L’exposition Lunatique à la Fondation Kadist est à découvrir jusqu’au 14 Novembre 2010… Cette exposition d’art à l’initiative de Rozenn Prat est une invitation au voyage et à l’étrangeté, teintée d’absurde. Dans la prolongation de « Points de Vue » initiée en 2009, elle offre une réflexion sur l’ambiguïté de la communication, sur les retranscriptions erronées, sur les déformations du sens. L’exposition lunatique réunit des artistes aussi variés que Francis Alÿs, Kennedy Browne, Jason Dodge, Hans-Peter Feldmann, Christoph Keller, Julius Koller, Anthony McCall, Roman Ondák ou encore Pratchaya Phinthong…
L’exposition lunatique, à la Fondation Kadist (jusqu’au 14 novembre) parle-t-elle de la lune ? On y voit bien Anthony McCall, dans le film sur sa performance Landscape for Fire (1972), allumer des feux dans une prairie sous la lune. C’est une liturgie étrange, où les protagonistes vêtus de blanc, artiste, assistante, preneur de son et, invisible, cameraman, évoluent dans une chorégraphie de communion et de mystères. Et la génuflexion d’Anthony McCall se penchant pour jeter une allumette dans chaque foyer est d’une grâce extraordinaire. Mais j’ai vainement tenté de déchiffrer le schéma préparatoire à l’entrée.
C’est aussi une exposition sur l’ambiguïté de la communication, sur les retranscriptions erronées, sur les déformations du sens. Pratchaya Phinthong prend des photos de la lune à Paris et aux antipodes (îles Chatham) : deux lieux, deux moments, une lune. Christoph Keller projette dans l’espace un message aux extraterrestres. Roman Ondák juxtapose les dessins différents que des amis ont réalisés à partir d’un récit unique qu’il leur a fait.
Mais la pièce la plus fascinante, même si elle est assez prévisible est celle de Sarah Browne et Gareth Kennedy, qui ont confié aux automates de traduction de Google un texte de Milton Friedmann sur la fabrication des crayons à mine de plomb et les bienfaits de la libre entreprise. Le texte anglais est successivement traduit 41 fois (les langues se succédant dans l’ordre alphabétique de leur nom anglais) et déformé à chaque fois. En retrouvant les rares langues dont on a une connaissance minimale (Français, Allemand, Italien, Portugais, Roumain, Espagnol, Catalan), on voit les déformations : l’arbre devient un fruit au cours des quatre premières traductions, la boutique devient peine de mort quelque part entre Roumain et Espagnol, mais à quel instant ? Dans quel couple linguistique peut-on faire ce contresens ? le slovaque et le slovène ? En tout cas, le texte final n’a aucun sens, est incompréhensible. Ah, pas tout à fait, on y retrouve toujours la haine.
C’est un exercice distrayant, et ce n’est pas parce que les artistes l’ont imposé au pape du libéralisme qu’il en prend plus de sens militant : on aurait pu faire de même avec Marx, Deleuze ou BHL. Mais c’est un bel exemple de la déformation du sens.
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