Fondé en 1997 par Gustav Kuhn, le Festival d’Erl se déroule tous les ans en juillet pendant 25 jours dans la Passionsspielhaus, et ceci depuis 1998.
En décembre 2012, on a créé non loin du lieu de représentation habituel du Festival d’Erl un nouveau bâtiment adapté aux rigueurs de l’hiver. Dorénavant, ce dernier abritera le festival d’hiver pendant deux semaines au moment des fêtes de fin d’année. Depuis cette année, le bâtiment est également utilisé pendant l’été comme lieu de représentation supplémentaire, en plus de la Passionsspielhaus.
Le pré vert d´Erl est situé à 100 kilomètres seulement de Munich, on y est en une heure par l´autoroute et on arrive dans la magie d´une campagne de rêve entourée des montagnes de la vallée de l´Inn. C´est là qu´en 1997 Gustav Kuhn a fondé le Festival tyrolien d’Erl qui se déroule chaque année en juillet pendant 25 jours dans la Passionsspielhaus et la nouvelle Maison du Festival, deux salles étonnantes sises dans un écrin de verdure. Des concerts de musique de chambre, de l´opéra, des soirées de Lieder charment les douces soirées de l´été tyrolien.
Le Festival d’Erl au Tyrol ; hommage à l’opéra selon Gustav Kuhn
Pour plus de vingt ans Gustav Kuhn s’est consacré à réaliser et à produire des opéras, dans le but d’atteindre une plus grande synthèse artistique entre la musique et la mise en scène. On lui doit notamment la production et la mise en scène de Der Fliegende Holländer (Trieste), Parsifal (Naples), Salomé (Rome), Don Carlo (Turin), la trilogie Da Ponte (Festival di Macerata), Otello (Berlin, Braunschweig et Tokyo), La bohème, Falstaff et La traviata (Tokyo) et Capriccio (Parme).
Le Maestro Gustav Kuhn a mené une carrière internationale qui l’a conduit à diriger des orchestres prestigieux comme le Berliner Philharmoniker, l’Orchestre Philharmonique d’Israël, l’Orchestre Philharmonique de Londres, le London Symphony Orchestra, le Royal Philharmonic Orchestra, l’Orchestre philarmonique de la Scala, l’Orchestre National de France, l’Orchestre de l’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, l’Orchestre NHK et le Wiener Philharmoniker . Dans le domaine de l’opéra, Gustav Kuhn a notamment dirigé le Wiener Staatsoper, le Bayerische Staatsoper, le Royal Opera House de Covent Garden, on a pu l’apprécier àl’ Opera national de Paris, au Teatro alla Scala, dans les arènes de Verona, ou lors de festivals à Salzbourg ou Glyndebourne.
L’été 2014, le Festival d’Erl a créé El Juez de Christian Kolonowits dont la Première vient d’avoir lieu dans une mise en scène de Emilio Sagi et sous la direction musicale de David Giménez, avec en artiste vedette José Carreras dans le role de Federico.
Lors du Festival d’Erl d’été 2015, on pourra entendre un Ring complet mis en scène et dirigé par Gustav Kuhn, et chanté par les chanteurs et les chanteuses de l’Accademia di Montegral. Les réservations en ligne sont déjà possibles
Plus d’infos en allemand, en italien ou en anglais et chemin vers les réservations: voir le site du Festival d’Erl. Quelques places restantes pour les 12 et 15 août 2014.
En savoir plus sur le Festival tyrolien d’Erl sur le site de Kufstein (en français) …
Gustav Kuhn dirige Tristan und Isolde au Festival tyrolien d´Erl
Comme premier opéra de la saison d´été à Erl, Gustav Kuhn a repris sa production du Tristan und Isolde de Wagner. C´est à la fois une grande première, puisque c´est la première fois qu´un opéra de Wagner est joué dans la nouvelle Maison du Festival d´Erl, avec deux autres innovations: la fosse d´orchestre est recouverte d´un voile noir opaque, on ne peut donc plus apercevoir ni les musiciens ni le chef d´orchestre qui dirige les chanteurs par moniteurs interposés, et, touche internationale, l´opéra est surtitré en anglais. Internationale encore, l´annonce de la tournée prochaine de trois productions de Gustav Kuhn en Chine: Tristan und Isolde et les Meistersinger seront joués en octobre à Pékin, tandis que Shangai accueillera le Ring des Nibelungen.
El Juez (Le juge), Le drame des bébés volés du franquisme au Festival tyrolien d’Erl
El Juez, un opéra autrichien de Christian Kolonovits et Angelika Messner traitant des atrocités du franquisme et de l’ église catholique espagnole complice est né de l’amitié qui unit le grand ténor catalan Josep (José) Carreras et le compositeur autrichien. La production de ce nouvel opéra a été assurée de manière conjointe par le Tetro Arriaga de Bilbao et le Festival d’Erl. La première espagnole a eu lieu en avril de cette année, la première autrichienne vient d’avoir lieu dans le cadre somptueux de la nouvelle Maison du festival d’Erl, une localité située à la frontière bavaroise, à une petite centaine de kilomètres de Munich.
Cet opéra, taillé à la mesure de la voix de José Carreras, lui permet un retour tout aussi inattendu que célébré à la scène. L’artiste âgé aujourd’hui de 66 ans compte 43 années de carrière artistique. Il avait fait ses débuts dans la Norma de Bellini. On connaît l’histoire tragique de sa leucémie et de son extraordinaire guérison, puis de son engagement dans la lutte contre la maladie qu’il a réalisé par le biais de sa fondation contre la leucémie. Après avoir vaincu la maladie, le grand ténor avait pu remonter sur scène, mais ses dernières apparitions à l’opéra dataient pour l’Espagne de la saison 2000/2001, il avait alors interpété Samson et Dalila de Camille Saint-Saens au Liceu de Barcelone, avec l’épisode malheureux d’une grippe, puis en 2002 à l’Opéra de Tokyo dans Sly de Wolf-Ferrari.
Mais depuis Tokyo, José Carreras, qui n’avait plus imaginé avoir la force de remonter sur scène pour interpréter un opéra, avait continué de se produire dans des récitals. En 2009, l’artiste avait déclaré qu’il ne chanterait plus d’opéras parce que c’est trop fatigant, mais qu’il donnerait éventuellement encore quelques récitals. En 2010, il était cependant revenu sur ses propos en disant que si un projet intéressant se présentait, il remonterait volontiers sur scène. C’est le cas aujourd’hui, Carreras est de retour et met son immense charisme au service de ce nouvel opéra qui met en scène le drame des bébés volés en Espagne par le franquisme, et jusque dans les années 80, avec la complicité active d’une église catholique qui faisait cause commune avec le régime dictatorial, au nom de la morale.
El Juez ou l’histoire des bébés volés du franquisme
L’affaire est toujours brûlante aujourd’hui en Espagne. En janvier 2014, des associations de victimes de vols de nouveaux-nés commis en Espagne pendant la dictature franquiste (1939-1975) et dans les années 1980 ont dénoncé dans une lettre à l’Onu « le silence absolu » et l’absence de coopération de l’Eglise catholique. Ces associations réaffirmaient alors « la participation de l’Eglise catholique » dans un « réseau de vente de bébés des années 1930 aux années 1990″ et avaient accusé le Vatican d’ignorer les demandes répétées d’aide aux victimes de l’Espagne, et, pire encore, le refus continu de la part de l’Eglise catholique, même lorsque la demande émanait des autorités judiciaires, d’ouvrir les archives des couvents afin de permet aux parents biologiques de retrouver la trace de leurs enfants volés. Leur avocat, Enrique Vila Torres, dénonçait « l’opposition claire manifeste, constante et déterminée des institutions ecclésiastiques espagnoles » de fournir des informations.
Selon les associations, jusqu’à 300.000 bébés pourraient avoir été volés pendant la dictature du général Francisco Franco et aussi après la fin en 1975 du franquisme, aucune loi espagnole n’ayant encadré les adoptions avant 1987. Sous le franquisme, ces bébés étaient enlevés à leurs mères républicaines en vertu d’un décret de 1940 qui permettait au régime de s’emparer des nouveaux-nés s’il estimait que leur future « éducation morale » était en danger. Dans les premières années de la démocratie, le trafic d’enfants, y compris la vente de bébés, se serait poursuivi, parfois dans des cliniques gérées par des institutions catholiques. Lorsque ces faits ont été révélés, les autorités espagnoles ont pris des mesures pour faciliter les recherches des familles. Mais de nombreuses plaintes ont été classées sans suite par la justice et l’Eglise fait systématiquement obstruction, toujours selon les associations.
Depuis 2008, le célèbre juge Baltasar Garzón dénonçait le vol d’enfants et considérait qu’il s’agissait d’un crime contre l’humanité, et, partant, d’un crime imprescriptible. Mais en février 2012 le juge fut accusé de prévarication, ce qui remit en cause la poursuite de la procédure contre les abus de la dictature franquiste. Du temps de son enquête, le juge avait notamment cité un document d’une institution religieuse, qui chiffrait à près de 31000 le nombre d’enfants de prisonnières politiques placés sous tutelle de l’Etat entre 1944 et 1954 . Des enfants qui, de manière « systématique, préconçue et avec une volonté véritablement criminelle », auraient été soustraits à des familles qui ne se soumettaient pas au régime franquiste.
Des milliers de femmes républicaines venues accoucher dans les hôpitaux en ressortaient sans leurs bébés. La mère biologique entrait d’un côté et la mère adoptive sortait avec le bébé d’un autre côté. Ces enfants étaient déclarés morts nés, on changeait simplement leurs noms. En fait, l’enfant, bien vivant, était placé sous la tutelle d’une famille proche du régime franquiste, pour être rééduqué. Ce sont les religieuses qui étaient chargées de voler les enfants, elles utilisaient leur influence et l’autorité de l’Eglise pour faire taire les plaintes des mères. C’étaient elles aussi qui venaient annoncer aux familles la mort du nouveau-né. L’église catholique espagnole se donnait bonne conscience car il s’agissait de rechristianiser des enfants nées de mères rouges et républicaines. El juez
La scène de la reconnaissancer
Le livret d’Angelika Messner ne parvient malheureusement pas à rendre vraiment compte du drame de ces mères et des ces familles à qui le franquisme et l’église catholique ont arraché leurs enfants. Pas plus que la musique de Kolonowits, le texte n’arrive à exprimer l’intensité dramatique et le déchirement de ces véritables infanticides moraux. Sans doute ces horreurs sont-elles indicibles, mais c’est précisément l’indicible que l’art de l’opéra permet souvent le mieux d’approcher. Angelika Messner aligne les lieux communs et utilise les procédés classiques du roman noir. Elle met en opposition les figures de deux protagonistes. Le chanteur Garcia a composé une chanson sur la disparition de son frère arraché au sein de leur mère par les autorités, la chanson est devenue l’emblème de la résistance des familles qui réclament justice. Le juge Ribas doit sa nomination à un Président fascisant qui le somme d’interdire la publication des archives d’un couvent. Le juge se soumet à l’injonction mais est bourrelé de remords. Le final est attendu: le juge, lui-même orphelin élevé dans un couvent où il était devenu le favori de la Mère supérieure, une femme en mal de maternité et qui avait jeté son dévolu sur l’enfant, est en fait le frère disparu du chanteur.
Messner termine par le topos d’une reconnaissance qu’elle essaye de dramatiser: le chanteur kidnappe la fille du juge, il finit par la relâcher, et est abattu. Les deux hommes se reconnaissent pour frères au moment où le chanteur, mortellement touché par une balle, agonise. Les contours des personnages manquent de définition, cependant que le récit essaye d’accéder à l’universalité en évitant de citer nommément les circonstances espagnoles. L’homme fort du récit est un « Président », alors que l’Espagne post-franquiste est une monarchie constitutionnelle. Si le propos est cependant bien compréhensible, le livret est décevant, manque de naturel, et l’action dramatique tombe souvent à plat parce qu’on en sent trop les ficelles. La mise en scène a été confiée au directeur artistique du Théâtre de Bilbao, Emilio Sagi, qui, de concert avec Daniel Bianco pour les décors, situe l’action devant et dans un couvent entièrement grillagé comme une prison. Une grande grille monte et descend du cintre selon les moments de l’action pour définir les espaces du récit: l’extérieur du couvent avec les familles des enfants volés qui manifestent et exigent l’ouverture des archives, l’intérieur du couvent, la maison du juge.
Avec de très beaux moments scéniques: ainsi lorsque la grille se lève pour faire place à la maison des Garcia au moment de l’enlèvement du nouveau né, ou encore ce début de scène où deux nonnes venant l’une de cour l’autre de jardin poussent à grande vitesse deux énormes meubles métalliques avec leurs grands tiroirs de classement jusqu’au moment où les meubles s’entrechoquent violemment. Les mouvements de foule expriment plus la lassitude d’un combat qui s’éternise que la violence des revendications et les sbires du Président relèvent de la caricature. Si la mise en scène souligne bien les antithèses voulues par le livret, ainsi de ces deux nonnes, la Mère supérieure convaincue de son bon droit et d’avoir servi l’église opposée à la la jeune nonne désobéissante et compassionnelle qui livre la clé des tiroirs d’archives au chanteur, elle respecte entièrement le texte et en subit les limitations. Le compositeur autrichien Christian Kolonovits livre ici une très belle partition extrêmement harmonieuse, et immédiatement accessible au plus grand public, ce qui est plutôt rare dans la composition d’un opéra contemporain.
Kolonovits traite le drame comme une comédie musicale, en spécialiste qu’il est de la musique de cinéma, en combinant des éléments classiques,- une instrumentation qui par certains aspects rappelle parfois les couleurs de Strauss et plus souvent de Puccini, avec des accents du vérisme italien- avec des rythmes empruntés au jazz et à la musique pop. Cela donne une belle partition, avec bien sûr des références à la musique espagnole, par l’utilisation d’instruments, la guitare ou le marimba, et par les thèmes, et des percussions très chantantes. L’orchestre l’interprète de manière très convaincante, servi de plus à Erl par l’acoustique remarquable de la nouvelle salle. Le bémol vient du manque d’intensité dramatique d’une musique qui ne traite qu’en superficie les horreurs évoquées. Un autre écueil tient à ce que la composition qui s’était basée sur le texte du livret en allemand a dû être en partie revue au regard des sonorités nouvelles de la traduction espagnole.
David Giménez Carreras, le neveu du chanteur, dirige avec précision et grande sensibilité l’excellent orchestre du festival tyrolien et le choeur Rossini péparé par Gerardo Carbajo. José Carreras, qui chante désormais davantage dans le baryton, interprète à merveille les indécions et les doutes qui déchirent le juge et livre ici le résultat d’années d’un travail scénique abouti à un public qui lui prodigue un accueil enthousiaste et chaleureux, et des applaudissements nourris. On sort de ce spectacle profondément ému par l’engagement de l’artiste et l’aura qui émane de sa personnalité engagée. Aux côtés de cette somme d’expérience, on découvre deux artistes espagnols, Sabina Puértolas (Paula) et José Luis Sola (Alberto) qui apportent à l’interprétation leur dynamisme juvénil avec une technique bien maîtrisée. La très belle ‘interprétation de l’abbesse par Ana Ibarra est remarquable d’intensité, avec une forte présence en scène, un phrasé remarquable, et une large tessiture de mezzo, il s’agit sans doute du personnage le plus remarquable et, sur le plan psychologique, le mieux défini et le plus nuancé du livret. La basse Carlo Colombara incarne avec conviction et talent le rôle du méchant, celui d’un Président qui rêve d’un retour aux jours meilleurs de l’âge d’or, c’est du moins ainsi qu’il définit la dictature.
Encore pour une représentation dans la Maison du Festival d’Erl ce vendredi 15 août.
Crédit photographique: Kupfer Media
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