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Gondrin : voyage dans le temps dans la rue des Cornières

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Beaucoup de scientifiques ont toujours rêvé de pouvoir remonter le temps, repartir dans le passé. Le cinéma a exploité cette folle idée mais jamais personne n’a réussi à changer d’époque par le biais d’un phénomène physique ou d’une machine sophistiquée. Est-il vraiment besoin d’un engin créé par des savants fous pour  voyager dans le temps ?


Non !  J’ai, ce dimanche, eu l’occasion de pouvoir voyager au début du siècle dernier, d’une certaine manière. Ce voyage inter temporel était possible grâce au travail qu’a fourni,depuis le mois de Septembre 2009 , l’association « Belle Garde » et une partie des habitants de Gondrin : ils ont, le temps d’un week-end, rendu à la rue des Cornières, plus vieille et plus pittoresque rue du village, ses charmes d’antan.

L’originalité de l’exposition en question m’intriguait, et j’étais d’autant plus motivée pour m’y rendre que l’association avait fait l’emprunt de quelques unes de mes photos consacrées à un sabotier ,croisé dans un marché de l’ancien temps en la belle ville de Fleurance l’an dernier. Je m’attendais donc à une simple exposition de photos dans les rues et quelques éléments décoratifs. Un petit truc sympathique apportant gaieté, couleurs et quelques anecdotes sur la vie de cette rue il y a quelques décennies.

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Et bien j’ai été tout simplement bluffée en constatant l’ampleur de l’exposition, des moyens mis en œuvre, du travail accompli et de l’investissement de chacun. Le projet a pris pour support l’ouvrage La rue des Cornières à Gondrin de Roger Lazartigues, écrit en 1989 et qui évoque avec nostalgie, sensibilité et passion ce qu’était cette rue commerçante au début du XX e siècle. Les archives ont également été décortiquées afin de pouvoir tout remettre dans le contexte ancien et découvrir ou redécouvrir quelles enseignes et quels personnages font partie de l’histoire des maisons actuelles. Ce sont des gens passionnés et amoureux du territoire et du patrimoine qui ont fait de cette exposition une réussite. Au gré de ma visite de l’exposition et après avoir fait connaissance avec Claudine Peuvrel, présidente de l’association Belle garde, j’ai pu échanger quelques mots avec certains d’entre eux. L’énergie de Mme Peuvrel est impressionnante, son dynamisme est sans doute le reflet de l’amour qu’elle porte à ce village et les environs. J’ai apprécié également l’anecdote  du larcin infantile (j’y reviendrai ensuite) racontée avec humour par le monsieur qui tenait l’une des épiceries reconstituées, il y avait quelque chose de touchant, de vrai, de nostalgique. Les explications et descriptions données par chacun montraient un enthousiasme sans borne. Quant à l’archiviste du coin, passionné d’Histoire, il m’a confié avoir adoré participer à ce projet !  Et pour couronner le tout, une bonne partie des organisateurs portaient des costumes d’époque. On s’y croyait vraiment et il aurait été presque possible de faire son marché chez l’épicier, d’aller faire un tour chez le sabotier, d’aller voir la couturière ou de s’acheter du bon pain frais de la boulangerie…

Le voyage dans le temps va bientôt commencer. Attachez vos ceintures, je vous emmène avec moi dans la première moitié du siècle dernier !

C’était donc Dimanche matin que je me suis rendue à Gondrin. Après un samedi coincée à la maison à cause d’un violent mal de dos, je n’étais même pas sûre de pouvoir m’y rendre. Heureusement, dimanche, j’étais en forme, ça m’a permis de pouvoir partir sur le coup de 8h45 de chez moi et malheureusement sous la pluie.

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Un piètre 13 degrés m’a convaincue de partir avec mon gros manteau et je me demandais si à Gondrin, bien au Nord Ouest de chez moi, j’allais subir l’affront du mauvais temps. Mais plus je me dirigeais vers la Ténarèze et plus le temps semblait devenir plus clément. Une fois à Gondrin, vers 10h10, j’ai pu constater que le temps était bien moins capricieux et plutôt beau ! Je me suis garée dans l’une des petites rues descendantes et je me suis dirigée au hasard vers le clocher.

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J’ai trouvé après une jolie place fleurie, une porte qui menait sous un couvert donnant sur la rue des Cornières, mais j’ai préféré descendre pour être sûre de ne pas commencer du mauvais côté. Il y avait des photos, des  aménagements de boutiques anciennes et de l’animation de part et d’autre de cette grande rue.

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Sur une placette en bas de la rue, quelques engins agricoles étaient exposés. Sur une vitrine, des photos retraçant l’évolution de la rue des Cornières depuis le début du XX e siècle et à l’intérieur du bâtiment vitré, des livres à consulter , un coin consacré au café et aux jeux.

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J’ai donc remonté la rue découvrant sur une fenêtre quelques affiches publicitaires anciennes et colorées, le coin consacré au coiffeur et ses outils et son nom en gascon « Lou perruquié ».

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Puis je suis tombée sur l’affiche avec les photos du sabotier que j’avais prêtées à l’occasion. Un sabotier qui n’était autre que le grand père de Roger Lazartigues.

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Un peu plus loin la reconstitution d’une autre épicerie avec une tenante souriante et de grands pots de verre remplis de friandises.

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A certaines fenêtres de grands draps blancs étaient étendus, sertis de fleurs sauvages. Comme l’explique Roger Lazartigues dans son ouvrage, ce rite était pratiqué à la veille de la Fête Dieu : « Les ménagères sortaient les plus beaux draps de leur trousseau, les suspendaient à l’aide de filets ou de grosses cordes contre les murs de la façades et les enjolivaient de fleurettes, de marguerites des champs, de feuilles de magnolias piquées au tissu par des épingles » (1).

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La rue des Cornières resplendissait. Sous les embans j’ai eu le grand plaisir de découvrir tous les secrets de la fabrication de la croustade exposés dans un grand tableau énumérant étape par étape la confection de ce dessert typiquement gascon. Ce panneau se trouvait contre la maison où avait vécu La Nini dou Paul qui fût « le cordon bleu » du village.

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De droite à gauche, les découvertes n’en finissaient plus : le charron, le tonnelier, le cordonnier, la boulangerie d’Emile Truau, une autre couturière …

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Puis j’ai osé entrer dans ce qui s’appelait « Pharmacie » au fond de laquelle étaient reconstituées des scènes de la vie quotidienne et où l’on pouvait découvrir une multitude d’objets anciens.

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Mes pas m’ont menée pour continuer dans l’arrière boutique d’une boulangerie. Là se trouvait un ancien four, une balance mais aussi les moules où l’on calibrait le pain. La dame qui s’occupait de ce coin là de l’exposition m’a confirmé que tout est là d’origine. Elle m’a conviée à remarquer l’incroyable profondeur du four et la longueur des pelles qui menaient le pain au plus près du feu.

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Quand je suis entrée dans la mairie, temporairement transformée en école car les lieux étaient auparavant ceux de l’école des filles, j’ai, à l’odeur des vieux livres, eu la sensation de retourner dans la petite école primaire où j’étais lorsque j’habitais dans l’arrière pays Niçois. Et pourtant ça n’était que dans les années 1990 ! Les vieilles cartes de France sur les murs étaient les mêmes et ce  parfum de livre, cette ambiance écolière… J’ai adoré pouvoir voir ces vieux bureaux d’écoliers, leurs fournitures, les vieux cartables et observer les écritures élégantes de leur pleins et déliés sur les cahiers.

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La visite de l’exposition m’a permis de découvrir la petite église dans laquelle des photos d’événements religieux comme les mariages, baptêmes et communions étaient mises en valeur sur des grilles. C’était l’occasion pour moi d’admirer l’intérieur de l’édifice, les splendides vitraux, les voûtes et les statuettes.

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En redescendant j’ai pu faire la connaissance d’un artiste peintre dont j’admire particulièrement le travaill Gilles Brasseur dessine et peint le Gers avec beaucoup de talent et j’avais déjà croisé les tuiles qu’il peint dans le village de Saint-Orens-Pouy-Petit où il est installé depuis plus de 15 ans maintenant. L’art pictural est quelque chose qui lui plait depuis qu’il est enfant, mais le Gers l’a particulièrement convaincu de se mettre à explorer son talent. C’est ainsi qu’il restitue à merveille la magnificence du Gers par ses réalisations à la fois joyeuses et colorées. Je reviendrai sur cet artiste gascon ultérieurement. A l’occasion de l’exposition, il a réalisé la vitrine de la boutique du Tonnelier.


 

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C’est en flânant ici où là, en revisitant encore et encore l’exposition que j’ai croisé Madame Peuvrel, la présidente de l’association que j’avais vue en photo dans un article de La Dépêche. «Bonjour, vous êtes Madame Peuvrel ? ». Elle répliqua « Oui, c’est moi, vous êtes Gersicotti Gersicotta ? ». J’aime bien ce pouvoir métonymique que peut avoir mon blog. Les présentations faites, elle m’a fait rencontrer une partie des acteurs de l’exposition qui ont tous eu le droit de me connaitre sous le nom de « Gersicotti Gersicotta avec deux t », comme s’appliquait la présidente à préciser lorsqu’elle les invitait à venir découvrir ce blog. Ça a été l’occasion de pouvoir discuter avec le monsieur qui tenait l’exposition grandeur nature d’une ancienne épicerie et qui, pour la reconstituer, avait sorti tout ce qui se trouvait dans son grenier. Il m’a raconté une anecdote amusante : les enfants s’amusaient à chaparder les bonbons dans le gros pot à bonbons de l’épicière sans que celle-ci ne s’en aperçoive. Ils profitaient toujours du fait que cette dernière était occupée avec un client pour glisser leur main dans le gros bocal de bonbons. Un jour, il n’y avait pas de client, alors pendant qu’un de leur copain occupait l’épicière en lui demandant de la craie, les deux autres s’empressèrent d’à nouveau voler quelques bonbons. En sortant ils se montrèrent leur butin mais lorsque leur camarade avec la craie les avait suivi, l’épicière était aussi sortie de la boutique. Elle avait vu le larcin dans leurs mains mais n’avait pas fait de scandale, ni appelé la police. Les enfants n’osèrent plus venir dans le magasin pendant un temps. Mais quand ils revinrent, elle les accueillit chaleureusement par un « bonjour mens » en gascon qui signifie « bonjour MIENS », comme s’ils faisaient partie de la famille. La bonbonnière était pleine, toujours pleine et se re remplissait après leurs petits larcins, comme-ci, un jeu tacite s’était instauré entre l’épicière et ces enfants gourmands !

 

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Magnifiquement décorée de fleurs, d’objets anciens, de bancs et d’étoffes d’époque, l’exposition bénéficiait également d’un alambic géant qui occupait une cour entière.

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Au gré de cette nouvelle visite en compagnie de madame Peuvrel je lui ai posé une question : « Comment avez-vous eu cette idée ? ». Parce que pour mettre en place une si belle exposition, il faut un départ, quelque chose qui aura créé une première petite étincelle. L’inspiration lui est venue de l’ancienne façade du tonnelier encore présente. Elle s’est dit alors que ce serait bien de faire revivre un temps les commerces et la vie d’antan de cette rue, vieille rue de Gondrin, l’un des derniers coins du village à encore rappeler ce passé quand l’urbanisation moderne a pris peu à peu possession des alentours. C’est un patrimoine que l’on peut sauver, entretenir et animer et une telle exposition avait sa place et était une idée indubitablement excellente ! Pour une première, c’était une belle réussite, j’espère qu’elle inspirera de nombreux villages qui  ne l’ont pas encore osé, à mettre en valeur ce qu’il leur reste de leur patrimoine ancien de cette façon et j’ai hâte de voir la seconde édition !

Ah oui, et je peux dire maintenant, qu’il n’est nul besoin de calculs scientifiques extravagants ou de machines étranges et spectaculaires pour voyager dans le temps. Grâce à l’association « Belle Garde » et l’énergie collective, les visiteurs auront pu, le temps de l’exposition, faire un petit voyage dans le passé  qu’eux et moi ne sommes pas prêts d’oublier !

(1) La rue des Cornières à Gondrin, Roger Lazartigues, 1989

Sylvie Wawaa
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