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La saga des émigrants de Vilhelm Moberg : épopée passionnante (Littérature suédoise)

la saga des émigrants

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 La saga des émigrants de Vilhelm Moberg (Littérature suédoise) raconte l’histoire de paysans pauvres qui dans la Suède du XIXème siècle ne peuvent plus vivre de leur labeur et décident d’émigrer vers la terre de tous les possibles : l’Amérique. Leur aventure, forte en émotions et en personnages passionnants, est celle d’une vie. Une épopée.
 
la saga des emigrants
 

 


La saga des émigrants : la vie au pays, la Suède rurale du 19ème siècle


«  Mjödahult est une des plus anciennes fermes de Ljuder. Son nom est cité dans le procés-verbal d’un jugement deux cent ans avant la découverte de l’Amérique. La famille Niba habite et cultive cette ferme aussi loin que l’on remonte la mémoire des générations et depuis qu’il existe des documents écrits. »

Nous sommes en Suède, dans le Smaland, le 19è siècle en est à peine à sa moitié et les paysans courbent l’échine sous le labeur et la domination de l’Eglise luthérienne. Le rythme des saisons scande le quotidien jusqu’à ce que le système, qui paraissait jusqu’alors immuable, commence à se fissurer lentement mais sûrement. En effet, l’érosion des bases d’une société immémoriale due aux partages incessant des terres au fil des héritages, les paysans ont de plus en plus de difficulté à vivre de leurs terres, trop morcelées, trop amenuisées au cours des générations: ils ne peuvent plus vivre décemment car les terres viennent à manquer! Le labeur incessant n’assure guère la pitance des familles, la pauvreté et surtout les mauvaises récoltes dues aux intempéries comme aux sécheresses, ouvrent les oreilles de certains aux échos remplis de promesses venus du Nouveau Monde, celui où des terres vierges et fécondes sont à acquérir pour rien!

 

 
Karl Oscar Nilsson et Kristina, son épouse, suent et triment sur leurs lopins de terre pauvres où les pierres sont plus nombreuses que l’humus: la famille s’est agrandit, les enfants sont faim et Karl Oscar n’est guère confiant en l’avenir. Robert, son jeune frère, pas vraiment paresseux mais épris de liberté rêve de l’Amérique et se jure bien de partir y vivre un jour, lorsqu’il aura économisé sur sa paie de journalier, lorsqu’il pourra se libérer du joug d’un maître. La mort atroce de la fille aînée de Karl Oscar, au cours d’un hiver de famine, va sceller le destin de la famille: au printemps, ils partiront pour l’Amérique, terre promise d’une vie meilleure. C’est ainsi que par un jour pluvieux du printemps naissant, la famille Nilsson laisse au pays les vieux parents, pour émigrer, en compagnie d’autres villageois de la paroisse (une femme de mauvaise vie excommuniée et sa fille, une famille de paysans hérétiques, un homme marié en rupture de couple et un jeune journalier ami de Robert) et quitter sans espoir de retour la terre qui les a vus naître.
 

Commence alors une étonnante, une superbe, une poignante et gigantesque saga digne des sagas anciennes: l’épopée d’un groupe de paysans suédois, parti sur les traces de leurs ancêtres aventureux pour fonder un nouveau foyer et connaître une nouvelle vie en plongeant dans l’inconnu. Du pont du Charlotta aux plaines fertiles du Minnesota, Karl Oscar et sa famille ne baisseront jamais les bras face à l’adversité ou aux deuils. La traversée, longue de dix semaines, rythme les espoirs et les regrets des uns et des autres: Kristina est enceinte et manque de perdre la vie, Karl Oscar plus roc que jamais s’accroche à son rêve, Robert apprend l’anglais afin de pourvoir communiquer une fois arrivé en Amérique, Arvid suit aveuglément Robert, Ulrika, La Joyeuse, s’avère être la plus solide de tous en échappant tant au mal de mer qu’aux divers désagréments d’une vie maritime tandis que Danjel et la vieille Fina-Kajsa deviennent veufs.

 
 

Emigrer vers la terre promise : New York, la terre de tous les possibles


Le calvaire s’achève enfin à New-York, où nos émigrants n’en croient pas leurs yeux: la foule, la végétation, le pain blanc que l’on peut acheter, le lait frais, autant de preuves de l’existence de la terre promise! New-York point de départ vers une autre vie dont la route sera bien longue et périlleuse: nos Suédois empruntent pour la première fois le train puis le bateau à aube avant d’accoster enfin sur un territoire presque inexploré. New-York et ses étranges sirènes qui chantent un air de liberté et d’or à Robert: l’appel de la Californie entre en lui pour ne plus le quitter; un jour, il sera chercheur d’or, deviendra riche et sera enfin libre! Mais il est temps de reprendre la route vers le Minnesota, cornaqués par un compatriote qui les aident à éviter les pièges tendus aux nouveaux immigrants…nos Suédois ne sont plus des émigrants et deviennent des immigrants qui doivent réussir à trouver leur place dans la jeune, bouillonnante et toujours en évolution société américaine.

La terre promise existe mais seulement pour celui qui saura vivre sereinement son déracinement, qui survivra au mal du pays et qui se retroussera les manches pour défricher, préparer er ensemencer cette terre fertile qui ne demande qu’à être ouverte par le soc de la charrue. La vieille Fina-Kajsa retrouve un fils perdu, dépressif et sans volonté de valoriser son « chaim » (terre délimitée par le pionnier avant la régularisation par les services de l’état): la Suède lui manque, l’Amérique manque trop de femmes et la solitude des hommes peut faire des ravages. Karl Oscar est fait d’un autre bois: il choisit son « chaim » au bord d’un lac isolé, fréquenté par quelques tribus indiennes pacifiques. Il lui faut construire un toit rudimentaire avant l’hiver pour abriter sa famille et permettre à Kristina de donner décemment naissance à l’enfant qui s’annonce, le premier américain de la famille. Une cabane en rondins grossièrement taillés sort de terre, il est trop tard pour préparer et ensemencer la terre, l’hiver s’annonce long et difficile d’autant que l’argent doit être conservé pour acheter les prochaines semences.

Pour Karl Oscar et Kristina un labeur aussi pénible et dur que celui de leur ferme suédoise s’annonce: la vie, les privations, les travaux de la ferme et les grossesses useront Kristina dont Mobert fait un saisissant portrait de femme! Kristina est un des merveilleux personnages de cette saga, lumineuse dans ses joies comme au coeur de ses doutes, mère courage et amante fidèle et solide, d’une rare humanité dans ses actes comme dans sa douleur lancinante d’avoir quitté sa terre natale et sa famille, famille qu’elle ne reverra jamais plus!

Un vague à l’âme l’étreint souvent, les larmes perlent aux bords des cils avant de rouler, torrents d’une peine inextinguible, sur son visage: un jour, une poignées de pépins du pommier d’Astrakan poussant près au pignon de la ferme de ses parents, arrive. Elle les sème amoureusement au coin de la nouvelle maison de bois édifiée par Karl Oscar….une pousse évoluera lentement en jeune pommier puis en beau pommier pour un jour offrir à celle qui n’a jamais pu oublier d’où elle était partie, un beau fruit juteux.

 

Les pionniers suédois à la conquête de l’or


L’Amérique est la terre de tous les possibles: Ulrika, La Joyeuse, accèdera à la respectabilité en épousant un pasteur baptiste et Robert partira en compagnie d’Arvid rejoindre la caravane des pionniers attirés par l’or mirifique de la Californie. Cette terre de tous les possibles aidera Robert comme Kristina à accepter leur destin et leur place même si c’est au prix de leur vie. L’Amérique est le progrès en marche: le télégraphe, la cuisinière à bois, la machine à coudre, le colt ou la batteuse-lieuse.

C’est aussi l’Histoire en marche, les frontières et les états qui se dessinent au fil de la colonisation, c’est la fin d’une civilisation à l’écoute de la Nature et le commencement d’une ère de conquêtes chères payées. Le vent de l’histoire fait trembler les pionniers: alors que la Guerre de Sécession bat son plein dans les états du Sud, les Sioux, acculés à la famine en raison de leurs territoires de chasse grignotés par les bras des pionniers agriculteurs, se lancent dans une ultime révolte sans issue. La férocité des attaques restera longtemps gravée dans l’imaginaire collectif des pionniers, scellant la fin d’un mode de vie et d’une civilisation. Un peuple meurt pour céder la place à un autre qui fuit la faim et le joug, une histoire à l’éternel recommencement. Les Indiens s’effacent pour laisser le champ libre aux nouveaux citoyens de la jeune Amérique triomphante, pied de nez insolent à l’Ancien Monde exangue par les départs incessants de ses paysans pauvres sans terre vers les promesses outre-Atlantique.

Kristina n’avait jamais voulu apprendre la langue de sa terre d’accueil, Karl Oscar la manie en y mêlant des mots suédois, leurs enfants ne comprennent plus leur idiome maternel et sont devenus de vrais Américains: un des fils n’a-t-il pas épousé une jeune Irlandaise?

Le melting-pot américain est en chemin, croisée de toutes les cultures européennes et de toutes les libertés. Karl Oscar, au soir de sa vie, regarde avec nostalgie la carte de sa paroisse et ses yeux revoient, sans la brume du passé lointain, les chemins qui le menaient chez Kristina avant leur mariage, les pierres ôtées à la terre, la ferme devant laquelle se tenaient, immobiles, ses parents, en un mot comme en mille sa terre natale, celle qu’il n’est finalement pas parvenu à oublier.


La saga des émigrants, une histoire pleine d’émotions


Lorsque l’on termine la lecture de l’épopée de ces émigrants suédois, l’émotion est à son comble: on a l’étrange impression de quitter des amis de toujours. Cette lecture au long cours a laissé la lectrice sensible que je suis imprégnée des odeurs d’humus des plaines inhabitées du Minnesota, du bruit des rivières tumultueuses, des senteurs de la forêt parcourue par les animaux sauvages et les indiens dicrets et muets, de la sueur de Karl Oscar et des interrogations de Kristina.

Peu à peu, la Suède se dissout dans le souvenir vague des jeunes générations, seul le pommier d’Astrakan reste pour conter les épiques traversées de l’Océan bleu et de la mer verdoyante des plaines herbeuses par une poignée de Suédois à la recherche d’une terre fertile où règne l’abondance.

« La saga des émigrants » est un pur moment de bonheur littéraire, un merveilleux voyage relaté par un conteur d’excellence, Vilhelm Moberg qui nous entraîne au coin du feu pour de longues veillées en compagnie de personnages hauts en couleur et fabuleusement attachants mais aussi d’une documentation historique, sociale et technique d’une extraordinaire richesse! Le tout sans ennuyer une seule seconde le lecteur et réussissant à le tenir de bout en bout en haleine !

Roman traduit du suédois par Philippe Bouquet

En savoir plus sur Vilhem Moberg

Katell Bouali

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