Il y a, chez le peintre Jean-Pierre Sergent, du sorcier, du chaman parti à la recherche de l’être humain dans ses pulsions les plus profondes, dans ses rapports secrets et parfois oubliés avec la nature ; son œil observe et analyse les relations d’influences réciproques de l’homme et du monde, si l’on veut bien entendre par « monde » à la fois l’ensemble des forces naturelles, voire surnaturelles, qui l’entoure et le mode d’organisation sociale dans lequel il vit.
Si le rôle de l’artiste, dans une société, consiste à nous faire nous interroger, à nous ouvrir les yeux sur ce que nous ne voyons pas ou, plutôt, sur ce que nous ne voulons pas voir, alors, il n’y a aucun doute possible, Jean-Pierre Sergent est bien « du bâtiment », comme disait Degas.
La nouvelle exposition de son Mayan diary a eu lieu en mai 2011, au musée des Beaux-arts de Mulhouse. Que se cache-t-il derrière ce « Journal » (au sens de journal intime et, pourquoi pas, de carnet de voyage) ? Une œuvre monumentale, évolutive, modulaire, commencée à New York il y a une dizaine d’années, poursuivie à Besançon où l’artiste s’est aujourd’hui établi, composée d’abord sur papier, puis sur panneaux de plexiglas, exposés seuls ou regrouppés, supports de sérigraphies aux couleurs vives, acidulées.
A première vue, la pièce maîtresse, un mur de 10,50 x 2,10 m pourrait sembler décorative ; ce serait cependant une erreur de la considérer ainsi. Car chaque panneau nous impose différents niveaux de lecture et il convient, avant de l’aborder totalement, d’apprendre à exercer notre regard. Il faut apprendre à distinguer l’évident du caché, le visible du moins visible ; il faut apprendre à décrypter les symboles semés dans cette superposition graphique complexe où se retrouvent art précolombien, animaux des cultures anciennes, scènes érotiques, bondage, figures de mangas et symbolique géométrique.
Inventaire à la Prévert ? Pas vraiment, car tout est ici calculé, fruit d’une longue recherche plastique et spirituelle, de transes chamaniques, de références mystiques. Derrière le chaos apparent, se profile une harmonie visuelle, un univers vibrant, en constante mutation, qui se présente avant tout comme un hymne à la vie. Jean-Pierre Sergent initie son public, pour reprendre un mot d’Antonin Artaud, à « ce fantastique dont on s’aperçoit toujours plus qu’il est en réalité tout le réel. »
Illustrations : “Mayan Diary”, 2007-2010, acrylique sérigraphié sur plexiglas, 1,40 x 1,40 m – Large Papers, 2007-2010, acrylique sérigraphié sur papier Rives BFK, 1,20 x 1,07 m.
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