Le Musée Rodin, outre une peu passionnante exposition sur Rodin et les Arts décoratifs, accueille Wim Delvoye (jusqu’au 22 août) et d’abord par une immense Tour en gothique flamboyant dans la cour d’honneur, en triangulation avec le dôme des Invalides et la tour Eiffel, témoignage moderne en acier rouillé de la ferveur médiévale, perfection symétrique dentelée et élancée.
Dans l’Hôtel Biron même, ce n’est pas tant la maquette du futur portail de son atelier (Gate), reprenant plusieurs de ses propres ‘fragments’, Monsieur Propre et Hollywod, et marquée au sceau de l’Enfer de Dante (la Porte de l’Enfer étant bien sûr toute proche), qui fascine, oeuvre trop auto-centrique, mais ce sont les deux détournements qu’il opère dans des salles d’exposition. Face aux antiquités dont Rodin était friand (et qu’il n’hésitait pas à remployer) sont posés deux vases grecs, dits à figures rouges (la technique qui, à partir du VIème siècle permet de mieux représenter les détails des figures); l’un présente des cavaliers, l’autre des sages devisant, l’Académie platonicienne peut-être. Le visiteur distrait passera sans voir qu’il s’agit en fait de deux bonbonnes de gaz butane, fournies par la compagnie belge Gandagas. Ce détournement, ce remploi à sa manière, ce collage, cette émulsion comme dit Delvoye, propulsent ensemble du quotidien et du sublime, du multiple et de l’unique, de l’industriel et de l’artistique. C’est tout simple (à moins qu’on n’imagine le potentiel explosif, terroriste de la bonbonne) et c’est très fort.
C’est un détournement opposé qu’effectue Helix, partant d’un objet classique, omniprésent en Chrétienté et chargé de sens, pour le multiplier, le tordre, l’assembler et en faire une double hélice, l’ADN bien sûr. Au pied d’un Christ de Rodin, offrant son âme à Dieu, ceux-ci, icônes déjà crucifiées, s’inscrivent dans le mythe du progrès scientifique, mais aussi dans toutes les angoisses bioéthiques ou évolutionnistes. Ce collage-ci, plus littéral, mêle art sacré et science profane, ordinaire domestique et secret des laboratoires, religion et science.
Et puis il y a le parc de l’Hôtel Biron…
- Musée Rodin
Photos de l’auteur, excepté la Tour n°3 courtoisie du Musée Rodin. Wim Delvoye étant représenté par l’ADAGP, les visuels seront ôtés du blog à la fin de l’exposition.