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La faute à qui ? (ou le produit de notre société)

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Il y a des jours où le malaise est plus fort que la légèreté de l’air éclairé pourtant d’un timide et exceptionnel rayon de soleil. Je suis dans ma coffee-shop habituelle… et j’attends mon café préparé par Sandra, une des étudiantes qui travaille dans cet établissement bio. A côté de moi, un grand noir avec une capuche sur la tête, d’une saleté et d’une odeur repoussantes (Pas d’énervement intempestif, je raconte une histoire « telle quelle » sinon elle n’a aucun sens,… et un « fait » n’est pas un « jugement »). Donc, c’est tout simplement insupportable. Saleté et odeurs à mettre sur le compte de la pauvreté, du manque de soin de soi et pour des circonstances qu’il n’est pas difficile à imaginer…  Bref, je ne suis pas une sainte, mais je ne m’éloigne pas, je ne marque aucun dégoût, je me contente de respirer par la bouche pour ne pas me trouver mal. Mon plateau est à côté du sien. Il y jette son petit chocolat qui accompagne habituellement le café. Je le remercie et lui dis en souriant, mais toujours en respirant par la bouche : « Comment avez-vous deviné que j’aimais le chocolat ? »  Question qui ne reçoit que quelques borborygmes en réponse. Puis le client à capuche va s’asseoir au fond de la salle, tandis que je m’assieds à distance – respectable – Eh je n’ai jamais dit que j’étais sœur Theresa.

Aussitôt assis, l’homme se met à parler avec colère. Je jette un œil, persuadée –  bien que cela semble improbable – qu’il a trouvé un compagnon de table, mais il est seul et s’adresse à des compagnons invisibles, des fantômes sans doute. Des fantômes qui le hantent apparemment. Il les invective, les bouscule, les provoque avec véhémence et ardeur : « Vous m’avez mis sur un bateau  et vous m’avez dit d’y aller hein. Alors j’y suis allé » « A quoi bon avoir un ordinateur ou un jeu vidéo de plus, de toute façon on est seul. Personne à qui parler »…

Je plonge dans mon journal et tache de me concentrer sur un article mais je sens le malaise autour de moi. Les autres clients se sont écartés, gênés par l’odeur. D’autres jettent des regards inquiets à la ronde, mais personne ne se plaint au personnel et au bout d’un moment, tandis que l’homme continue de crier, chacun retourne à ses occupations : lecture, bavardage ou mastication.

Sandra, la jeune étudiante vient près de moi – nous avons sympathisé depuis mon retour en France et je sais qu’elle est d’origine danoise et à Paris pour apprendre le français tout en travaillant pour payer ses études – elle me dit : «  Sorry for this ».

Comme les cris de colère continuent, la « responsable » de l’établissement va trouver l’homme et lui demande poliment mais fermement de quitter les lieux. Elle n’a pas peur, elle fait son travail. L’homme lui jette à la figure ; « Tu vas devoir te prendre un avocat » qu’il répète plusieurs fois. Il y a des moments où l’on se dit que tout est possible. L’homme est sûrement un malade. Psychopathe ? je n’en sais rien, mais pas « bien » dans ses baskets. Un petit courant de peur passe dans la salle… et si l’homme sortait un couteau ou s’il allait s’attaquer à la jeune responsable ?  Elle s’éloigne et laisse l’homme prendre sa décision.

Apres quelques minutes, il quitte sa table, passe devant le comptoir où Sandra s’affaire autour de sa machine à café et lui lance, suffisamment fort pour que tout le monde entende : « sale race » !

Silence. Aucune réaction. Quelques minutes plus tard, Sandra vient vers moi et me demande ce que l’homme a dit. Elle n’a pas compris, son français est encore balbutiant. Pas facile de lui traduire ces mots. Ils ont du mal à passer mes lèvres.

Blog _3256

Je sors…. Un homme d’une quarantaine d’années, barbe et cheveux longs en catogan, vient vers moi. Je sais ce qu’il va me demander, je ne me dérobe pas, je le regarde en face et attend qu’il formule sa requête. Il ouvre la main et me montre quelques pièces de monnaie… « Vous pourriez m’aider un peu… ». Je lui souris et glisse 2 euros dans sa main tendue. Il s’exclame : « j’ai de la chance aujourd’hui… Regardez ! je ne récolte que des pièces jaunes habituellement ». On parle. « Le plus dur ce n’est pas de dormir dehors… » J’attends la suite. « Non, le plus dur, vous comprenez, c’est ….de mendier, de demander de l’aide aux gens… ». On bavarde encore un peu sur les circonstances qui l’ont mené là : perte de travail, impossibilité de régler un loyer trop élevé… » Avant de m’éloigner pour de bon, je lui demande son nom. « Laurent » me répond-t-il. « Laurent, bon courage à vous » je lui dis… Il me rattrape par le bras : « et vous » ? « Moi ? » « Oui, votre nom.. ».  Je lui dis. Il sourit… Il n’est plus un mendiant anonyme. Et je ne suis plus une passante anonyme Mais il y a des jours où l’on voudrait être une fée et régler quelques problèmes autour de soi..

Michèle Jullian

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