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Israël à travers ses auteurs : lectures depuis la Terre Promise

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Lectures depuis la Terre promise

Découverte de quelques auteurs de la littérature israélienne juive.. Dans ces contrées d’Israël en ébullition permanente depuis plus d’un demi-siècle, nous quitterons, l’espace d’une étape littéraire, le monde musulman pour une brève incursion en territoire israélien à la rencontre d‘une riche littérature dépositaire d’une culture pluri millénaire largement entretenue par le apports des juifs de la diaspora revenus sur la terre de leurs ancêtres pour créer ce sanctuaire qu’ils pensent nécessaire à la survie de leur peuple.

Au cours de ce bref séjour, nous rencontrerons des écrivains qui, contrairement à la règle que je me suis fixée, ne sont pas nés sur la terre israélienne car ce peuple comporte une forte population d’émigrés venus chercher refuge sur cette terre originelle pour participer à la création de cet état biblique ou simplement retrouver une certaine sécurité qu’ils avaient perdue dans leur vie antérieure. Nous rencontrerons ainsi Aharon Appelfeld venu de Roumanie, Amos Oz descendant d’émigrés d’Europe de l’Est (Lituanie et Ukraine, alors Pologne) et enfin Michal Govrin, fille d’un fondateur de l‘état israélien et d’une survivante de la shoah. Nous ferons cette visite sous la conduite d’une jeune écrivain, Ron Leshem, fortement marqué par la débâcle de l’invasion de l’armée israélienne au Sud Liban.

jérusalem

Beaufort de Ron Leshem (1976 – ….)

«Si l’enfer existe, c’est à ça qu’il ressemble: la forteresse de Beaufort ! » C’est la première impression d’Erez, car Linaz ça ne fait pas assez viril pour son supérieur hiérarchique, un jeune soldat israélien qui découvre cette forteresse pendant la guerre du Liban à la fin des années quatre-vingt-dix. Il affronte le froid, la saleté, la puanteur, la promiscuité, la peur, … et la mort de son ami, décapité par un obus.

Quelques années après, il revient dans ce fort à la tête d’une section qu’il a formée comme « une machine de guerre » pour combattre pour son pays. Il va transcender ces gamins à peine sortis de l’adolescence, leur inculquant l’esprit de corps, la solidarité, la fraternité, le sens du sacrifice et du devoir envers la patrie. Mais, progressivement, la guerre s’enlise, les combattants se terrent dans leur forteresse, les supérieurs rechignent à se battre, le pays ne croit plus en ses troupes, la guerre perd tout son sens et les soldats se demandent ce qu’ils font là et pourquoi ils se feraient tuer pour une cause qui n’existe plus.

Ce roman c’est en fait, l’histoire de la déroute des troupes israélienne au Sud Liban au tournant du millénaire. Tsahal qui avait l’habitude de triompher de ses ennemis sans coup férir avec l’appui de tout un peuple mobilisé, se trouve brusquement mis en échec par une guerre qui n’en n’est plus réellement une. Les soldats sont cantonnés dans leurs fortifications et subissent les assauts des ennemis sans pouvoir riposter. La guerre a changé, le combat s’est déplacé sur le front de l’opinion publique et la manipulation de l’information paralyse le pouvoir politique et fragilise les soldats qui se plaignent : «de chasseurs, nous sommes devenus gibiers…Nous ne sommes plus que des cibles qui encaissent sans riposter, des cibles dans l’attente des coups

Ces soldats abandonnés par les leurs, livrés à la vindicte d’un ennemi mille fois plus motivé et soutenu par le monde entier, pour qui «la guerre est un rêve, la paix, un cauchemar… ! ». Comme Barbusse en permission à Paris, ils éprouvent cette profonde scission qui s’instaure entre le peuple et son armée. «Tout le pays grouille de gens qui n’y comprennent que dalle à l’armée, mais savent mieux que tous ce qu’il faut faire.» Ces soldats qui ne comprennent pas que la guerre ne se gagne plus les armes à la main mais dans les médias, auprès de l’opinion publique et qui ne sont plus que des pantins qu’on manipule pour leurrer les populations. «Ca a bousillé les mômes d’entendre à la radio qu’on ne croit pas à ce qu’ils font. » Et, le retour au pays se fait dans l’incompréhension, l’incrédulité, le déphasage, avec la honte, les séquelles, les gueules cassées, et tout ce qui ne sera pas dit… qu’on ne peut pas dire.

C’est aussi l’histoire de ces grands adolescents devenus des hommes sous le feu de l’ennemi qui ont tutoyé les limites de l’humanité, approché les frontières de l’enfer et sont devenus des seigneurs de la guerre, des capitaines Conan, frères d’armes qui ne seront jamais compris et qui auront toujours une certaine difficulté à revenir dans le monde civil dont ils ont remis en cause nombre de valeurs y compris la religion. Ces hommes qui ont repoussé les limites de la vie là, où ceux qui n’ont pas combattu n’iront jamais et ne comprendront jamais ce qui s’y trouve. Et, «… si la paix n’est pas établie d’ici là, je veux que mon fils connaisse ce que j’ai connu, les défis, les souffrances et la peur. Parce que ça m’a poussé à regarder le monde d’une manière différente, à découvrir les choses les plus essentielles à mes yeux : l’amour de la famille, l’amour de la vie, leur fragilité.» Faut-il vraiment tant de souffrance, de douleur, de morts … pour pouvoir comprendre tout cela?

Et la vraie question qui reste en suspens à la fin de ce livre n’est pas de discuter sur l’inutilité de cette guerre mais de savoir pourquoi l’auteur la juge inutile. Serait-ce pour nous signifier que la guerre n’apportera jamais une solution pérenne à la cohabitation des peuples dans ce pays ou plus cruellement, pour nous rappeler qu’on n’a pas donné les moyens à l’armée de résoudre le problème comme elle l’aurait pu? Et, pour ma part, j’ai la triste impression que Leshem fait partie de ceux qu’on appelle les «faucons » ceux qui croient fermement qu’Israël ne peut que détruire ses voisins et ennemis pour assurer sa pérennité et sa sécurité.

J’aurais préféré refermer ce livre avec une autre impression car c’est un bon livre qui commence comme le crépitement d’une uzzi dans une embuscade mais qui rapidement reprend le rythme de tout bon roman juif, ou presque, expliquant, expliquant encore et encore comme pour être sûr que le lecteur a bien compris le message.

Badenheim 1939 de Aaron Appelfeld  ( 1932 – … )

Dans une parabole évoquant la déportation des juifs vers l’Est de l’Europe, Appelfeld fait vivre la petite station balnéaire de Badenheim en Autriche qui s’éveille au printemps pour accueillir les touristes. Mais, «Vers la mi-mai, un discret avis apparut sur le panneau d’affichage, conviant les citoyens juifs à aller se faire recenser par le service sanitaire avant la fin du mois.» Et, progressivement la douce station se transforme en un camp de transit pour les juifs de toute conviction: juifs qui revendiquent leur judéité, juifs qui l’ont reniée, juifs qui l’ont oubliée, juifs qui ne connaissent pas leur part de judéité et même juifs qui ne sont pas très juifs. Tout un peuple qui se met en marche vers la Pologne comme tous les juifs d’Europe furent dirigés vers les camps qui leur étaient réservés pendant la dernière guerre mondiale.

Ailleurs peut-être de Amos Oz  ( 1939 – … )

Nobélisable depuis plusieurs années, Amos Oz est né à Jérusalem de parents venus de Pologne (actuellement de Lituanie et d’Ukraine). C’est l’écrivain des kibboutz dont il conte, notamment dans cet ouvrage, la vie quotidienne avec ses joies et ses petits malheurs. Et, en l’occurrence les problèmes de cet établissement installé à quelques kilomètres de la frontière jordanienne où le héros principal, délaissé par son épouse, s’éprend d’une femme mariée dont l’époux obtient, à son tour, les faveurs de sa fille qui, elle, repousse son jeune amoureux pour cet amour à hauts risques. Alors, de cette complexe histoire d’amour naît un drame sordide. Un livre sur les passions impossibles qui explosent dans un monde hostile, aux confins de l’angoisse et de la peur, dans la promiscuité et le confinement sécuritaire imposé par les risques environnants.

Sur le vif de Michal Govrin  ( 1950 – … )

Ilana, brillante architecte, décide de partir à Jérusalem pour finaliser son projet pendant que son mari dont elle s’éloigne progressivement, part pour Moscou et Kiev étudier des archives particulièrement précieuses dans sa chasse aux anciens nazis et à toutes formes de renaissance d’une telle idéologie. Elle emmène avec elle ses enfants et espère bien retrouver son bel amant arabe à Jérusalem mais la conjoncture internationale en décide autrement. En effet, la guerre du Golfe se fait de plus en plus plausible, dressant les deux communautés l’une contre l’autre. Mais elle décide, tout de même, de maintenir son séjour malgré la pression de son entourage et notamment de son mari. Elle va ainsi vivre l’angoisse et la peur des Israéliens sous la menace des missiles irakiens mais aussi une belle fraternité avec ses voisins et un retour aux sources sur la terre de ses ancêtres, dans les pas de son père décédé un an auparavant seulement.

Denis Billamboz

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