Partons à la découverte d’une île en Bretagne : l’Ile Houat…. Depuis toujours les îles ont exercé sur moi un attrait irrésistible. Je ne plais à les imaginer, puis à les approcher, les découvrir, les parcourir, ensuite me les rappeler. J’en ai visitées beaucoup en Manche, en Atlantique, dans le Pacifique, en Méditerranée. Je les aimées toutes pour leur beauté, leur isolement, leur mystère et me suis laissée bien volontiers envoûter par leur charme. Aujourd’hui, je vous propose la visite de l’une d’entre elles, située entre Belle-île et le Golfe du Morbihan, non loin de sa jumelle Hoëdic.
» Dans tout rocher, il y a quelque chose d’informe qui s’efforce pour être vu. Un rocher n’est pas quelqu’un qui a été, c’est quelque chose qui va être « . Henri de Régnier
L’archipel d’Houat appartient au vaste quadrilatère marin qui comprend les presqu’îles de Quiberon, Rhuys et Guérande, quadrilatère que les géographes ont dénommé – par opposition à Mor Bihan – » Mor Braz « , celui-ci formant l’extrême limite sud de la terre bretonne. Dès l’approche, l’Ile Houat frappe par l’élégance de ses anses sableuses, son littoral découpé que baigne une eau couleur d’émeraude et par son aspect sauvage de grand rocher battu par les vents.
Ici sur l’Ile Houat, le paysage apparaît tel qu’il devait être aux premiers printemps celtiques. Ni clôture, ni murets, ni poteaux électriques, ni barrières, ni routes ; tout est resté comme au premier matin du monde et, une fois que l’on a tourné le dos au bourg, qui, pareil à un douar africain regroupe ses quelques maisons blanchies à la chaux autour de son lieu de prière, on emprunte le sentier de randonnée qui serpente au long de la falaise et permet – si l’on dispose d’un peu de temps et que l’on est bon marcheur – de faire le tour complet de l’île en 4 ou 5 heures. A chaque tournant sur l’Ile Houat, le visiteur à tout loisir de s’émerveiller à la vue des paysages qui mêlent les arbrisseaux noueux, les tamaris, les immortelles jaunes ou encore l’avoine de jasmin, les oeillets de falaise et les oyats, aux lointains de mer qui se profilent dans une brume légèrement ouatée, soit l’île soeur d’Hoëdic, soit Belle-île, Groix ou la côte sauvage de Quiberon.
Il fait beau en cette matinée de juin, alors que le bateau, qui assure le ravitaillement et le courrier depuis Locmariaquer – nous dépose à Port-Gildas. C’est en ce lieu gai et animé dès l’aube que se concentre l’activité de l’île. Sur l’Ile Houat, on dit que la terre est aux femmes et la mer aux hommes. Les pêcheurs – car il n’y a pas d’autre activité masculine – alignent leurs embarcations en épi le long du môle, abandonnant aux plaisanciers le centre du bassin. Leur flottille rassemble une cinquantaine d’esquifs et ce sont une centaine d’hommes qui officient durant l’année pour piéger crustacés et poissons dont le bar et le congre. Quatre cents habitants demeurent sur l’Ile Houat à l’année mais le chiffre double facilement au moment des vacances d’été, lorsque les inconditionnels de ces longues plages sauvages où viennent s’épuiser des vagues crêtées d’écume d’un bleu transparent, n’ayant rien à envier à celles des Antilles ou de l’océan indien – se joignent aux permanents afin de goûter à l’intimité authentique d’une nature épargnée par la modernité et le tourisme de masse.
Noces somptueuses des eaux marines, du ciel et des roches, on ne sait où donner du regard face à la splendeur dépouillée et encore vierge de cette terre isolée au large de nos côtes qui, à l’époque mésolithique, formait une crête granitique avec Hoëdic, rattachées l’une et l’autre à la presqu’île de Quiberon et prolongeant ainsi le massif armoricain.
Aujourd’hui une quinzaine de mille et des eaux peu profondes les séparent du littoral, mais ces eaux n’en sont pas moins dangereuses. Y abondent îlots et rochers et le vent y souffle continûment au point que le phare délimitant le passage porte bien son nom de Teignouse.
Histoire de l’Ile Houat ; menace des navigateurs étrangers
L’Ile Houat, dont l’histoire se confond avec celle d’Hoëdic, n’a cessé d’être menacée par les navigateurs Anglais et Espagnols qui croisaient dans les parages. Elle fut deux fois envahie par les Britanniques au 17e et 18 ème siècle et abrita, en 1795, deux mille officiers et soldats royalistes rescapés du débarquement de Quiberon – la position relativement distante de ces îles préservant les rencontres avec les émigrés de Londres.
Appauvris par les invasions, les habitants connurent une extrême misère et ne subsistèrent que grâce au commerce de cabotage, à la production de fromages de chèvre et aux maigres récoltes de blé noir. Il n’était pas rare que l’on se contente pour repas d’un hareng posé sur un quignon de pain. De nos jours, les îliens vivent mieux grâce à la pêche, à l’agriculture et au tourisme, par chance encore discret – 32 ha de marais ont été acquis par le Conservatoire du littoral et sont ainsi définitivement protégés.
Le long des ruelles de l’Ile Houat, les pimpantes maisons du bourg se découvrent dans un repli du sol, abritées des ouragans avec leurs toits bas serrés les uns contre les autres comme pour » faire tête au vent » et cimentés pour mieux lui résister. Au sommet de la falaise, le cimetière marqué d’un lech et d’une croix de granite laisse découvrir le port et la presqu’île de Rhuys. Saint Gildas, figure marquante du monde celte était né en Ecosse en 493 et, après avoir accompli sa sainte mission en terre de Rhuys où il fonda la célèbre abbaye, mena une vie d’ermite dans l’île où il s’était retiré pour y finir ses jours. On peut très bien l’imaginer foulant la lande tapissée de genêts, d’armeries roses, d’immortelles et de liserons comme nous le faisons, et s’y abîmer dans la réflexion que des terres livrées à la vigueur des éléments ne peuvent manquer d’inspirer.
Ile Houat, paradis des botanistes et joyau de la nature
Après la côte nord par laquelle nous avons amorcé notre tour de l’Ile Houat et qui nous a promené par une sente boisée, piquetée de bosquets d’arbres dont les sombres éventails des pins maritimes vibrant mollement sous la brise, et sertie de criques comme autant de pierres de la plus belle eau – nous débouchons sur la lande ouest d’une âpreté grandiose qui, telle une proue de navire, projette sur l’horizon sa succession de roches sculptées par les vents et habitées par une quantité d’oiseaux marins : les cormorans huppés, les goélands bruns, les huîtriers-pies, les bernaches, les sternes, les tournepierres, les pétrels, les mouettes tridactyles, dont les cris rauques ou joyeux sont intensifiés par l’écho des grottes qui se creusent profondément dans les falaises rouges – qui flamboieront au couchant – et se découpent ainsi qu’une savante broderie.
En contre-bas, l’admirable plage de Treach’er Venigued nous attire. Pas âme qui vive. Comment résister, alors que la chaleur s’intensifie, à plonger dans le remous des vagues, fraîches certes, mais ô combien stimulantes ! – tandis qu’autour des rocs l’eau fermente comme du lait avec un bruit d’orage.
L’Ile Houat est, par ailleurs, un paradis pour botanistes. Le nard de lys est son joyau. Cette espèce rarissime ne se rencontre qu’ici ou bien en Algarve ( Portugal ) et en Galilée, tandis que de nombreuses autres se côtoient comme le notait déjà en 1875 Alphonse Daudet dans ses » Souvenirs d’un homme de lettres ». » Chemin faisant, nous remarquons la flore de l’île étonnante sur ce rocher battu des vents : les lys d’Houat, doubles et odorants comme les nôtres, de larges mauves, des rosiers rampants, de l’oeillet maritime dont le parfum léger et fin forme une harmonie de nature avec le chant grêle des alouettes grises dont l’île est remplie ».
J’y ajouterai le parfum entêtant des chèvrefeuilles qui courent à même la lande et des troènes qui forment des haies mousseuses comme l’écume d’une vague végétale.
La côte sud de l’Ile Houat, contrairement à la côte nord, est davantage livrée au gigantesque espace et on l’imagine l’hiver prise dans le double remuement des nuages bas et des marées puissantes. Pour lors, notre alentour est serein et les nuages, qui nous accompagnent, ne sont que de pacifiques cumulus qui gonflent leurs joues comme des montgolfières. Nous terminons notre balade par la côte est et la superbe plage de Treach’er Goured qui entoure la pointe Tal er Hah et semble posée comme une couronne d’or sur ce que l’on pourrait considérer comme la tête de l’Ile Houat, coulée de sable d’une surprenante ampleur où viennent mourir les jardins des plus riches demeures. Bien abritée des vents, elles est la plus fréquentée mais, si immense, que l’on peut s’y isoler à volonté.
Au large croisent voiliers et vedettes qui se balancent paisibles sur ce miroir fragmenté de vert ardoise et de bleu azur. Un instant de détente pour délasser nos mollets fourbus et l’heure est venue de descendre au port et d’embarquer sur le bateau qui nous reconduira à Locmariaquer. Que de visions éblouissantes se bousculent dans nos esprits, alors que l’Ile Houat s’éloigne et que nous apercevons, dans la douce lumière du soir, l’entrée du Golfe et l’harmonieuse parenthèse de ses côtes, journée ponctuée de flashs étincelants, tandis que l’on imagine l’île rendue à sa solitude insulaire et s’enveloppant lentement dans les brumes.
Les îles ou le rêve toujours recommencé
Pour se rendre sur l’Ile Houat, possibilité de bateau à Locmariaquer, Quiberon et Port Navalo.
Site à consulter : Ile HOUAT dans le Morbihan
Pour déguster les meilleures galettes de Bretagne, se rendre » Chez Loulou » où vous serez servi sur une terrasse vous offrant une vue imprenable sur la mer ( 02-97-30-67-88 )
La photo du port n’est pas celle du port de Houat
Un article passionnant qui me ramène à mon enfance et les vacances à l’île de Houat, camping sauvage, bateaux et pêche. Que de bons souvenirs..ma madeleine de Proust.