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François Nourissier, la mort du « pape de la littérature française »

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Avec la disparition de François Nourissier, ce n’est pas qu’un hommage à un écrivain français de talent qu’ont souligné les médias. Cette mort est aussi celle du « pape de la littérature française », un faiseur de prix, un homme très influent dans  le monde de l’édition français…

François NourrissierHommage à un habitué des éditeurs et de la littérature française dont la vie a terminé comme un mauvais roman.

L’homme portait la barbe blanche comme un vieux patriarche ou d’un gentil gourou. Il avait 83 ans et demi et il était considéré comme l’un des très rares écrivains français « influents ». « Influents » surtout parce qu’il symbolisait l’édition (chez Denoël et Grasset) et un peu l’Académie Goncourt depuis 1977, secrétaire général six ans plus tard et même président pendant six ans jusqu’en 2002.

Il a achevé sa vie dans la détresse morale et physique ce mardi 15 février 2011. Sans barbe. Depuis 1995, la maladie de Parkinson le rongeait et petit à petit, sa mémoire s’estompait, ses doigts se crispaient, ses muscles se recroquevillaient. En 2008, il quitta toutes ses responsabilités pour demeurer dans son fauteuil, puis son lit.

Il avait laissé cette année-là un témoignage poignant avec son dernier livre, « Eau-de-feu » : le calvaire que subissent les conjoints d’alcooliques. François Nourissier avait mis de côté le manuscrit depuis longtemps. Trop chaude tentative d’écriture. Peut-être la mort de son épouse, Cécile Muhlstein, en mai 2007, a-t-elle été pour quelque chose ?

Il racontait la lutte terrible contre l’alcoolisme solitaire de Cécile, celui honteux de cacher partout des bouteilles de vodka, de whisky, de gin et même d’eau de Cologne. C’était une lutte parallèle avec sa propre « Miss P. », une maîtresse qui s’était invitée et introduite dans son corps sournoisement. P comme Parkinson.

Nourissier décrivait ainsi sa femme : « Reine esseulée, éperdue, éponge à chagrins et à liqueurs fortes ». Cures, urgences, haine, mutisme, suspicion, menaces… le lot quotidien pendant une décennie de la destruction massive qu’entraîne l’alcool.

Au même moment que mourut sa femme, son fils aîné disparut soudainement, victime d’une tumeur au cerveau. De quoi rendre l’écrivain désabusé de la vie, endeuillé, pendant que lui rongeait la maladie inéluctable.

Le 10 avril 2008, Jérôme Garcin le décrivait alors ainsi : « Il se survit en tremblant, les yeux rouges baignés de larmes, la barbe humide, la chevelure trop longue, le corps à l’abandon, le cœur à la dérive. ».

Plusieurs années auparavant, le 13 avril 2000, Jérôme Garcin essayait déjà la description de cette horrible maladie qui « le contraint désormais à dactylographier ses lettres personnelles, au pied desquelles grelotte une maigre signature. Elle lui donne « une démarche de pâté de foie », un air d’hydrofoil aplati, elle le fait s’agripper, dans les escaliers, à l’épaule d’inconnus et, saisi d’une ivresse d’abstème, tituber, l’été, sur la passerelle d’un bateau. Dans les dîners où jadis il brillait, les plats soudain lui échappent, chaque bouchée est un calvaire, la sauce coule, la conversation se fige, il bafouille, flageole, gêne et, comble du supplice pour ce conteur-né, il ennuie. ».

Selon Garcin, « dernier grand écrivain au sens où on l’entend dans les manuels scolaires, c’est-à-dire jouissant d’une autorité et d’une surface sociale, François Nourissier s’applique à effacer de sa biographie l’image du notable au moment précis où, en France, la littérature a cessé d’être une grandeur d’établissement ».

Vingt-cinq livres en cinquante-sept ans et trois mille chroniques littéraires en trente-cinq ans, tel est le bilan d’un homme peu imbu de lui-même, qui ne se voyait pas génial, mais qui savait qu’il avait du style.

Il avait d’ailleurs rédigé en 1988 (et en 2003) sa propre notice bibliographique dans le « Dictionnaire des écrivains contemporains de langue française » dirigé par Jérôme Garcin (éd. des Mille et une nuits).

Le dernier combat public que François Nourissier a gagné par procuration, ce fut l’attribution du prix Goncourt à Michel Houellebecq le 8 novembre 2010. Ce dernier lui en est d’ailleurs reconnaissant : « J’ai envie de remercier François Nourissier qui s’est tant battu pour que j’aie le prix. Son état de santé ne lui permet plus de siéger, mais lui permet de prendre de mes nouvelles, et je crois qu’il va être heureux d’apprendre que j’ai fini par avoir le prix Goncourt. ».

Pourtant, Nourissier n’était pas du genre à se mettre des œillères sur « les champs clos du copinage et de la courtoisie » du milieu littéraire. En 1956 déjà, il rappelait avec sagesse, dans « Les Chiens à fouetter » (réédité en 2009) : « Ne confondez donc pas les livres avec le bruit qui entoure leur succès ! ».

Jean d’Ormesson est l’un des premiers à lui rendre hommage et il le fait comme il aurait fallu le faire : « Il faut dire que pour moi, cette mort qui est un grand chagrin, est un grand soulagement. (…) Il souffrait énormément et la fin de sa vie a été extrêmement cruelle. (…) Il a été le pape de l’édition et le pape de la littérature française. ».

Il est mort comme un pape, comme le pape Jean-Paul II.

C’est cela aussi l’égalité malheureuse des humains.
Il n’y a pas que l’heure et le lieu : personne ne sait quelle fin lui est réservée.

Salut l’artisan !

françois nourissier

Sylvain Rakotoarison

Pour aller plus loin :
Notice de François Nourissier par lui-même (1988).

Sylvain Rakotoarison

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