Les radionautes qui écoutent les radios d’ailleurs par jeu et par goût des autres le font souvent gratuitement, pensant que l’herbe radiophonique des grandes ondes est plus verte que dans le champ de sa bande FM domestique. Cold waves (en français la guerre des ondes), documentaire tout juste mâtiné d’une petite dose de distanciation brechtienne de Alexandru SOLOMON vient fort à propos rappeler que les ondes, non brouillées et passant les frontières, peuvent aussi être un trait d’union avec son propre pays.
En racontant l’histoire des programmes en roumain de Radio Free Europe de l’après-guerre à 1989, en mettant en exergue les tentatives avortées – malgré attentats et empoisonnements lents – de la Securitate de mettre fin aux émissions de cette radio financée par les Américains, Alexandru SOLOMON nous raconte aussi l’histoire de simples particuliers, ouvrier, enseignante (aveugle), psychologue, dont la dissidence a trouvé une résonance par le biais des ondes. Si peu de citoyens aux temps glorieux de Ceaucescu étaient émetteurs d’un message critique par rapport aux acquis du Sonderweg de la Roumanie socialiste – qui a tant fasciné les Etats-Unis, la France, l’Allemagne de l’Ouest…-, beaucoup d’entre eux étaient récepteurs des messages plus ou moins subtils relayés depuis Munich par cette radio. Et à force d’écouter cette radio, la secousse tellurique qu’a été la révolution de 1989, imprévisible et pourtant attendue, a certainement été rendue pensable pour ceux qui à Timisoara puis à Bucarest se sont soudain dit, à quelques jours de Noël, que leur voix pouvait aussi être entendue.
En contrepoint désabusé, le témoignage d’un ancien responsable de l’unité chargée par la Securitate de tout mettre en oeuvre pour destabiliser cette radio, devenu député du parti Romania Mare (extrême droite), vient aussi nous rappeler que la Roumanie d’aujourd’hui, faute d’assumer et d’analyser son passé, peut aussi laisser libre court au plus odieux révisionnisme historique, allié objectif d’un mercantilisme de courte vue : l’opium du peuple aujourd’hui en Roumanie, c’est peut être le culte de la consommation et de l’image instantanée d’un autre bonheur irréel…
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