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La Nouvelle-France, le marquis escroc et les émigrants naïfs.

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Un marquis breton au XIXème siècle. Port-Breton, un port qui n’est ni un port, ni breton. Des émigrants naïfs. Des morts en trop. L’histoire vraie du marquis de Rays et de sa colonie la Nouvelle France. 

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La déception fut amère.

Le contrat présenté par ce beau marquis Français, d’origine bretonne, ne parlait pas de marécages infestés de moustiques, ne mentionnait pas la chaleur poisseuse et accablante. Il ne s’étalait pas non plus sur les autochtones, garnis de plumes et de gourdins, peu enthousiastes par l’arrivée de ces colons, fourbus par quatre mois de traversée houleuse à bord d’un minable navire, L’India.

Quelques heures suffiront à se rendre à l’évidence. Ils avaient été roulés dans la farine par le marquis Charles Maria Bonaventure du Breil, marquis de Ray, né le 2 janvier 1832 au château de Quimerc’h dans le Finistère.  Il hérite du titre de marquis en 1838, et plus tard s’autoproclame au choix Empereur d’Océanie et/ou Roi Charles 1er de la Nouvelle-France.

Au lieu d’une nouvelle colonie, baptisée pompeusement la Nouvelle-France, ils débarquent en effet près de l’île de Lambon, dans l’actuelle Nouvelle-Irlande, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. A l’époque, c’était encore largement une terra incognita, pas encore colonisée par les Allemands, un de ces derniers bastions vierges où pouvaient encore fleurir les utopies les plus folles.

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Mais c’est une terre ingrate, truffée de naturels patibulaires, infestée de paludisme. Ils sont sans eau potable, sans logements, sans nourriture. Sans rien.

Il est bien entendu que le roi Charles 1er de la Nouvelle-France n’avait jamais posé le pied sur son royaume de papier. Il avait en revanche levé près de 60’000 euros (une somme phénoménale à l’époque) auprès de souscripteurs aisés mais naïfs ainsi qu’auprès de naïfs mais pauvres émigrants potentiels en quête d’une nouvelle Terre promise.

Le projet consistait à bâtir une nouvelle colonie, la Nouvelle-France, une belle terre jeune et vierge, là-bas très loin, en Mélanésie, où tout pousse à foison, où les autochtones sont nus et aimables. Bref, n’écoutez pas les mauvaises langues et les rabat-joie, venez plutôt dans mon royaume pour y bâtir une vie meilleure.  

Les Gouvernements Français et Italiens, mis en alerte par quelques articles de presse, mirent en garde ces émigrants. Ce marquis est un escroc, disaient-ils. Sans résultat.

La force d’y croire poussa  donc ces 300 Italiens — hommes, femmes et enfants — à quitter leur province italienne et aller embarquer à Barcelone, le marquis jugeant plus prudent d’appareiller d’Espagne.

Le marquis avait promis des titres de noblesse à ceux qui achetaient le plus de lopins de terre.

A leur arrivée, donc, la déception. Des outils sans manche. Des poules sans coq. Un moulin alors qu’aucune céréale ne pousse dans ces marécages maléfiques. Le peu de nourriture restante après la traversée suffit à nourrir les 300 personnes pendant deux jours. Les enfants furent les premiers à mourir. Bientôt suivis par les adultes. Près de 80 colons meurent de faim, de soif, de maladie.

 

Fuir. Il fallait fuir. Après la déception, le désespoir.  

Les 220 survivants repartent sur l’India, en mauvais état,  et débarquent en Nouvelle-Calédonie, une autre terre française. Mais d’après les écrits consignés par le  commandant du James Paterson, un vaisseau australien qui les amena en Nouvelles-Galles du sud, en Australie, « à ce stade, les colons en avaient assez de la France ».

La suite est bien documentée. Les colons sont installés en Nouvelle-Italie, un coin lointain au nord de Sydney où ils fondent une colonie. A l’heure actuelle, la ville est fantôme, mais il existe encore un petit musée qui raconte leur terrifiant périple.

Le marquis est arrêté en Espagne, extradé et jugé en France. Il purgera six ans de prison et finira dans un asile d’aliéné. Il meurt en 1893.

Cet épisode poussa la colonie britannique de l’Australie à installer le « Protectorat anglais en Nouvelle-Guinée » en 1884.

Cette histoire, que je trouve fascinante, est bien racontée dans le livre « L’odyssée de Port-Breton ou le rêve océanien du marquis de Rays ». 

Je ne peux pas m’empêcher de penser que si j’avais été en quête d’une vie meilleure, j’aurais peut-être entendu parler de ce marquis breton et marron, j’aurais sans doute rêvé de Port-Breton et j’aurais peut-être atterri en Australie. A moins que je ne fusse tué par les autochtones ou décimé par le paludisme.

 

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Damien Personnaz

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