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Les meilleures expositions à Arles en 2010-2011 : Découvertes

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Agenda Arles Expo photo – Beaucoup d’endroits à Arles se prêtent à la découverte de nouveaux talents, ce qui n’est pas si fréquent en France, et c’est une excellente initiative. Commençons par le Prix Découverte, pour lequel les festivaliers votent sur les 15 propositions de quatre commissaires.

simon_2.1279116597.jpgCette année, non contents de présenter la série ‘100 ans’ d’Hans-Peter Feldmann (tout sauf une découverte, mais un très beau travail sériel sur l’âge et l’apparence face auquel on se situe, on se repère, on se compare : Ai-je l’air plus jeune que Hansjürgen ?

Comment fait Hans, 53 ans, pour avoir l’air si jeune et beau ? Et Maureen, 39 ans, pour être encore si attirante ?), Hans-Ulrich Obrist (associé pour l’occasion à Philippe Parreno) a raflé le Prix Découverte (Taryn Simon montrant ici des victimes d’erreurs judiciaires, la plupart condamnés pour viol et ensuite innocentés, un beau travail sur la photographie comme vérité et comme mensonge; Troy Webb, Scène du crime, The Pines, Virginia Beach (Virginie), a purgé sept années d’une condamnation à 47 ans pour viol, enlèvement et vol) et le Prix de la Fondation LUMA, attribué en parallèle par Fischli et Weiss (Trisha Donnelly, choix surprenant, voire décevant).

J’avais voté pour Leigh Ledare (remarqué ici-même l’an dernier) qui présente un travail très personnel, voire dérangeant : il photographie pendant tout un week-end son ex-femme Meghan dans une maison de campagne; celle-ci y retourne quelques jours plus tard avec son nouveau mari, le photographe Adam Fedderly, lequel, à son tour, la photographie pendant leur séjour, puis confie ses films non développés à Ledare.
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Le montage de ces deux séries (Ledare à gauche, Fedderly à droite) scande la salle d’exposition : deux histoires en parallèle, une nostalgie sensuelle et un sentiment d’abandon pour l’un, une promesse d’avenir heureux pour l’autre. La femme entre deux hommes, la relation triangulaire sous-jacente, ce ‘Double Bind’, m’ont beaucoup ému, touchant sans doute en moi une corde sensible. La composition de cette pièce est remarquable, comprenant également des documents, des images trouvées, des magazines, comme pour inscrire cette histoire, banale et triste/heureuse, dans l’univers de toutes les autres histoires d’amour et de désamour, dans la romance du monde.

liz-deschenes-1.1279116585.JPG Parmi les nominés pour le Prix Découverte, j’ai aussi remarqué le travail épuré de Liz Deschenes, dont les photographies monochromes configurent l’espace autour d’elles, au-delà de la représentation : c’est un miroir du monde et non plus une mimésis qu’elle bâtit là, comme un nouveau langage, une exploration de domaines encore inconnus en photographie.

4_cromelequebn011.1279121569.jpg Mais les vraies découvertes à Arles se trouvent dans l’exposition ReGeneration2, organisée par le Musée de l’Elysée cinq ans après le succès de la première. Ce sera le sujet du prochain (et dernier) billet. Sinon, l’exposition SFR Jeunes Talents m’a laissé sur ma faim (et le lauréat a 49 ans…) et c’est plutôt du côté des étudiants de l’Ecole d’Arles que j’ai trouvé quelques pépites. Un peu dans l’exposition officielle où on remarque le reportage sur les travailleurs de nuit de Lucile Chombart de Lauwe (à suivre, désormais au bar Floréal) et le travail très pur sur le territoire et la mémoire de la Portugaise Maria-do-Mar Rêgo (Cromlech);

heimlich-erwan-morere-2.1279121634.JPG Mais surtout dans l’exposition off ’Heimlich‘ (un bien beau titre anti-freudien, entre étrange et familier, entre caché et dévoilé) dans l’église Saint-Julien (le commissariat en étant assuré par les étudiants de Rennes) où le choix plus large, moins étroitement représentationnel, permet de découvrir des innovateurs comme Erwan Morère et ses ‘paysages’ islandais où la matière se dissout (Seydisfjördur, ci-dessus), heimlich-anais-bourot-1.1279121709.JPG Dorothée Smith et ses scènes inquiétantes marquées par le questionnement du genre, Marie B. Schneider et ses froides architectures, et surtout Anaïs Boudot qui ne montre ici ni paysage, ni décolleté, ni voile ou brume, mais un assemblage de radiographies médicales, saisissante étrangeté du réel (Prenez vingt-cinq tas de cendre, ci-contre).

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On retrouve Dorothée Smith et Anaïs Boudot dans une autre exposition off, Identity Lab, organisée par L’évadée et par Christian Gattinoni dans le cadre du festival Voies-Off. Là encore, beaucoup de questionnement sur le genre, certains assez abrupts (Tom de Pékin, Luigi et Luca), d’autres plus subtils. Anaïs Boudot m20181.1279122197.jpg présente ici (Jigsaw feelings, vue d’expo à gauche, photo individuelle à droite) des photographies au sténopé, un alphabet de postures évoquant  le dessin du XVIIème, une déclinaison de corps nus, ouverts, écartelés, en suspension, chutant des cieux en enfer, puzzle-assemblage sensuel et tragique. C’est aussi l’occasion de découvrir les autoportraits voilés de Michel Peneau et les personnages troubles et spectraux d’Alexander Binder (Maleficium, ci-contre).

Enfin, l’exposition des Rencontres consacrée à la marche (dans la lignée du livre de Thierry Davila), à côté de valeurs sûres comme Francis Alÿs (et ses chaussures magnétiques), Hamish Fulton et André Cadere (rien de bien neuf de ce côté là) permet de découvrir une vidéo du Portugo-luxembourgeois Marco Godinho, Something White, enregistrant en temps réel sa marche en compagnie de l’écrivain norvégien Tomas Espedal le 11 juillet 2008 dans un tunnel désaffecté : bruit des pas, conversations étouffées, marche dans le noir, bribes de vision et bribes de son, hésitations avant d’entrer dans la caverne sombre et féminine, pauses et, au bout, la lumière, éblouissante, et les moutons qui s’enfuient.
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C’est une traversée de bout en bout, une expérience initiatique, une victoire sur l’obscurité, un avènement salvateur vers la lumière, qu’il soit maçonnique ou chrétien.

Photos Feldmann, Ledare, Deschenes, Morère, Boudot 1 et 2, Godinho 2 par l’auteur. Photo Taryn Simon courtoisie du service de presse des Rencontres d’Arles. Hans-Peter Feldmann étant représenté par l’ADAGP, la photo de son oeuvre sera ôtée du blog à la fin de l’exposition.

Feu à volonté à Arles 2

 Feu à volonté (Arles 2) L’exposition dont tout le monde (et Le Monde) parle à Arles est celle de Clément Chéroux consacrée au tir photographique, passe-temps de fête foraine du début du XXème siècle, où l’analogie du tir au fusil et de la photographie est mise en évidence. L’attraction en est d’abord le stand de tir à l’entrée, où tout bon tireur atteignant le centre de la cible se verra remettre son portrait (pour voir le mien, aller du côté des ‘réseaux sociaux’), mais, au-delà de l’amusement, comme on pouvait s’y attendre, c’est une exposition qui interroge la pratique même de la photographie.

La présence de Jean-Paul Sartre accompagnant Simone de Beauvoir au tir en 1929 (il a 24 ans, elle 21, et tous deux ont des yeux bien étranges) permet de gloser sur l’existentialisme de la photographie, l’accomplissement photographique étant ici intrinsèquement lié à l’autodestruction symbolique, au fait non pas tant de faire feu sur soi-même que de se trouver tiré alors qu’on tire. L’artiste israélien Omer Fast avait, dans un registre plus tragique, utilisé cette ambiguïté du mot ‘Shoot’, entre cinéma et extermination.

 Feu à volonté (Arles 2) La première partie de l’exposition est plutôt historique et documentaire : célébrités venues tirer (ici Man Ray tirant et son assistante-maîtresse Lee Miller serrant contre elle l’appareil photographique que Man Ray vient sans doute de lui confier; ont-ils rencontré Sartre et Beauvoir Porte d’Orléans ?) et, parmi les anonymes, un militaire allemand en 1944 ou des officiers italiens en 1940. Il y a aussi une série de photographies montrant la hollandaise Ria van Dijk tirant année après année depuis 1936 (aujourd’hui âgée de 90 ans, elle est, paraît-il passée tirer sur le stand à Arles, mais je n’ai pu en avoir la trace), vieillissant d’année en année, s’adaptant aux modes vestimentaires, entourée d’amis, de vieilles copines, puis de curieux venus la voir, constituant en fait au fil des ans une histoire sérielle qu’Erik Kessels a découverte et publiée (’In almost every picture#7′).

 Feu à volonté (Arles 2) Plusieurs artistes contemporains retravaillent le tir photographique. Jean-François Lecourt tire sur ses propres autoportraits avec une grande violence : impacts multiples, acharnement destructif sur la photo, impacts groupés sur son visage et son sexe, destruction de son appareil photo. De Niki de Saint-Phalle, est montré un petit film (Tir) où elle tire sur des poches de plâtre d’où s’échappe de la peinture, mais ‘Daddy’, son règlement de compte au fusil avec son père incestueux, n’est qu’évoqué ici.

 Feu à volonté (Arles 2) Emilie Pitoiset (dont les tirs étaient montrés au Palais de Tokyo il y a quelques mois) s’interroge davantage sur le geste photographique, sur la vérité et l’illusion qu’il induit. Rudolf Steiner réalise sans doute le travail le plus expérimental : sa balle perce un trou dans un sténopé, créant ainsi un objectif par lequel la lumière peut impressionner le film; le film lui-même étant aussi percé par la balle, l’empreinte lumineuse et celle de la balle se superposent, le trou du film se trouve à l’emplacement du canon du fusil.

Dans ces photographies, les formes floutées, indistinctes pivotent autour du canon du 2e509 1979174 27289611.1278867113 Feu à volonté (Arles 2) fusil, point physique et lumineux à la fois, axe de la composition. Agnès Geoffray (dont la vocation d’artiste est due à la mort de ses parents écrasés par une sculpture de Chris Burden à la Biennale de Lyon) flirte avec sa propre mort en mirant le canon d’un fusil tenu à bout de bras.

On arrive enfin à une pièce d’où viennent les bruits de fusillade qui nous ont accompagnés pendant toute la visite. Cernés par quatre écrans, nous sommes la cible de tireurs en tout genre, au pistolet ou à l’arme automatique, soldats, gangsters ou cow-boys, tireurs couchés, debout ou en position, froids assassins ou tueurs compulsifs. Ce sampling de scènes frontales de tir, fait par Christian Marclay en 2007 (Crossfire) 2e509 image11.1278867127 Feu à volonté (Arles 2) terrifie d’abord, et plusieurs spectateurs sortent aussitôt. Si on tient pendant les dix minutes, criblé de balles, le souffle coupé, assourdi (manque l’odeur de la poudre), on atteint en fait une sorte de nirvana post-mortem, de sérénité jouissive, de climax (Quel est le titre de ce film où, dans la scène finale, les trois gangsters gringos, s’échappant d’une banque au Mexique après leur hold-up, sont accueillis par les salves de centaines de soldats qui tirent à volonté ?). Marclay a réalisé là un montage remarquable qui parfois s’accélère et parfois se calme, respirant, scandé, rythmé, hallucinant, fascinant, nous tenant à sa merci.

C’est une exposition à la fois distrayante et profonde. J’aurais toutefois aimé qu’elle soit étendue du côté de la prise de photo automatique, quand le photographe n’intervient pas directement sur la prise de vue, ce qui ouvre des pistes de réflexion tout à fait congruentes. J’ai par exemple pensé à la photo de mariage de Jeff Guess, prise par un radar routier; mais ce n’est pas un tir, même si la police est aussi impliquée. On pourrait aussi élargir le propos sur les liens entre photographier et tirer, avec le fusil de Marey ou les cinémitrailleuses des bombardiers allemands.

Photos de l’auteur, excepté Geoffray et Marclay.

Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010)

 Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010) Dans la catégorie expo photo à Arles reGeneration2. reGeneration2 est, cinq ans après la première édition, une nouvelle plongée dans la jeune création photographique : le Musée de l’Élysée a de nouveau fouiné partout. Au final, 25 pays, 48 écoles et 80 photographes présentés à Arles.

L’occasion de bien des découvertes. Rappelons que l’un des lauréats de 2005, Raphaël Dallaporta, est présenté à Lausanne (jusqu’au 25 juillet) en contrepoint de la nouvelle sélection (laquelle comprend cinq Français : Thibaut Brunet, Maxime Brygo, David de Beyter, Nicolas Delaroche, et Audrey Guiraud).

46a1b boyraz.1279139986 Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010) Peut-on tenter de dégager quelques tendances de cette sélection ? Certes, même si elles sont subjectives. J’ai senti pour ma part, que le portrait semblait être dans une impasse, que ces jeunes photographes de portrait n’inventaient plus rien, faisaient du bon travail à la manière de leurs aînés (ici Dijkstra, là Ruff), mais qu’ils n’arrivaient guère à créer une aura. En particulier, les scènes de groupe avec jeunes filles modernes (Ágnes Éva Molnár ou Camila Rodrigo Graña) ne sont que charmantes, et tout juste dignes de Facebook. Il m’a semblé aussi que rares étaient les photographies narrant une histoire, reportage ou fiction, qui, dans cette sélection, tenaient la route : ni la jeune fille envoûtée de Teresa Vlcková, ni celle entre ciel et terre de Liu Xiaofang, ni les contemplatifs de Kalle Kataila, ni les scènes de la vie rurale suisse d’Ueli Adler.

Par contre, le reportage sur un couple de SDF habitant un tunnel new-yorkais par Andrea Star Reese échappe au pittoresque et au politiquement correct, et celui de Savas Boyraz sur ses compatriotes kurdes en Turquie est aussi de grande qualité, jouant sur la précarité des matériaux, sur la tension entre dehors et dedans, entre intime et public, entre modernité  Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010) et tradition (ben û sen). De même, l’installation vidéo de Richard Mosse, Irak, faisant tournoyer l’image autour de vestiges métalliques rouillés et criblés d’impacts dans le désert, cimetière des armes, cependant que sa voix égrène (avec un terrible accent) une litanie de noms bien connus de lieux iraquiens, d’Abou Ghraïb à Tikrit, sait apporter une grande richesse formelle à un sujet qui, sinon, serait trop évident (dommage que ne soient pas montrées ici ses photographies de fausses catastrophes aériennes).

Mais mes plaisirs lors de ce panorama de la jeune création photographique sont venus de photographies plus formelles, plus composées, qui m’ont paru être plus innovantes, plus en rapport avec les interrogations actuelles sur la représentation. En voici quelques exemples. D’abord, je ne peux cacher ma joie à m’être laissé prendre par le Rideau trompe l’oeil de Daniela Friebel, que 46a1b image12665999991.1279139997 Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010) j’ai compris comme une interrogation aimable de l’image et de son  Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010) rapport au réel (en haut). Deux photographes ont entrepris de travailler sur des architectures simplifiées, dépouillées : Audrey Guiraud perd tout repère face à des formes construites énigmatiques qu’on ne sait comment appréhender (à droite) : ces blocs rouges sont-ils des immeubles ? ces reflets dénotent-ils un puits de lumière ? y a-t-il une perspective ? un haut et un bas ? Elle reconstruit une réalité à partir d’un point de vue improbable. Sylvia Doebelt, elle, montre ce qui pourrait être une maquette dans tous les tons du gris (à gauche); banc et table sont-ils réels ? mais surtout qu’est ce rectangle blanc ? une fenêtre, un tableau ? C’est en fait la projection de lumière d’un projecteur de photos : pas d’image, à peine un peu d’effet de moiré en regardant de près; non pas une profusion d’images à la Sugimoto, mais un vide, un refus, une manipulation, une interrogation là aussi (blanks).

46a1b 51.1279139975 Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010) 46a1b 05cable room 1web1.1279139964 Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010) D’autres photographes révèlent la poésie d’images simples, comme Milo Newman et ses Oies à bec court dans le Norfolk, qui sont à peine des traits de plume sur un ciel blanc, le vol dessinant comme les contours d’une montagne asiatique, ou bien la sculpture minimale faite de câbles, de poulies et de trappes de Janneke van Leeuwen (Cable room), objet complexe et inutile, “chambre mentale”.

Deux photographes japonais présentent des photographies quasi abstraites, indéfinissables et pleines de poésie : Yusuke Nishimura enregistre la lumière à divers moments de la journée, combinant ensuite de 46a1b nishimura.1279140010 Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010) manière mathématique ses prises de vue de la journée (onze ici) et arrivant ainsi à un paysage multi-temporel dont la gradation de couleurs abstraites évoque la peinture de Rothko ou de Newman (08:02:55,…, 17:49:01, 10/22/07; Jackson Heights, New York, Dayscapes). Megumu Takasaki, lui, semble se rattacher à la  Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010) tradition du dessin oriental : photographie suspendue au mur comme un rouleau, recréation numérique d’un négatif, image inversée rappelant un arbre, balayage des traits comme si la main du photographe était venue brouiller l’image (Genèse #7).

Enfin, dans la plus belle tradition picturale baroque, Geoffrey H. Short photographie une Explosion : orgie de volutes de feu oranges, jaunes, rouges, variations brutales de l’intensité lumineuse, cendres qui volètent et criblent l’image de petits points blancs, bribe de ciel bleu. Admiratif devant la beauté de cette image, je ne sais où, quand, pourquoi elle a eu lieu : accident, attentat ? Ici tout est illusion, et la mort, la violence semblent disparaître devant l’esthétique : tour de passe-passe éternel de la photographie illusionniste.

46a1b short regen21.1279140071 Expo photo Arles : reGeneration2 (Juillet 2010) Voici donc mes coups de coeur et mes admirations (qui sont aux antipodes des choix du Lacoste Elysée Prize, à deux exceptions près, Mosse et Short, mais bon…). Voici ceux que j’irai revoir dans cinq ans*, et voici la fin des billets sur Arles. Je vais écrire sur Casanova Forever maintenant, mais dans quelques jours seulement…

* Pour mémoire, les quatre photographes que je remarquais il y a cinq ans : Raphaël Dallaporta, mentionné plus haut; Aimée Hoving; Pétur Thomsen; et Shigeru Takato. Encore un peu tôt pour juger ?

Photos Friebel, Mosse, Doebelt et Takasaki par l’auteur.


Expo photo Arles : I am a cliché


Alain Dister Finsbury Park Sous ce titre du groupe X Ray Spec, Emma Lavigne a conçu une exposition dont la thématique musicale et esthétique reste un peu floue, allant du punk le plus sauvage au rock le plus classique et mêlant en 24 modules des portraits plutôt insipides de rock stars avec des installations plus complexes et audacieuses.

450px-buzzcocksorgasmaddictedit1.1279109680.jpg On pourra donc passer assez vite devant la plupart des galeries de portraits, à l’exception des très émouvants et révélateurs portraits par Mapplethorpe de Patti Smith, sa compagne. Il y a bien Peter Hujar, Andy Warhol ou Stephen Shore, mais, à mes yeux, tous ces travaux sont montrés ici sous un angle plutôt documentaire. C’est agréable, tragique ou distrayant, mais ça manque un peu de densité; voici par exemple Finsbury Park (1996) d’Alain Dister, délicieux, non ?

Par contre, dès qu’il y a un peu plus de distance avec la représentation, on trouve des pièces beaucoup plus intéressantes : David Lamelas adoptant le personnage d’une star du rock, Robert Malaval tentant d’écrire un livre sur les Rolling Stones, Katharina Sieverding jouant de l’ambiguïté sexuelle avec ces visages hybrides (combinaison de son autoportrait et du visage de son mari Klaus Mettig) en résonance avec tant de chanteurs rock maquillés ou travestis (Transformer). De même Linder (bien avant Shadi Ghadirian) affirme par ses montages une posture radicale et féministe : cette pochette pour un single de Buzzcocks titré Orgasm Addict montre un corps nu, des bouches souriantes sur les seins et un fer à repasser en guise de tête.

bitner_1.1279109693.jpg Rhona Bitner photographie des salles de concert vides, décrépites, abandonnées, suspendues, des endroits où l’esprit a soufflé, travail sériel sur la mémoire et l’oubli passionnant (Saint Andrews Hall). Dans un même registre, il y a aussi l’évocation de groupes disparus, comme Destroy All Monsters, fondé à Detroit par  Jim Shaw et Mike Kelley, qui tous deux partirent cliche-dam-2.1279109711.JPG vers d’autres horizons, la sulfureuse Niagara et Cary Loren, gardien de la mémoire.

Du côté des vidéos, j’ai revu le terrible Guitar Drag de Christian Marclay avec toujours la même admiration pour ce travail, filmé le 18 novembre 1999 au Texas en mémoire de James Byrd Jr., homme noir lynché par des blancs, dont le corps fut attaché à l’arrière d’un pick-up et trainé sur des kilomètres, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Marclay fait un parcours similaire, en attachant à l’arrière de son camion une guitare électrique reliée à des haut-parleurs installés sur le pick-up. La guitare est trainée sur la route et sur les pierres, ses sons stridents ainsi amplifiés sont insupportables, pendant les quatorze minutes d’agonie. La pire musique de toute l’exposition en est sans doute la plus poignante.

2009-02-28-branly013.1239236381.JPG A l’entrée de l’exposition, projetée sur un mur lépreux, la vidéo Portraits de Céleste Boursier-Mougenot ne semble montrer que des mains de guitaristes en gros plan : l’image en noir et blanc est pauvre et dépouillée (et hélas impossible à photographier), les moyens low-tech sont délibérément réduits au minimum. L’artiste détourne une fois de plus ses instruments en branchant la caméra sur un ampli : nous entendons le bruit de l’image, dans cette déconstruction expérimentale attaquant le fondement même de la création du son, la rendant sinon aléatoire, en tout cas non maîtrisée.

dan_graham_rock_my_religion1.1279109737.jpgCette exposition est enfin l’occasion de voir dans son intégralité film/graham_rock.html »>Rock My Religion, de Dan Graham, composition très dense et critique, où l’auteur relie le mouvement religieux des Shakers (fondé par Ann Lee), le Revival religieux de 1801 et des rituels indiens à l’émergence du rock; l’extase religieuse et l’extase des fans se rejoignent dans une même transe. Mais le rock, dit-il, est le premier mouvement musical 100% commercial, conçu pour l’exploitation économique des adolescents.

De Jerry Lee Lewis soucieux de théologie et en débattant avec son producteur Sam Phillips, on passe à Jim Morrison sur le pouvoir sexuel du rock et son émasculation symbolique quand il exhibe son pénis en public. Dan Graham conclut sur la figure de Patti Smith en grande prêtresse du rock, sauveuse messianique et actrice inconsciente de l’aliénation induite par le rock. 55 minutes de bonheur ! Ce regard intelligent et critique, cette réflexion sur le rock comme mouvement culturel et social sont le point fort de cet ensemble. On en sort en regardant les gentilles photos de stars avoisinantes avec un oeil beaucoup plus aiguisé.

patrick-bailly-maitre-grand-beatles.1279110733.JPG Plus tard, au Musée Réattu, je vois des grandes photographies de Patrick Bailly-Maître-Grand, les Astéroïdes : l’artiste coule de la résine transparente sur des CDs, puis les place dans un agrandisseur. On peut alors voir les rides, bosselettes et vagules de la surface, irradiées de lumière, comme un écho visuel de la musique gravée là, comme une évocation de la symphonie céleste. Ce Sgt Peppers’ Lonely Hearts Club Band n’aurait pas déparé dans l’exposition aux Ateliers.

Photos Dister, Destroy All Monsters et Bailly-Maître-Grand par l’auteur. Photos Sieverding et Bitner courtoisie du service de presse des Rencontres d’Arles.

Marc Lenot
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