Combien de fois je me suis amusée dans les interminables heures de transport ou dans
mes longues plages de solitude, à scruter le visage des Chinois, à tenter de
lire ce qui se cachait derrière leurs paupières baissées, ces « paravents
de l’âme ».
Femmes, ethnies Buyi, et Miao (long horn Miao)
Mon point de vue d’occidentale sur l’Asie et les asiatiques
n’est pas simple. J’ai besoin de magnifier et de parer de mystère ce continent
que j’approche tout en le souhaitant inaccessible. Beau paradoxe. Fantasme de
croire au merveilleux à l’heure où la Chine fabrique nos slips et nos
chaussettes, et puis nos voitures et nos avions. A l’heure où l’on atteint
Beijing,Shanghai, ou Bangkok en quelques heures de sommeil.
Toute l’humanité du monde dans leur regard et pourtant elles ont connu la révolution culturelle
A l’heure où les
ouvriers en retraite de la Ruhr se payent des baby-dolls thaïlandaises qui leur
font de si beaux enfants que leur géniteurs les
exhibent comme des trophées, tandis que leur femmes miniatures – leur
avenir assuré – se payent en douce des amants de leur âge avec lesquels elles
rigolent et font « l’amour dans la même langue », sans avoir à faire
semblant de jouir, ou qui, tout simplement, les entretiennent avec l’argent du
mari farang ! A l’heure où pour quelques milliers de bahts ou centaines de
yuans, on se fait livrer les secrets des massages et de la cuisine thaïe, l’art
millénaire de la calligraphie chinoise ou la pratique de la médecine
tibétaine….
femmes ethnie Buyi, et Tibétaine
Peut-on
encore parler aujourd’hui « d’Orient compliqué » comme disait de
Gaulle ? Tout ce qui est facilement accessible, tout ce que l’on peut
toucher du doigt ou du cœur, ne perd t’il pas automatiquement sa part de mystère ?
Ethnie Li
Mais
je n’ai pas envie de renoncer au naïf espoir que derrière chaque visage, chaque
regard plissé, chaque sourire de façade, chaque ride creusée par le malheur ou le
bonheur, se cache un monde d’énigmes fascinantes à décrypter.
Alors
que je suis perdue dans toutes ces pensées pseudo philosophiques, je me trouve,
d’un coup, confrontée à une réalité banale mais terrible, celle des toilettes publiques chinoises. Pas de
porte, pas de sanitaire non plus, mais
une simple rigole de ciment creusée dans le sol et passant d’une cabine à
l’autre sans la moindre goutte d’eau courante.
Prise
dans un flux de conversations, de bruits étranges et dans une atmosphère de
rires et de pure décontraction, je me dirige sans hésiter et sans respirer,
quasiment en apnée, vers ce lieu infâme et pourtant « humain trop
humain » (écrivait Nietzsche).
A Ziyun. Elles sont en admiration devant un post de télévision sans image. Fascinant.
Les
yeux bien ouverts, je marche sur la pointe des pieds avec mille précautions
exagérées, comme si je voulais marquer ma différence, comme si je voulais
prouver que moi, européenne, je ne méritais pas cette horreur cent pour cent
chinoise. Mais très vite, je comprends qu’ici, sous le regard intrigué des
femmes qui jacassent en attendant leur tour, je ne suis rien de plus qu’un de
ces milliards d’êtres sur la planète, reliés entre eux par plus de points
communs que par des différences.
Chacun attend son tour
Vouloir me distinguer par une attitude prétentieuse
peut satisfaire mon ego l’espace de quelques secondes, mais sûrement pas
humilier celles qui me regardent avec curiosité et amusement. J’esquisse un
sourire de complicité et me glisse bravement dans la file d’attente des femmes,
mes sœurs aux yeux rieurs, mes sœurs au rire communicatif, tandis qu’un peu plus loin, dans la file des
hommes, des grands pères en casquette bleue allument des cigarettes qu’ils
continueront de fumer tout en bavardant, accroupis au-dessus de leur petite
rigole nauséabonde, sans la moindre gêne, sans la moindre pudeur. au vu de tous. Chinois,
quoi ! Et du coup sans mystère
Les plus jolies pour la fin….
Demain je vous emmène sur la route du the et des chevaux, une « chevauchée » a 4 roues avec un chauffeur tibétain et sa musique…
Entre les lignes (ou les rides ?)
Tandis que WikiLeaks fait des ravages dans l’univers de la diplomatie et dans le monde entier, que, par voie de conséquence, le botox d’Hillary Clinton est en train de rendre l’âme, que l’on prend conscience de l’hypocrisie des américains et que le monde a deux visages….
Tandis que l’on fête l’anniversaire de « papa » à grand frais (pour le plaisir de tous ?) et que tous les petits snobinards branchés de Bangkok et de Chiang Mai se sont donnés rendez-vous à Nimmanheimin Promenade…
Que les derniers appareils photos shootent tout et n’importe quoi à tour de bras et que les ondes – jusqu’ici indolores et parait-il inoffensives – des Blackberries vous transpercent les neurones…
On voudrait que le monde soit lisse. Qu’on ne dise jamais f…, qu’on ne dise jamais que S……est un nabot, que P……est un caractériel, que B……… est un sauteur, que B …….est l’homme le plus riche du monde (remplissez les cases si vous pouvez)…. Il va de plus en plus falloir lire entre les lignes car après le déballage de WikiLeaks, diplomates et journalistes (gaffe aux « off’), vont devoir se surveiller en permanence.
La Thaïlande, derrière son sourire eternel et systematique (« Yim laeaw ko ying » : souris d’abord, flingue après), est en train de suivre une mode du lissage absolu. Non pas celui de la parole, là-dessus c’est quasiment déjà fait avec les « mots sucrés » (« paak houan »), et cette façon – à cause du « kreeng jai » – de ne dire ce que vous avez envie d’entendre… Non, mais du lissage de l’apparence, du lissage du visage… je veux parler de la mode du botox.
Femme Karen, Om Khoi
Dans un rayon de 100 mètres autour de mon appartement j’ai répertorié 5 officines (appelées « clinic » pour rassurer ceux qui auraient encore des craintes) de botox. Dont l’une annonce : 1 botox payé, 1 botox offert !
J’ai fait ma petite enquête : des garçons et des filles au visage parfaitement inexpressif et souvent de moins de 28/30 ans ont déjà recours au botox. « Untel l’a fait, alors moi je le fais aussi » ! C’est le côté mouton, grégaire des thaïlandais ! Une mode, comme les appareils dentaires.
Chine, Yunnan, sur la route de Lijiang
Ne dire que des choses agréables, toujours sourire, ne montrer aucun sentiment ou ressentiment, avoir un visage parfaitement lisse qui n’exprime ni colère ni passion….. les thailandais sont sur la bonne voie d’un monde tel qu’on voudrait qu’il soit !
Et f… ! moi j’aime les visages ridées des femmes Hmong, Karen, j’aime les gens qui disent F…, ou M…. (selon la langue), j’aime les gens qui se fâchent (ca me dédouane), les gens qui ont des colères et des passions…. Et avec beaucoup de persévérance, je parviendrai peut-être un jour a mettre mon « chéri » en colère. J’y travaille.
Femme vietnamienne aux dents laquees . Sur la route de la “Perfumed Pagoda”