Jeronimus est une bande dessinée de Christophe Dabitch et Jean Denis Pendanx, qui emporte le lecteur dans les Indes Orientales au XVIIème siècle à l’époque où colonisation et commerce se rencontrent pour ouvrir ce qui est finalement la première mondialisation.
Le 29 octobre 1628, le vaisseau Batavia lève l’ancre dans le port d’Amsterdam. Sa destination: les Indes orientales (actuelle Indonésie) qui sont en train, progressivement, de passer sous la coupe de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, véritable multinationale du XVIIe siècle, l’un des fers de lance de ce capitalisme moderne au coeur de la première mondialisation.
A bord: 341 passagers dont 38 femmes et enfants et une troupe de soldats.
Il s’agit de commercer mais aussi de coloniser. Parmi ces passagers, Jeronimus Cornelisz, 31 ans, apothicaire à Haarlem, Hollande, Provinces-Unies. Les raisons de sa présence à bord sont mal connues: escrimeur, ayant fréquenté le cercle des amis du peintre hérétique Torrentius qui choque la bonne société protestante d’Amsterdam, Jeronimus a perdu sa fille unique de la syphilis. Des rumeurs ont couru alors sur lui, sur sa fréquentation des bordels en compagnie de Torrentius où il aurait attrapé la maladie, sur sa femme, accusée d’être une dépravée, tandis que les deux époux accusent la nourrice de la lui avoir transmis par l’allaitement…
Toujours est-il que Jeronimus est à bord du Batavia. Bientôt, une sourde rivalité oppose Jeronimus à Pelsaert, le représentant de la VOC (acronyme désignant la Compagnie des Indes) et donc supérieur au capitaine car armateur du navire. Jeronimus se prend à parler ouvertement de ses conceptions hérétiques et espère séduire Lucretia, une ravissante femme éplorée qui est à bord pour rejoindre son mari dont elle n’a pas reçu de nouvelles depuis de longs mois…
.jpg)
Voilà la passionnante histoire (que j’ignorais totalement pour ma part) que Christophe Dabitch a choisie de scénariser. Pour la mettre en images, il a collaboré avec Jean-Denis Pendanx qui dessine ses planches en s’inspirant visiblement du style hollandais de l’époque. Ce duo s’est fait remarquer par sa précédente oeuvre, Abdallahi, primée à Blois.
Tous les ingrédients sont réunis pour en faire une épopée passionnante, récit au croisement des enjeux d’une époque tout aussi passionnante: la mondialisation capitaliste avec la Compagnie des Indes, les interrogations concommitantes sur Dieu, sa place, et celle de l’Homme et la figure de l’île, laboratoire de toutes les utopies (que l’on songe à Thomas More) et de toutes les déviances alors que la morale protestante, au milieu de l’océan Indien, s’évanouit…

Ces deux travers alourdissent le scénario qui perd en substance, en vie. En fait, à force de s’interroger en voix off sur ce que fait son personnage, Dabitch ne parvient pas à le faire vivre. Du coup, Pendanx nous livre de véritables « peintures » (ainsi qu’il le dit) mais sans véritable inspiration: que veut-il montrer en peignant le visage de Jeronimus en gros plans? Un homme du XVIIe siècle? Un fou? Un hérétique? Finalement, j’ai l’impression que les deux auteurs ne savaient pas exactement ce qu’ils voulaient dire avec cette histoire, et c’est bien dommage.
- Les Onze de Pierre Michon (Editions Verdier) - Août 20, 2014
- Chroniques de Jerusalem de Guy Delisle ; une naïveté construite - Juil 5, 2014
- La mort de Staline: l’agonie de Staline en BD selon Fabien Nury et Thierry Robin - Juil 5, 2014

