Une gentille petite sorcière, pas très douée, transmet ses pouvoirs à ses filles qui les prennent sans intérêt particulier mais bien vite les aléas de la vie, parents qui se séparent, parents qui ne comprennent plus leurs enfants, société de consommation qui se délite, incitent ces deux demoiselles à recourir de plus en plus à ces nouveaux dons pour s’évader vers un ailleurs moins triste.
Même si Marie Ndiaye nie toute influence africaine, ces corneilles qui hantent ce roman bien français semblent envolées tout droit d’une lavane de Birago Diop. On a l’impression qu’elle a habilement combiné ses origines européennes et africaines pour tricoter un conte fantastique qui dénonce un monde européen plat, uniforme, gris, morne et triste, un monde sans relief comme tous ces lotissements qui fleurissent au pourtour nos grandes villes.
Cette sorcière des temps modernes, une femme, encore jeune, banale et sans ambition qui se contenterait d’un quotidien sans surprise ni relief, initie ses filles aux dons que les femmes de sa famille possèdent mais qu’elle ne détient que très médiocrement alors que sa mère aurait pu être une grande sorcière. « Quand mes filles eurent atteint l’âge de douze ans, je les initiai aux mystérieux pouvoirs … je tâchais de leur transmettre l’indispensable mais imparfaite puissance dont étaient dotées depuis toujours les femmes de ma lignée. »
Les filles acceptent cette initiation sans intérêt particulier mais dans un monde où les couples se défont tous, le père quitte la mère comme le collègue de travail essaie de fuir son foyer et comme la voisine envahissante néglige son mari, et où les parents ne comprennent plus leurs enfants, « Il n’y a rien que je puisse encore dire à mes enfants, ils ne m’écoutent pas et me font peur, » elles utilisent de plus en plus leurs pouvoirs et laissent couler les larmes de sang qui sourdent quand elles quittent ce monde sans affection et sans amour pour un ailleurs inconnu « … Elles étaient déjà parties là où, avec les maigres ressources de mon talent laborieux, je n’aurais jamais accès. »
Ce roman, ce conte, cette lavane … ? dénonce une société factice où la déesse consommation à pris une place prépondérante et où tous les moyens pour gagner l’argent nécessaire à cette sainte consommation sont bons, y compris les dérives les plus viles. Il incite à aller voir là-bas où il y aurait peut-être de l’amour, de l’amitié, de l’affection, de la joie de vivre… dans un monde qui ne serait pas le nôtre, dans un monde que nous ne pouvons même pas imaginer comme le monde des esprits dans les lavanes africaines.
Ce roman, à la croisée de la culture française et des traditions africaines, nous emmène dans un monde absurde où règnerait certainement un parent de père Ubu, un monde tellement improbable mais si réel, un monde ou la caricature serait plus vraies encore que la réalité. Un monde à l’image de ce récit pas très cohérent, aléatoire, approximatif, surréaliste, un peu fantastique, sans âme et sans passion… plat, uniforme, monotone…
Désolé de ne pas te surprendre mais il est trop tard pour que je change ! A chacun sa marginalité, la mienne n’est pas très méchante mais j’y tiens.
Tu a bien compris que j’ai horreur de la pensée unique, des idées convenues et toute faites. Et, surtout du fameux qu’il faut absolument avoir lu !
je ne sais pas pourquoi, j’aurais presque pu deviner mot pour mot ta réponse :-p
Coucou Channe, non je n’ai pas lu le Goncourt et je ne pense pas le lire car je lis rarement les livres qui sont empilés en échafauds vertigineux dans les librairies. C’est peut-être stupide mais c’est un principe personnel pour éviter de braire avec la meute !
Le livre que je viens de lire et les tribulations récentes de Madame Ndiaye ne m’incitent pas non plus à poursuivre l’expérience plus loin.
As tu lu son dernier oeuvrage qui vient d’avoir le Goncourt ?