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Hadriana dans tous mes rêves – René Depestre

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Encore un petit détour dans les Caraïbes, terre bénie pour les amateurs de littérature ensoleillée et ensorcelée, sensuelle et charnelle, avec ce roman du grand auteur haïtiens, René Depestre. Une histoire où Baron-Samedi mène la danse avec ses guénés et ses mambos pour faire des funérailles qui respectent les rites vaudou, à la belle Hadriana décédée le jour de ses noces et qu’un sorcier voudrait zombifier. Un petit bonheur de lecture, une friandise arrosée de clarin.

Et, chantent et dansent les mots charnus et ensoleillés, sensuels et charnels et même un brin graveleux, en une sarabande endiablée sous la plume ensorcelée de Depestre pour raconter l’histoire d’Hadriana, l’histoire d’Hadriana et de Patrick, le narrateur, à Jacmel, en Haïti, qui prend forme au début de l’année 1938 et dure peut-être encore aujourd’hui.

Cette histoire commence par deux décès concomitants, celui de Germaine qui veut revoir le port avant de mourir mais qui ne peut réaliser son rêve, même si son fils promène son cadavre orné d’un papillon, un sphinx, en guise de loup et celui d’Hadriana que le sphinx a séduite, comme moult autres femmes, avant qu’elle décède sur les marches de l’autel en disant « oui » à son futur époux. Mais en Haïti, le vaudou mélange toutes les cartes, le sphinx n’est en fait que Balthazar Granchiré, un séducteur effréné qui a possédé toutes les belles femmes de la région et qu’un sorcier a transformé en papillon pour le punir de ses forfaits sexuels.

Dans la panique qui suit le décès d’Hadriana, les adeptes du vaudou s’emparent de la dépouille de la défunte, malgré les efforts des christianistes, et organisent un rituel vaudou pour que Granchiré, accusé du meurtre ne s’accapare pas le corps de la défunte pour la zombifier. Un long rituel, en forme de carnaval haut en couleur et riche en symboles sexuels et autres, conduit la belle à sa dernière demeure qui n’est, en fait, que très provisoire puisque sa dépouille est dérobée dans la nuit, au grand dam des populations qui craignent de voir paraître un nouveau zombie dans la ville. Mais, le statut de zombie est-il pire que celui de ces pauvres hères privés de tout, mêmes des libertés les plus élémentaires ? L’auteur s’interroge, « dans une société à très faible coefficient de droit et de liberté, l’insécurité absolue du zombie vaut-elle, sur le plan mythique, l’extrême détresse de la condition humaine qui caractérise la vie dans ma moitié d’île ? » Ainsi, s’achève le premier mouvement de ce roman qui en compte encore deux autres consacrés à la quête de la belle par le narrateur, amoureux éperdu, qui la recherche de part le monde entier et au récit de la zombification manquée de l’héroïne.

Dans ce superbe texte aux couleurs caribéennes, Depestre met en évidence les rites vaudou qui constituent l’affirmation de la dignité des noirs haïtiens qui veulent conserver leur identité afro-haïtienne et le souvenir de leurs origines. Ce qui l’amène à démontrer l’opposition entre le christianisme où le pratiquant cherche à mériter ici bas la belle vie qu’il aura dans l’au-delà et le vaudou dont l’adepte voudrait faire perdurer les plaisirs de la vie dans ce bas monde en transcendant la mort par la fête et le sexe. « En Europe, …, dans les prières, les fidèles font appel aux yeux, aux mains, aux genoux, aux lèvres. Le charme d’Haïti devant Dieu tient dans le fait que les hanches, les reins, les fesses, les organes intimes interviennent dans les mouvements élevés de l’âme comme autant de forces motrices de rédemption. »

Mais, l’auteur va encore plus loin, si on considère les obsèques d’Hadriana, on pourrait penser qu’il pencherait pour un syncrétisme entre les deux formes de pratique qui souderait la nation haïtienne dans une même croyance autour de sa dualité africaine et française.  « Le volcan musical réduisit en cendres les obstacles légendaires entre Thanatos et Eros, au-delà des interdits jetés entre les spermatozoïdes des mâles noirs et les ovules des femelles blanches. » Mais il faudra qu’Eros déploie encore ses talents avec persévérance et assiduité pour combler l’avantage abyssal pris par Tanathos il y a quelques mois. Rappelons que le présent livre a été édité en 1988, deux ans seulement après que Baby Doc a été éjecté de son siège de dictateur mais en un temps où personne ne soupçonnait encore le grand malheur que les forces telluriques allaient infliger à cette demi-île sans que Baron Samedi y soit, cette fois, pour quoi que ce soit.

Denis Billamboz
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