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Ferdinand Springer exposé au camp des Milles

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L’œuvre de Ferdinand Springer (1907-1998) est aussi polymorphe que sa vie fut surprenante. Ce peintre allemand, qui étudia à Zurich, Milan et Paris et séjourna brièvement à New York à la fin des années 1930 avait choisi de s’établir dans le Sud de la France. En septembre 1939, et bien que sa femme fût juive, il fut interné en tant qu’Allemand au Fort d’Antibes, transféré au camp des Milles jusqu’en mai 1940 puis à Forcalquier d’où il fut libéré l’été suivant. Le couple, qui put passer clandestinement la frontière suisse en 1942, rejoignit Grasse après la Libération.

Durant ce séjour au camp des Milles (ancienne tuilerie située près d’Aix-en-Provence qui, de lieu d’internement, se transforma après 1942 en camp de déportation vers Auschwitz), il se lia avec d’autres artistes détenus, notamment Max Ernst et, surtout, Hans Bellmer. A Grasse, il fréquenta notamment Alberto Magnelli (présent ici avec une gouache), Sonia Delaunay (dont un dessin est exposé) et Hans Arp. En Suisse, il visita l’atelier de Paul Klee.

C’est à Ferdinand Springer qu’est consacrée une exposition, première d’un cycle de trois manifestations intitulées « Créer pour résister » accueillie par le site-mémorial du camp des Milles, jusqu’au 8 septembre prochain. Si l’accent est mis sur les créations de l’artiste contemporaines de son internement, d’autres œuvres sont également exposées, qui traduisent une grande évolution de styles. Certaines, des années 1930 qui mêlent éléments d’architecture et références antiquisantes, ne sont guère éloignées de Giorgio de Chirico. Des dessins, qui datent des Milles, adoptent une facture classique, proche des classiques italiens – Hans Bellmer ne manquait d’ailleurs pas de lui reprocher de céder à cette influence. Un portrait de Springer par ce dernier donne d’ailleurs la mesure du fossé esthétique qui séparait les deux amis…

Mais à partir de 1942, l’artiste s’aventura vers d’autres recherches picturales : plusieurs aquarelles tirées du « Carnet de Grasse » témoignent d’une forme d’abstraction dans l’esprit de Juan Miro tandis que d’autres se rapprochent de l’abstraction géométrique. Dans les années 1950, se dessinent de nouvelles évolutions : Prélude, une gravure de 1953, fait penser à Hans Hartung tandis que Petite fugue, gravure de 1954,  constitue un hommage appuyé à Paul Klee. Les œuvres plus tardives seront encore marquées par d’autres angles d’attaque, comme cette aquarelle japonisante de 1973 intitulée Croix-haute ou cette toile abstraite de 1992, Souffle jaune.

Une telle diversité plastique, tout à fait singulière, peut dérouter le spectateur qui peinera à identifier un fil conducteur cohérent dans l’œuvre du peintre. Elle témoigne en revanche d’un artiste en perpétuelle quête.

Illustrations : Hans Bellmer, portrait de Ferdinand Springer (1940), collection privée – Ferdinand Springer, Les Milles, Bains, dessin – Ferdinand Springer, Petite fugue, collage, 1954.

Thierry Savatier

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