la forêt comme symbole de l’improbable condition humaine et du tissu des désirs, l’abribus ne figure pas la possibilité d’un départ mais son illusion. Et, trouvaille suprême de Claus Guth, ce n’est pas une horaire qui y est affiché comme on pourrait d’abord le croire, mais bien la liste des conquêtes de Don Giovanni que Leporello énonce à une Dona Elvira qui pardonnera plutôt que de partir. On est loin du rouleau kilométrique du Don Giovanni de Losey, l’horaire des innombrables amours de Don Juan tient ici sur un format A4, mais sans doute ceci rappelle-t-il cela par une association d’antithèse.
La direction d’orchestre de Daniel Barenboim est en soi un régal du genre. Nous profitons de la maturité et de l’expérience d’un Maestro qui pratique l’oeuvre depuis 39 ans et a pénétré la quintessence du dramma giocoso, une quintessence qu’il va décliner tout au long de la soirée: dès l’ouverture, il met en évidence les contrastes entre le drame et la comédie, la gravité solennelle du motif du Commandeur fait place dès la fin de l’andante à la joie d’un allegro au tempo quadruplé. Barenboim souligne musicalement l’ambiguité de l’humaine condition: ce qui est dramatique pour l’une est amusant et piquant pour l’autre. Ainsi du Madamina, il catalogo, tragique pour Dona Elvira qui y perd ses dernières illusions, et démonstration grotesque et gouailleuse pour Leporello. Barenboim nous fait entendre que la musique de Mozart est l’expression d’une subjectivité variable dans l’approche du réel, sa direction d’orchestre en donne la démonstration, avec une lecture intelligente, et intelligible, de la partition, qui donne à entendre ce qu’il y a de comique dans le drame, et de tragique dans la comédie.
Le duo Maltan Schrott, s’il rivalise davantage de puissance vocale que de subtilité, ravit par sa complicité. Avec Dorothea Röschmann, ils forment un trio qui pratique cette mise en scène depuis plusieurs années, et cela se voit dans leur jeu de scène assuré. Pour cette production dont ils ont une plus longue pratique, ils ont davantage de planche et peuvent porter bien haut leurs jeux d’acteurs. Erwin Schrott est tout simplement époustouflant, le personnage de Leporello étant bien sûr une main tendue à la performance d’acteur. Dorothea Rösschmann est une grande Elvira, convaincante, avec une voix puissante et chaude qui explore les variations de l’hystérie et du tragique du personnage. Maria Bengtsson remplace avec talent Anna Netrebko, qui a dû se désister, et donne une Dona Anna perturbée et déstabilisée, une femme névrotique qui oscille sans repères entre son désir d’homme et son désir de vengeance. Moins assurée sur le plateau, Anna Prohaska chante une Zerlina aux aigus d’une légèreté toute séraphique. Alexander Tsymbalyuk donne un Commandeur de belle tenue, mais qu’on aurait aimé encore plus sonore et dramatique face à la puissance de Christopher Maltman et d’Erwin Schrott.
Une toute grande soirée qui fera date dans les productions berlinoises de Don Giovanni.
Prochaines représentations les 30 juin , 3 et 6 juillet au Staatsoper de Berlin
Prochaines représentations les 30 juin , 3 et 6 juillet au Staatsoper de Berlin
Qui est l’auteur de cet article?
Luc Le Belge est expatrié à Munich, en Bavière et vous fait découvrir la belle ville de Munich aux multiples attraits et à l’actualité culturelle très dense, mais aussi la société bavaroise, qui est si particulière en Allemagne…
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