J’ai souvent été confrontée à cette question – non pas une question que je me pose, j’ai déjà résolu ce problème avec moi-même – mais une question que des gens me posent : « A quoi bon écrire, à quoi bon faire de la photo… à quoi ça sert ? » Question soulevée principalement par mon « chéri » thaïlandais dont les gènes et les neurones sont un quart chinois et trois-quarts thaïs. « Ecrire un blog, faire de la photo… c’est du travail. Ça te rapporte combien ? » C’est comme ça qu’il voit les choses. Pour lui, ce serait tellement mieux si j’enseignais à nouveau, anglais ou français, qu’importe. Comme je le faisais avant… Parce que pour lui le « teacher » en Thaïlande a un statut qui inspire le respect bien plus que celui d’auteur ou de photographe ! Je n’ai pas dit écrivain ! (pour ça il faut au moins être édité chez Gallimard ou Grasset ou Acte sud !) J’essaie pourtant en ecrivant, d’aller au-delà de la simple « histoire »*.
Ecrire est un acte de création…. Ça répond au moins en partie à la question posée par mon chéri. Et à ce titre c’est déjà très exaltant. Modeler une sculpture, créer un adagio, peindre une toile, c’est un acte d’artisan qui utilise sa main son cerveau pour « créer ».
Mais il y a autre chose et je le dis d’autant mieux qu’il m’arrive de lire des livres qui n’éveillent rien au niveau de l’imagination, de l’intellect, de la reflexion ou de « l’échange », cet état magique sensé se passer entre l’auteur et le lecteur. Imaginez lire un bottin mis en dialogue. Ou alors un livre où tout est dit, expliqué, sans espace entre les lignes, ou les signes, sans que jamais il n’y ait place pour l’interaction.
Car lire c’est aussi une façon de créer, d’interpréter quelque chose à partir de ce qui existe déjà et qui a été concu par l’auteur. Il doit y avoir des blancs invisibles dans l’écriture, des espaces qui permettent au lecteur d’imaginer, d’aller au-delà de la surface du texte. Sinon… sinon, il n’y a que des mots, des descriptions, des précisions qui ne produisent ni réflexion ni rêve. En fait c’est ça l’ecriture et la lecture : quelque chose de merveilleux, une connivence qui se crée entre celui qui a écrit et celui qui lit.
Ils ne sont rien l’un sans l’autre.
* ‘LA OU S’ARRETENT LES FRONTIERES’ de Michele JULLIAN, Editions de la Fremillerie et dans toutes les librairies ou Fnac.com. Amazon.fr
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